Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 27

 
Leçons d'harmonie (Harmony lessons - Uroki Garmonii)


/ 2012

26.03.2014
 



ENSEIGNEMENT SUPERIEUR





"- Et s’ils ne l’ont pas tué ?
- Ne réfléchis pas trop : c’est juste un travail.
"

Très remarqué lors du Festival de Berlin 2013, où il s’était vu décerner un logique (quoique réducteur) prix de la meilleure contribution technique, Leçons d’harmonie débarque enfin sur les écrans français, encore tout auréolé du Grand Prix du Jury reçu lors du Festival Premiers Plans d'Angers 2014. Prenant le contrepied de son sujet éminemment social, le jeune réalisateur kazakh Emir Baigazin propose une cinématographie extrêmement classieuse, composée de larges plans fixes et de cadres soignés qui attirent immédiatement le regard vers le point fort de l’action. Cette narration essentiellement visuelle, à la beauté presque maniérée, tranche avec l’aspect sordide de scènes souvent empreintes d’une violence particulièrement cruelle.

C’est qu’Emir Baigazin aime l’ambivalence. Celle de son personnage principal, victime devenant bourreau, celle des situations qu’il filme, oscillant entre burlesque et drame, et même celle de son intrigue, qui rebondit à plusieurs reprises dans des directions inattendues, voire oniriques. Même le titre du film est à la fois une antiphrase et un constat désespéré. Car si l’existence du personnage principal semble bien peu harmonieuse, son calvaire s’inscrit en réalité dans un tout dépeint avec une telle noirceur qu’il y semble parfaitement à sa place. L’harmonie, ici, est en effet celle d’une humanité guidée par ses pulsions les plus noires, et lancée dans une éternelle perpétuation de ses méfaits. On est ainsi impressionné par la hiérarchie stricte des collégiens caïds (chaque "petit chef" dépendant d’un supérieur lui-même soumis à la volonté d’un "grand chef", et ainsi de suite) et par le recrutement apparemment incessant à chaque échelon de l’organisation. Quant à la police, censée faire respecter l’ordre, le film en dresse un portrait si peu flatteur (impuissante, démissionnaire et violente) qu’elle semble elle-aussi parfaitement s’inscrire dans cette société si harmonieusement dysfonctionnelle.

La construction minutieuse du récit, où reviennent obsessionnellement certains motifs saisissants comme l’exécution des cafards, ou la figure du mouton, permet à Leçon d’harmonie de ne pas s’embarrasser d’explications superflues, ni même de dialogues trop signifiants. Le personnage principal est ainsi à la limite du mutisme, plus souvent plongé dans la contemplation des animaux qui croisent son chemin et auxquels il semble s’identifier (à l’image de l’araignée qui tisse sa toile) que soucieux d’interagir avec autrui. Quitte à rebuter les spectateurs qui seraient peu sensibles à la beauté aride d’une narration passant principalement par la forme.

Pourtant, le film est indiscutablement la marque d’un cinéaste à suivre, qui mêle à ses fulgurances esthétiques un regard aigu sur la société kazakhe actuelle, et sur les travers de l’être humain en général. Une jolie leçon de cinéma, doublée d’une parabole ironique sur la porosité des frontières entre harmonie et chaos.
 
MPM

 
 
 
 

haut