Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Spring Breakers


USA / 2012

06.03.2013
 



SALLES DE SHOOTS





«- Prie à mégadonf’»

On attendait beaucoup d’Harmony Korine avec ce Spring breakers. Allez savoir pourquoi. Le buzz ? le marketing ? le casting ? le sujet ?
Et reconnaissons que le premier tiers du film allèche le spectateur. Un portrait, certes assez convenu, d’une Amérique écartelée entre Dieu et la débauche porno, une jeunesse étouffant sous les dogmes religieux et la pression de la réussite, des ados pas adultes tentés par le démon… Mais Korine, ici, n’est ni Larry Clark, ni Gus Van Sant. L’image a beau être flashy, fluo, sexy et vulgaire, on cherche encore un éventuel second degré ou même un sens à ce feu d’artifice visuel. Les filles , véritables strip-teaseuses en herbe, se trémoussent seins à l’air, les mecs se déhanchent en bermudas tout en exhibant leurs musculatures de salles de gym, les gros plans sur les poses suggestives en bikini peuvent affoler quelques mâles en manque, l’alcool et la coke font des cocktails explosifs… Spring Breakers ne parvient jamais à aller plus loin qu’une émission de télé réalité de MTV dans la forme et qu’un reportage d’Enquête exclusive dans le fond (Miami, ses jeunes, ses drogués, ses gangs, le sexe et les flics). Rien de porno, qui plus est.

Car le cinéaste , plutôt que d’aborder frontalement son sujet – comment des jeunes gens bien éduqués sont capables de glisser dans l’immoralité, les interdits et même le crime – a préféré insérer une histoire de guerre de gangs. Les flingues ont l’avantage de ne pas être trop censurés aux USA, contrairement à la moindre scène de cul (ici, au mieux, tout est simulé). Hypocrite jusqu’au bout, Spring Breakers se dote d’un langage cru, de scènes sagement lesbiennes, mais sera prude jusqu’au bout. En revanche le carnage final ne sera pas évité : le sang est autorisé - tout comme la poudre qu’on sniffe -, pas le sperme. La transgression a ses limites. On peut casser les règles, mais en se conformant malgré tout à celles du public américain…

Reste que Korine n’est pas non plus Tarantino. En collant une rivalité simpliste entre malfrats tatoués qui se comparent leur gros arsenal et où les filles prendront le dessus sur les « salauds », on imagine ce que le réalisateur de Boulevard de la mort aurait pu faire si les dialogues et le scénario avaient été mieux écrits. Hélas, Spring Breakers ne dépasse jamais le stade du factice et des clichés. Aucun humour ne vient même sauvé des séquences kitschs. De ce rituel initiatique, entre gueule de bois et ivresse sanguinaire, Korine n’en tire rien, sinon un mauvais trip à la morale ambivalente. Tout semble gratuit, justifié par un esthétisme toc et un récit creux et joué de manière caricaturale (mal dirigé, James Franco ne brille que dans une seule séquence, où il doit se soumettre à une fellation avec une arme dans la bouche) : ça tourne rapidement à vide. La narration, éclatée, intrigue au départ, pour finalement lasser tant ces subterfuges de découpages n’apportent rien d’autre qu’une vague manipulation sensorielle. Tous ces allers retours dans le temps n’essaient que de donner du rythme à un film qui s’essouffle vite. N’est pas Egoyan qui veut.

Ce qu’on pensait être un film hallucinatoire, avec ses échappatoires, n’est finalement qu’un succédané de comédie trash où quelques scènes surnagent grâce à un mauvais goût assumé ou une ironie inspirée. La déchéance aurait pu se terminer dans une forme de nihilisme. Mais là encore Korine a préféré sauver ses « anges », drôles de dames inintéressantes et têtes à claques, bêtes et immatures, quitte à bafouer au passage toute forme de justice. Il sauve l’innocente et la blessée, héroïse les deux garces. C’est du Kiss Kiss Bang Bang sans le gang bang espéré.

Il ne reste de Spring Breakers que la première demi heure. Korine y a fait le tour de son sujet, balançant toutes ses idées de mise en scène. Il appâte le spectateur avec talent. Regrettablement, il étire le récit et répète ses idées et les dialogues jusqu’à l’overdose. Il meuble. Il y avait pourtant de la matière avec cette grande évasion (on songe à Thelma et Louise) commencée par un braquage. La quête d’un paradis artificiel pour fuir une routine sinistre. « C’est comme un jeu vidéo. Comme si on était dans un film».

Jusqu’au bout, on reste à l’écart, comme un spectateur regardant un geek s’éclater avec ses manettes, sans comprendre vraiment les pulsions et les sensations que son jeu lui procurent. C’est peut être la seule cohérence du film : les filles nous allument, font monter la tension, mais nous laissent en plan. De ce bain de soleil transformé en bain de sang, on ne garde aucune trace… Un peu comme si on nous avait promis un concert des Pussy Riots et qu’on assiste en fait à un tour de chant de Britney Spears. Les filles « se sont lâchées ». Nous on reste frustrés. Cette plongée dans l’hédonisme n’a d’autres saveurs que celles des colorants abusivement utilisés.
 
vincy

 
 
 
 

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