Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La Demora (Le retard)


Espagne / 2012

20.02.2013
 



QUELQUES HEURES D'OUBLI





Les affres de l'existence des seniors constituent décidément un thème récurrent au cinéma ces derniers temps. Vu que la fin de vie, perspective peu réjouissante, est un sujet souvent boudé, on ne peut que s'en réjouir. d'autant plus que le thème est bien traité par les réalisateurs qui s'y emploient, aussi éloignés soient-ils les uns des autres, en nationalité et en style.
Ainsi, après le magnifique Amour de Haneke - Palme d'or au festival de Cannes 2012 - et le beau Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé, c'est maintenant un cinéaste uruguyaen qui aborde le sujet au travers de la présentation d'un quotidien à la fois banal et difficile d'une famille monoparentale. Deux enfants, leur mère et le père de cette dernière cohabitent ensemble dans un petit appartement où il n'est pas facile pour tous de trouver sa place. Maria a les traits tirés, se rend compte que son père commence à avoir des troubles de la mémoire.
Tendue, elle explose souvent contre lui à cause de la fatigue et de l'inquiétude accumulées, le stress ayant anéantie la tendresse. Ainsi c'est ni plus ni moins que l'histoire d'une reconstruction d'un sentiment perdu que nous propose ici Rodrigo Pla a travers l'histoire d'un fait divers.

Un papy prodigue

Augustin refuse de vieillir et supporte mal la dignité qui lui échappe, de n'être plus autonome dans ses gestes du quotidien ; il souffre d'être materné par sa fille épuisée de tirer le diable par la queue. Par conséquent, il s'échappe dès qu'il le peut grâce à un complice, et sans prévenir personne, pour retrouver l'espace de quelques instants le sentiment de s'appartenir à lui-même et de n'être pas qu'une charge pour ses proches. A l'image d'un adolescent puni, puisque c'est ainsi qu'on le traite, il se faufile la nuit pour braver les interdits, rageant d'être privé de liberté.

Une femme désespérée

Maria croule sous le poids des problèmes et devant le refus de son père d'entrer en maison de retraite et la frilosité de celles-ci à l'accepter alors qu'il a encore une famille, aussi incroyable que ça puisse paraître elle le laisse là, dans la rue... d'ailleurs, comme elle le dira elle-même plus tard "ce n'est pas moi, ça". Pas de jugement moral de la part du cinéaste : on comprend que la folie de l'acte est le résultat d'une accumulation de contingences, et "l'abandon" est esquissé de manière suffisamment subtil pour éviter au spectateur de l'inculper. On voit simplement une femme qui prend une mauvaise décision dans un moment précis d'extrême faiblesse parce qu'elle vit la situation comme une impasse sans résolution possible. On grimace plutôt, compatissant comme devant quelqu'un qui fait un malheureux faux-pas que l'auteur regrette à la fois bien vite et pourtant trop tard.

La dévastation et l'attente

Durant cette longue nuit de solitude, jamais Augustin ne fera pourtant l'hypothèse d'avoir été abandonné par sa fille. Cet acte demeurera seulement dans la conscience de celle-ci. Dans sa détresse, son père livré à ses seuls pensées s'inquiète au contraire pour elle, pensant qu'il lui est arrivé quelque chose.
Et il y a quelque chose d'à la fois terriblement touchant et déchirant à le voir espérer au fil des heures et des passants qui défilent, à le voir grelotter sur son banc avec la certitude qu'il ne doit pas bouger. Foi dans l'amour jusqu'au bout des limites physiques et au-delà. Ce père est l'enjeu du drame et le porteur d'espoir. Il exprime cet amour inébranlable entre lui et sa fille, malgré la dégradation inéluctable du corps et de l'esprit résultant du temps que l'on ne peut suspendre.

Finalement, le film est un moment authentique : on regarder vivre cette famille sous la lumière sombre et rude du cinémascope de Rodrigo Pla qui accentue le réalisme du récit et procure une émotion palpable face à une situation terrible, mais somme toute banale, à tel point qu'elle pourrait arriver tout près de chez nous, juste au coin notre rue.
 
Jules

 
 
 
 

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