Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les coquillettes


France / 2012

20.03.2013
 



BONNES PÂTES





"Les mecs, franchement, il faut tout faire à leur place."

Dans la continuité de son précédent film, le moyen métrage Le marin masqué, Sophie Letourneur poursuit son travail d’introspection de l’éternel féminin du XXIe siècle. Sans complexe et avec des tonnes d’autodérision, elle dresse un portrait pas franchement flatteur d’une génération de jeunes femmes indécises et futiles qui, heureusement pour elles, n’ont jamais peur du ridicule. Des anti-héroïnes absolument humaines, avec leurs petits défauts agaçants, leurs lâchetés minuscules et leur maladresse insondable.

Comme pour Le marin masqué, la construction du film repose sur des allers et retours entre la situation présente (une soirée entre copines) et les souvenirs qu’elles se remémorent (sous forme de flashbacks commentés en voix-off). La parole envahit donc le film, à l’image du générique de début, où les phrases du dialogue s’inscrivent au milieu des noms des comédiens. Cette logorrhée presque ininterrompue devient alors la colonne vertébrale du film, non pas en tant que moyen de raconter quelque chose, mais bien comme une fin en soi, les mots étant au centre du récit plus que les événements qu’ils relatent.

Toute la question est de savoir si cela peut fonctionner sur le long terme : les atermoiements des trois copines peuvent-ils s’extraire de leur apparente superficialité et le dispositif de mise en scène de Sophie Letourneur peut-il, lui, dépasser l’artificialité qu’il génère ? La réponse est doublement oui. Déjà parce que la postsynchronisation des flashbacks crée un léger décalage, à la fois ironique (le regard posé par la cinéaste sur son récit) et réinterprété (le regard posé par les héroïnes sur ce qu’elles ont vécu – ou prétendument vécu) qui renforce la dichotomie entre ce que raconte la voix-off, et ce que montre l’image. Petits arrangements avec la réalité, voire avec la vérité… Le spectateur a ainsi un double point de vue sur chaque action, point de vue qui s’enrichit au fil du dialogue, voire explose en plusieurs versions indépendantes. Peu importe qui détient la vérité, c’est justement la reconstruction qui est fascinante. On pense notamment à Hong Sang-soo qui joue souvent sur ces variations mineures à l’intérieur d’une même histoire.

Par ailleurs, à défaut de profondeur, il y a beaucoup de fraîcheur dans les propos et les préoccupations des trois personnages. Ici, le cinéma n’a guère de place (là encore, on pense à Hong Sang-soo et à ses personnages de réalisateurs déconnectés). On fait donc une croix sur les conversations cinéphiles plus ou moins absconses, les engueulades mémorables au sujet d’un mouvement de caméra, les interprétations sans fin sur le sens d’un plan final. Ceux qui fréquentent les festivals de cinéma savent que, parfois, cela ressemble à ça. Et que le reste du temps, on se croirait plutôt en colonie de vacances. Ce que démontrent brillamment les trois protagonistes du film, qui ne pensent qu’aux soirées et aux rencontres qu’elles vont y faire. Midinettes, indécises ou culotées, elles se jettent à corps perdu dans cette parenthèse enchantée où tout semble possible.

Il s’en dégage évidemment une vraie légèreté et beaucoup de fantaisie. Mais ce qui est plus intéressant, c’est l’émotion qui naît devant la vulnérabilité des personnages, hommes comme femmes. Leurs efforts pour gagner une heure ou une nuit de bonheur, leurs tentatives d’échapper à la vacuité, leurs métamorphoses au gré de leurs humeurs sont comme le reflet des nôtres. Mieux que devant un miroir, on observe chez eux l’immense espoir qui nous anime et nous conduit parfois à agir de manière déraisonnable ou à raconter n’importe quoi, juste pour avoir l’espace d’un instant la sensation d’exister. Avec son vrai faux cinéma guérilla (faussement improvisé, vraiment sur le vif), Sophie Letourneur donne ainsi à nos petits stratagèmes la place qui leur revient : un peu ridicules, mais tellement touchants.
 
MpM

 
 
 
 

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