Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Lady


France / 2011

30.11.2011
 



LA BIRMANIE EN HÉRITAGE





«- Un Saint n’est qu’un pécheur qui fait des efforts.»

Besson aime les héroïnes. Qu’elle flingue (Nikita), porte l’étendard contre des armées (Jeanne d’Arc), boive du lait (Léon), se coiffe de façon bizarre (Subway, Le cinquième élémen), tombe du ciel (Angel-A) ou affronte d’affreuses momies (Adèle Blanc-Sec), les femmes sont au cœur d’une œuvre où les mecs pourraient avoir le beau rôle. The Lady ne fait pas exception. A ceci près que la femme pourrait être l’homme. Chez Besson, les femmes sont fortes, mais généralement les hommes aussi. Dans The Lady, c’est le mari qui est soumis à l’ambition de son épouse, qui garde et élève les enfants, qui souffre. La femme a beau se croire mère de son peuple, elle n’en demeure pas moins une politicienne.

On regrettera tout au long du film que le réalisateur n’explore pas les opinions, l’idéologie de son personnage, ni même de ses adversaires, résumés à une bande de généraux violents et fous. Cette absence de dimension politique nuit au portrait de Aung San Suu Kyi. Elle devient une femme délicate, comme une fleur en cage, une prisonnière de luxe. Fragile comme un roseau, belle comme une orchidée, Michelle Yeoh n’est pas à blâmer. Quand il le faudra, elle sortira ses tripes, ses larmes, ses colères. Mais le cinéaste lui laisse peu d’espace pour comprendre tous les contours de cette personnalité complexe et sacrificielle.

Aussi, The Lady est, paradoxalement, un film cliché sur la résistante birmane, mais une œuvre intéressante sur son époux. David Thewlis, magnifique jusque dans la déchéance et la solitude, est l’homme de l’ombre qui renvoie la lumière. Un Père courage qui abandonne son égo au profit d’une cause étrangère.
Comme toujours chez Besson, il manque une réflexion cinématographique qui aurait permis à son film de se transcender. Il sait mettre en scène l’action, on le sent beaucoup moins à l’aise avec l’intime. Trop respectueux sans doute de son héroïne, il se concentre sur la transposition - décors, costumes, … - plutôt que de s’en libérer et d’interpréter l’histoire, la réalité. Dès le prologue, il nous raconte une légende qui nous immerge dans un monde factice, à l’instar de L’Amant il y a 20 ans. Besson ne prend pas de risques : tout son scénario est calibré pour que l’on anticipe les événements. La mise en scène accompagne même le moindre début de tension pour nous préparer. La musique, les images au ralenti, le réalisateur a toujours appuyé ses effets pour se donner du style.
D’une histoire personnelle, à distance ou dans un huis-clos, il créé une fresque démesurée.

Le scénario aurait peut-être mérité un peu plus de profondeur et de la mise en scène d’humilité. The Lady souffre de flirter avec trop de complaisance dans le mélo esthétisant. La souffrance paraît parfois trop lisse pour causer une émotion. Pourtant, le destin dramatique de ce couple n’en manque pas. La Birmanie semble fantasmée, même si le réalisateur n’hésite pas à dénoncer la répression et les conditions inhumaines des opposants au régime. Clowns, activistes, intellectuels : tous en prennent pour leur grade. C’est hélas trop elliptique à certains moments, trop concis. On parvient difficilement à comprendre les motifs profonds de l’héroïne : pourquoi elle se sacrifie pour son pays, elle abandonne sa famille, son mari malade. Si son combat politique lui tombe dessus, logiquement, comme « fille de » , on ne saisit jamais pourquoi elle y cède si facilement, oubliant toute sa vie « occidentale ».

Car, ironiquement, The Lady est surtout centré sur le mari. Elle est presqu’une ombre, un fantôme. Discrète, il faudra attendre que son époux disparaisse de l’écran pour qu’elle existe réellement. C’est là où le film est un peu bancal. Pour une assignée à résidence, on est trop souvent à l’extérieur. Pour une héroïne, elle est trop peu présente. Même la portée de son choix, énigmatique, est vite évacuée. Tableau trop simpliste d’un destin exceptionnel, le film a au moins un mérite : celui de nous faire prendre conscience de l’oppression d’un peuple. L’icône qui la symbolise depuis 20 ans a tout d’un objet de désir pour le cinéma. C’est sans doute le plus touchant : la déclaration d’amour du réalisateur à ce personnage de l’histoire contemporaine brille par sa sincérité, sans doute grâce à la naïveté qui transpire de toute l’œuvre.
 
vincy

 
 
 
 

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