Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La crème de la crème


France / 2014

02.04.2014
 



LE X SELON LA GÉNÉRATION Y





Immoral mais assez jouissif, La crème de la crème est une comédie piquante plus fine qu'en apparence. Trois jeunes étudiants d'une école chic (avec polo au col retourné, Michel Sardou en soirées d'ivresse) s'enrichisse grâce à une martingale sexuelle. Avant de devenir les Loups de Wall Street et de la City, ces louveteaux de campus instaurent le concept sulfureux de la prostitution en école de commerce.

Ne vous étonnez pas donc de voir deux ou trois culottes traînées dans les amphis. Dans ce film, le sexe n'est plus une pratique physique mais un marché à part entière avec son offre et sa demande. Un pacte de sexualité. On vend du sexe aux hommes comme on vend des assurances vie aux quadras. La technique marketing du trio est aussi drôle que pathétique. D'abord on apitoie les masturbateurs - le geek étudiant en informatique est un client à fort potentiel - puis on lui propose la "marchandise". « C'est quoi ton style? » « Tout! » « Comment ça tout? Blonde? Brune?... » « Tout! » Plus il y a du désespoir plus il y aura de fric à la clé.

Avec des dialogues cruels (sorte de répliques de sitcom façonnées par le langage de l'époque), La crème de la crème fait partie de ces comédies "pour ados" (en apparence, ça flirte avec du John Hugues) qui, avec franchise et un brin de perversité, décrivent le monde hypocrite dans lequel on vit. Cette jeunesse qui brade les corps, qui banalise le sexe comme un simple produit de consommation et qui découvre le gang bang pour décompresser du stress (études, avenir, ...). Sans aucune morale ni distance, cette jeunesse ne vise qu'un seul bonheur : l'argent. L'esprit consumériste l'emporte sur tout autre rapport et réduit les sentiments à un pourboire. Le cul est un bien accessible à tous. Jamais on ne se pose la question de la pudeur, de l'intimité, ou même on ne s'interroge sur les conséquences de ses actes. Cette impunité et ce cynisme, cette immoralité et cette cupidité, cette insouciance et cette sensation d'invicibilité propre à une jeunesse paumée, dévorée par une société déréglée produit un film assez jubilatoire.

Porté par un trio de comédiens plein de fraîcheur (et volontairement caricatural), le film de Kim Chapiron rehausse l'humour à la française, même s'il faut attendre la fin pour comprendre la direction qu'il veut donner à son récit ethnologique.
Car ce que l'on retiendra davantage de ce film ce n'est ni ce business de proxénète ni les jeux sexuels (l'action et vérité n'a jamais été autant sexy), mais bien l'apparition d'une nouvelle élite du cinéma français. Thomas Blumenthal et Jean-Baptiste Lafarge forment un duo grinçant et électrique. Quant à Alice Isaaz elle donne toute la saveur de cette crème de la crème.

En se penchant sur une jeunesse bourgeoise et ultra-libérale, le réalisateur de Sheitan et Dog Pound poursuit son observation (assez juste) d'une jeunesse paumée dans une société violente (ici économiquement). Une génération Y qui prend le X comme variable monétaire. Chapiron n'est pas tendre avec eux : entre beuveries, branles (sur Chatroulette), baises et bizutages, il dessine un portrait décadent d'une future élite assez dégénérée. Mais contrairement à un Spring Breakers d'Harmony Korine ou un Grande école de Robert Salis, il refuse tout nihilisme. L'intrigue aurait mérité d'être plus solide, la mise en scène moins dispersée. Mais en restant dans ses rails - une jeunesse débauchée dans une société où le langage est devenu une succession de marques et un jargon de geek - il parvient à démontrer que ces étudiants ne sont que le produit de leur siècle : des parents persuadés que les études supérieures sauvent l'avenir de leurs progénitures, des entreprises qui manipulent la pensée au point de détruire tout esprit critique ou tout cas de conscience, etc. A trop vouloir montrer, le cinéaste, qui nous balance autant de pistes que de débats, oscille ainsi entre une oeuvre cynique, une comédie sentimentale, un drame naïf. Provocateur en diable, il dynamite tout, mais il ne va pas aussi loin qu'un Kaboom de Gregg Araki.
 
cynthia

 
 
 
 

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