Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Cloclo


France / 2012

14.03.2012
 



LE MAL(E) AIMÉ





«- Et pour France Gall et moi, bouche cousue, personne n’est au courant et c’est mieux comme ça.»

Le titre, Cloclo, est affectif. Un diminutif qui nous renvoie au souvenir d’une personnalité qui appartenait au patrimoine collectif. Et pourtant. Cloclo est un biopic pas déplaisant mais plutôt cruel avec l’icône dont la vie est retracée. Dans sa vie privée, le personnage est presque antipathique : la face cachée de la lune. Evidemment, sur scène, en public, Claude François est en pleine lumière et rayonne. Cette dualité est le principal intérêt d’un film sans surprises réelles. A l’instar de Ray, Cloclo ne cherche pas à enfouir les mauvais côtés du héros. Les explications de son comportement jaloux vis-à-vis des femmes ou du milieu du show-biz sont ainsi effleurées quand on accentue l’aspect freudien : un père séducteur, autoritaire, cassé par la décolonisation et une mère ultra possessive, joueuse, admirative. L’un « ne veut pas d’un fils saltimbanque », l’autre est persuadée que sa vie va « s’écrire en lettres de feu ». La mort du père sera sa délivrance quand l’omniprésence de sa mère deviendra son boulet. Il est regrettable que le scénario ne s’autorise pas à fouiller l’âme ou comprendre mieux ce Claude François, « mal aimé » car aimant mal, ironiquement fils d’Aimé François. A sa décharge, Julien Rappeneau a réussi à condenser 30 ans de la vie tumultueuse du chanteur en 2h28. Pour ceux qui ignorent tout du phénomène de l’époque, le film sera instructif. On reprochera qu’il n’y ait aucune perspective historique et sociologique, ce qui empêche de saisir pourquoi Cloclo a tant affolé les filles dans une époque étouffée par les carcans du conservatisme d’alors.

Lederman et Gall pour façonner la légende

D’épisodes célèbres en moments intimes, de manière chronologique, Cloclo déroule la vie d’un jeune homme entouré, éduqué, propre sur lui et pauvre devenant richissime, redoutable business-man et de plus en plus solitaire. Du Canal de Suez à Paris, de Monaco à son moulin-refuge, l’artiste évolue, se surexpose, et préfère se maintenir au top des charts que de chercher un équilibre personnel. Bien documenté, le film repose sur une bonne illustration de sa carrière, de sa construction artistique et sur des séquences connues de sa vie privée, sans ménagement. Le temps défile à toute vitesse, parfois s’accélérant avec des montages (incluant des archives) résumant certaines périodes, ou au contraire s’attardant sur des phases de sa vie : ses trois amours et ses trois disques symboliques (Belle Belle Belle, son premier hit, Comme d’habitude, son plus gros succès, Magnolias Forever, son meilleur titre). Cela autorise quelques moments ironiques (ses premiers pas dans le show biz), oniriques (la folie des fans qui le rendent christique), romantiques, mélodramatiques…
Mais Cloclo s’illumine au contact de deux seconds-rôles. Benoît Magimel, transformé, grossi, frisé, en producteur, le célèbre Paul Lederman. Il est celui qui va permettre au chanteur de surclasser Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday et toutes les gloires montantes. Dommage qu’on ne sache pas vraiment pourquoi ils ont rompu. Et Joséphine Japy, étonnante France Gall (tant elle lui ressemble), seule vedette yeah-yeah qui refusait de franciser des chansons américaines et préférait travailler avec Gainsbourg. Les deux jeunes égos, en plein succès, déclenchent des étincelles dès qu’ils sont en contact. Claude François est possessif et pas seulement sentimentalement. Il l’est aussi professionnellement.

Jérémie Renier, Cloclo amélioré

Car on voit bien comment - d’instincts en travail assidu, de curiosité en audaces, de mélanges des cultures et de musiques – Claude François va construire son destin. Il contrôle tout, sa famille comme son image, se lance dans les médias, se renouvelle sans cesse…
Un Michael Jackson français, avec ses habits de lumière, ses pas de danse singuliers, son nez refait, son allure efféminée, dont on épargnera une grande partie de son répertoire sonore à ceux qui n’apprécient pas sa musique. On voit comment il se construit, en se réinventant sans cesse, autant que la façon dont il se détruit. Malgré son égo démesuré en France, il sait rester humble au contact des plus grands – Sinatra, Redding… Malgré le triomphe mondial de My Way (Comme d’habitude), il demeure coincé dans ses frontières françaises. Il est lucide, il se sait petit, pas mieux physiquement qu’un autre. Alors il va dans l’épate, met les moyens, sexualise ses chorégraphies, s’entoure de claudettes. Il n’est pas le plus génial des chanteurs (Sinatra fout davantage de frissons dans sa version de My Way) mais il est la plus belle des machines du show biz. Un court circuit, ou un pétage de plombs selon, mettra fin tragiquement (et pudiquement dans le film) à tous ses éclats. Paradoxalement, cette année-là, Lederman est au top avec Coluche et France Gall l’une des plus grosses vedettes grâce à Michel Berger. Et s’il s’était éteint avant le déclin ? Cloclo, film populaire bien gominé, ne restera sans doute que pour le comédien qui incarne la star. Jérémie Renier est grandiose, pour ne pas dire épatant. Véritable double. Sa performance – qui n’est pas seulement du à ses costumes, perruques et sa vague ressemblance – est dans la lignée des Jamie Foxx dans Ray. Un véritable tour de force qui vaut bien ce tour de chant de musiques de mariages et de soirées nostalgiques. Cloclo est finalement un hymne au travail d’un acteur qui a su rendre vie à un mort, sans qu’on en voit tous les efforts. Presque plus beau, moins dur, bref un Claude François amélioré.

De là à vouloir subir 2h30 de la vie d’une vedette passée, qui interpelle uniquement une génération pré-1980, il y a un grand pas à franchir. Hélas, le genre est en vogue : le biopic est à la mode. Et le vintage également. Le présent, l’avenir sont piégés par cette mélancolie qui imprègne notre société. Ce ne sera pas le dernier.
 
vincy

 
 
 
 

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