Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Dans ses yeux (El secreto de sus ojos)


/ 2009

05.05.2010
 



LE MAUVAIS OEIL





Les Oscars sacrent les longs-métrages étrangers au romanesque caméléon : Indochine de Régis Wargnier en 1993, La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck en 2007 et, cette année, Dans ses yeux de Juan José Campanella. Ce genre de films de genres entrecroise la grande Histoire, la politique, le thriller et la romance comme les rayures d’un plaid écossais. Le pauvre romanesque caméléon ne sait plus alors où donner de la tête, finit par perdre toute couleur à force de se fondre dans les compartiments de son scénario. José Campanella ne faillit pas à la règle. Il réalise une œuvre assez intrigante pour être regardée sans ennui, mais très éparpillée, trop académique pour s’accrocher à notre mémoire. Et pourtant, la mémoire et son labyrinthe de réminiscences sont de cet opus de cinéma adapté du roman La Pregunta de sus ojos et scénarisé avec la collaboration d’Eduardo Sacheri, son auteur.

Benjamin Esposito, incarné par Ricardo Darín, super star argentine qui retrouve pour la quatrième fois le réalisateur, fut en 1974 un piètre enquêteur sur le viol et l’assassinat d’une jeune femme. Aujourd’hui, il essaie de devenir un romancier en couchant sur le papier ses échecs professionnels et amoureux. Feuillets en main, l’écrivain en herbe retrouve Irène, sa supérieure lors de leur l’enquête, mais surtout son amour secret. Soledad Villamil dont le visage rassemble ceux d’Irène Pappas et d’Anna Galiena, éclaire le film d’une douce et rare énergie.
Les meilleurs moments de Dans ses yeux sont illustrés par le fossé, à la fois abrupt et drolatique, qui sépare le passé, tissage complexe des souvenirs d’Eduardo, et le présent, canevas perçu par le prisme de sa sensibilité un brin désillusionnée. À l’image de cet enchaînement de séquences : Eduardo a écrit dans son bouquin une scène de gare que Juan José Campella filme joliment en rendant hommage au cinéma français des sixties (Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy et Un homme et une femme de Claude Lelouch). Les deux amoureux sont arrachés par le destin. L’émotion est à son comble. Les clichés vont… bon train ! Retour à la réalité. Irene, l’héroïne du roman d’Eduardo, lit cet extrait froidement. Referme le manuscrit avec désinvolture. Lance à son auteur qu’elle trouve la scène trop mélo. Il est évident qu’elle a oublié cet épisode qui torture encore l’existence d’Eduardo. Cruelle dichotomie.

Le film non dépourvu de qualités (photographie crépusculaire, casting impeccable, montage élégant…) vaut surtout pour la reconstitution de l’Argentine des années 1970. Jamais une allusion politique n’est oralisée, mais le visage d’un pays étouffé par un climat politique délétère, torturé bientôt par la dictature militaire suinte dans chaque plan. Hélas, mille fois hélas, Juan José Campella qui scénarise aussi des séries de télévision américaine (Dr. House, Law & Order, 30 rock…) veut boucler à tout prix les fils de ses multiples intrigues. Quitte à réduire, à asphyxier dans des tiroirs narratifs la subtilité psychologique de son héros : la ténacité diluée par la résignation. Une fois encore, le cahier des charges imposé aux séries déteint sur une oeuvre de cinéma. Est-il possible d’espérer plus qu’une avalanche de rebondissements, qu’un cortège interminable de dénouements pendant le dernier tiers d’un long métrage ?... Mais les Oscars, comme les Césars, sont loin d’être des cinéphiles. La preuve, Un prophète de Jacques Audiard, et surtout le bergmanien Ruban blanc de Michael Hanecke sont repartis bredouilles de la cérémonie. Le mauvais oeil, probablement.
 
benoit

 
 
 
 

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