Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le Hobbit : un voyage inattendu (The Hobbit : An Unexpected Journey)


USA / 2012

12.12.2012
 



UNE AVENTURE QUI TAILLE MOINS GRAND





"Toute bonne histoire mérite d'être embellie."

Peter Jackson est allé jusqu’au bout. Malgré un chemin semé d’embûches. Il aura, pour cela, écrit, produit, réalisé et monté les aventures de Bilbo Sacquet, de la Comté, oncle de Frodon et personnage ô combien important dans la mythologie de J.R.R Tolkien. Faut-il s’en réjouir ? D’une certaine façon, oui, puisque la boucle sera bouclée en 2014 par celui qui aura planté le décor au détour d’une Communauté magistrale de plaisir cinéphile. Au-delà d’une telle évidence, cette nouvelle plongée dans l’univers merveilleux de la Terre du Milieu avait tout du projet maudit. Jugez plutôt. Conflits juridiques entre la New Line (Major ayant produit la première trilogie) et Peter Jackson, crise financière de la MGM, départ du réalisateur Guillermo del Toro, tremblement de terre meurtrier en Nouvelle-Zélande, fronde syndicale, réécriture du scénario, ulcère perforé obligeant Peter Jackson à être opéré, essai d’une nouvelle technologie (HFR 3D cadencé à 48 images/seconde) décriée par des journalistes lors d’une projection test… On se dit qu’avec tout cela, le Hobbit : un voyage inattendu est un petit miracle.

Mais qui dit miracle ne dit pas forcément chef-d’œuvre. Si le film s’en sort plutôt bien, jusqu’à ravir à coup sûr les millions de spectateurs en demande de dépaysement, il souffre indiscutablement la comparaison avec son/ses illustre(s) aîné(s). Question d’appropriation puisque le Seigneur des anneaux est devenu au fil des ans la référence incontournable du film fantastique tendance merveilleuse.
L’histoire se répète donc. Mais attention, elle n’est pas identique, juste construite autour d’un arc narratif très proche où un hobbit (Bilbo) est sollicité par un magicien (Gandalf) afin de prendre part à une aventure. Écrit par Tolkien en 1937 (soit une quinzaine d’années avant le Seigneur des anneaux), le Hobbit est une œuvre moins grave, plus naïve - elle cible les enfants -, sorte de quête initiatique introductive formulant les contours de la Terre du Milieu, monde féerique peuplé d’elfes, de nains, de magiciens, d’orques et de créatures en tout genre.

L'art de se répéter

Deux options s’offraient au cinéaste néo-zélandais. Reprendre, dans le cadre d’un diptyque (choix premier de Guillermo del Toro), l’histoire de Bilbo au sens strict du terme afin d’en raconter les péripéties, ton et enjeux du livre compris (la dramaturgie aurait été plus légère entre la farce de bon aloi et l’héroïc-fantasy à la sauce Donjons et Dragons). S’enhardir, question scénario, afin de tricoter une nouvelle trilogie sous référence, liée à l’anneau, et où planerait constamment la menace d’un mal endormi prêt à se réveiller. Si Peter Jackson n’a rien occulté du Hobbit jusqu’à prendre son temps lors de la scène d’exposition sur la venue des nains à Cul-de-Sac, il se lance, sans transition aucune, dans une quête effrénée sans temps mort où tout se bouscule au portillon. Ainsi la reconquête du royaume perdu des nains d’Erebor, jadis confisqué par le terrifiant dragon Smaug, cohabite avec une menace qui gronde, incarnée, selon les dires du magicien Radagast, par un nécromancien tapis dans l’ombre. L’imbrication est de circonstance. Distillée par petite couche successive, elle brouille une narration quasi irréprochable même si beaucoup trop linéaire. Le souffle est présent, la dramaturgie non. La faute à une anticipation des enjeux futurs déjà contés lors d’une bataille globale dépassant de beaucoup les premiers pas de cette bande de joyeux nains gloutons.

Bilbo et les 13 nains

Dès lors, pas étonnant que Peter Jackson ait volontairement noirci le tableau. Il donne de l’épaisseur à un personnage juste évoqué par Tolkien (le méchant orque Azog préfigurant les Uruk-Haï), fait du roi nain Thorin une figure noble et courageuse digne d’Aragorn, emplit Gandalf de doute et place Bilbo dans une posture différente de Frodon, l’orgueil prenant le pas sur le luxe d’un confort douillet. Le passage à Rivendell (demeure d’Elrond), au cours de laquelle la réunion des quatre est convoquée (Gandalf, Galadriel, Saroumane, Elrond), en dit long sur les prétentions de Jackson. Les guest font leur apparition, véritables icônes d’un inconscient devenu collectif au service d’une histoire dont les ramifications dépassent de loin l’or des nains. Mais rien n’y suffit. Hélas. Et en bon fan de Tolkien, Peter Jackson adapte le Hobbit comme il se doit dans la fureur d’événements mécaniques faits de rencontres, d’affrontements, de courses-poursuites… Tout s’enchaîne à la vitesse d’un grand huit, montagne russe fabuleuse où la virtuosité de Jackson n’est plus à démontrer. Mais, contrairement au Seigneur des anneaux, il n’y a aucune menace agissante, ni jeu de dupe à même de contraindre les protagonistes à faire des choix. Géants de pierre, Trolls, Ouargs ou Gobelins ne sont que des embûches d’une seule et même quête.

Heureusement l’incarnation subsiste, étayée par la volonté sincère d'inscrire ce Hobbit par-delà son histoire. La séquence avec Gollum tient alors lieu de pivot. Le lien est graphique (Gollum est monstrueux de vérité. Une splendeur d’interaction viscérale) comme narratif. Si la joute verbale entre Bilbo et Gollum vaut le détour (l’enjeu, primordial, sera l’anneau unique), elle s’inscrit comme un cheveu sur la soupe comme si aucun des tours de force ne parvenait à booster les aventures de Bilbo. L’épate sacrifie la dramaturgie sur l’autel du pur divertissement. Néanmoins, il faut le reconnaître, nous sentons poindre quelques angoisses préfigurant la Communauté de l’anneau, temps trouble où le monde des elfes disparaîtra au profit de celui des hommes. Mais pour en arriver là, il faudra encore patienter deux épisodes…

Le Hobbit : un voyage inattendu a été projeté en 3D 24 images/seconde. Nous ne dirons donc rien sur la technologie High Frame Rate faute d’en avoir eu la primeur. Dommage ! Bien que Peter Jackson défende bec et ongle cet apport technologique, la stratégie de la Warner est une forme de désaveu puisqu’il n’aura pas permis à la presse d’en faire la promotion (en bien ou en mal). Il faudra juger sur pièce… Dans le même registre, soulignons que l’apport de la 3D n’est pas notable, même si le réalisateur intègre parfaitement décors et profondeur de champ pour faire de son Hobbit un vrai grand spectacle où la fluidité de la mise en scène régal les pupilles. Le cinéaste n’a rien perdu de sa fougue. Il en va de même dans sa capacité, toujours renouvelée, à nous conter une épopée au souffle épique. L’emballement est véritable. L’immersion aussi. Sur ce point le film ne nous a pas paru « longuet » malgré ses 2h45.

Comme Smaug s'empare d'Erebor, le numérique dévore tout

Reste l’aspect visuel. Le franchissement semble irréversible. Le numérique dévore tout pour un résultat parfois proche du jeu vidéo dans sa cartographie des lieux visités. Nous regrettons les beaux décors naturels, les prothèses et autres maquillages savants (surtout pour les orques/gobelins tous passés à la moulinette de microprocesseurs fous). Mais la caméra virevolte comme jamais, se permet des prouesses invraisemblables, profite d’une réalisation carrée (il manque, malgré tout, un petit je ne sais quoi de minutie…) pour mettre en boite des scènes d’action toujours lisibles.

Le Hobbit : un voyage inattendu nous ouvre un imaginaire foisonnant. Sans doute plus abrupt, moins original – attendu ? –, moins dramatique et plus linéaire que ses prédécesseurs, le film arrive néanmoins à susciter un certain enthousiasme. La qualité de l’écriture (les dialogues restent au-dessus de la moyenne pour ce genre de production), de l’interprétation comme de la mise en scène suffit, pour l’heure, à nous convaincre d’attendre le second opus. La curiosité est de mise. Peter Jackson a peut-être, sans doute, bien fait d’être allé jusqu’au bout.
 
geoffroy

 
 
 
 

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