Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Cloud Atlas


USA / 2012

13.03.2013
 



AU-DELÀ DES NUAGES

Le livre Bye Bye Bahia



Cloud Atlas est donc le nouveau joujou spatio-temporel des frères – frère et sœur devrait-on dire désormais –, Wachowski. En fait, cet objet cinématographique gargantuesque ressemble à un voyage au-delà de l’espace et du temps proche du trip coloré mégalomaniaque à la tentation universaliste. Il ne faudrait pas oublier que ce délire somme toute raisonné, mais pas raisonnable, a été co-écrit et co-réalisé par Tom Tykwer, réalisateur allemand responsable, entre autre, de Cours, Lola, cours et du Parfum, histoire d’un meurtrier.

L’humain dans sa caractérisation psychologique n’a donc pas été sacrifié par l’indigestion d’images syncrétiques si chères aux Wachowski. Encore heureux puisque le film, à travers six histoires singulières étalées sur un demi-millénaire mais reliées entre elles d’une façon ou d’une autre, aborde sans ambages la notion de Karma. Libre-arbitre, actes et conséquences se retrouvent liés dans un maelström visuel plus ou moins ésotérique essayant de faire sens via les « séquences-vies » de nos différents protagonistes. La lecture proposée, coincée dans un va-et-vient temporel et géographique en continu est, malgré ce morcellement narratif peu courant, d’une fluidité absolument remarquable.

Ainsi la grande histoire – qu’elle soit avérée, modifiée (uchronie) ou projetée (dystopie) – se matérialise par l’imbrication d’histoires qui ne font que relater ce qui a été, est et sera. Le fait que les acteurs principaux (Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Hugo Weaving, Hugh D'Arcy…) incarnent les différents personnages des différents segments induit sans nul doute l’idée de réincarnation. Les protagonistes du film n’agissent pas seulement en fonction d’une certaine capacité de rébellion contre l’ordre établit. Ils sont également déterminés, mais de façon inconsciente, par leurs vies antérieures. Ces deux dimensions donnent le la d’un film dont la finalité est de proposer une trame cohérente porteuse des valeurs d’indignation (l’avocat idéaliste américain Adam Ewing en 1845), de révolte (l’esclave Autua, la journaliste Luisa Rey en 1970, le gardien de chèvres Zachry en 2346) et de sacrifice (le clone Doona Bae en 2144). L’espérance est de mise. La menace d’une humanité autophage courant à sa propre perte aussi. Seule reste le droit à l’émancipation, force vive que le film met en avant pendant 2h45.

Malgré l’incroyable ambition d’un film somme mélangeant avec habileté les genres (science-fiction, thriller, comédie, drame…), celui-ci a été un échec retentissant aux Etats-Unis comme à peu près partout dans le monde. La fabrication d’une imagerie affranchie de toute contrainte narrative, non pas dans sa construction « plastique » mais dans son enchaînement « contextuel », a visiblement désorienté le public. Si Cloud Atlas a bien souvent du mal à dépasser le sens premier de ce qu’il tend à (dé)montrer, il brasse ses thématiques par le biais d’une fiction transgenre, il est vrai, assez inclassable. Sauf que les histoires narrées ne surprennent jamais, de l’esclave qui dit « non » au destin tragique d’un être conforme capable d’aller braver jusqu’au sacrifice l’ordre en place.

Ce qui pimente Cloud Atlas, film monstre dominé par la dictature d’images stylisées techniquement parfaites mais incroyablement lisses, c’est sa narration anticonformiste où chaque segment se découpe en mini-séquence n’excédant pas 5 minutes. L’absence de transition entre les parties renforce l’idée d’un continuum abolissant les frontières classiques du film à tiroirs. L’implication du spectateur est ainsi mise à contribution. Sa liberté d’adhérer aux propos et autres considérations philosophiques de cette quête initiatique sur le sens que l’on donne au choix que l’on fait, aussi. L’éclatement des destins amoindrit la portée affective au profit des idées. Ainsi, l’idée libertaire, celle qui conditionne toutes les autres, est assujettie inexplicablement au principe de climax, résolution ou conclusion morale qui rétrécit le temps, impose un rythme, une orientation. Le film est littéralement « bouffé » par la dictature de l’image. Sa portée, somme toute relative, imprègne notre rétine par effet de surenchère parfois malhabile. Cette dichotomie, entre l’ambition d’une œuvre complexe sans faute de goût et sa mise en représentation est, sans doute, ce qui a plongé le spectateur dans un profond désarroi.

À l’instar de la trilogie Matrix, Cloud Atlas est un voyage fascinant à la boursouflure philosophique-poétique de comptoir dont l’unité de temps et d’espace dépasse la somme de ses parties.
 
geoffroy

 
 
 
 

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