Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La belle vie


France / 2013

09.04.2014
 



À BOUT DE COURSE





«On vit comme des manouches. Même pas, parce que les manouches, ils vivent en bandes. Nous on est seuls.»

Une histoire vraie, et pourtant la mise en scène ne le fait jamais sentir. La Belle vie respire une forme de liberté qui sied bien à son sujet.
La montagne est magnifique, toute en quiétude. Nous voici à l’écart de la civilisation. On mange du hérisson. On rejette la consommation. Le père, sorte de gourou, est adepte de la décroissance et refuse toute exploitation. Dans l’air du temps. Les deux fils suivent sans rechigner. Mais la réalité va les rattraper.

C’est vrai, qu’à les voir se lever tôt le matin, dessiner plutôt que de regarder la télé, s’auto-suffire finalement, on pourrait croire qu’il n'y a pas besoin de grand chose pour être heureux. Cet isolationnisme a pourtant ces revers. Mais jamais le cinéaste Jean Denizot n’enferme son discours dans un didactisme binaire. Il préfère la fuite, l’échappée belle qui va conduire les deux frangins à s’affranchir du père, chacun à leur manière. L’envie de normalité, l’envie d’aimer : peu importe, on ne peut pas vivre cachés éternellement. On ne peut pas vivre conspués alors qu’on est innocents.
C’est l’histoire d’une reconstruction. Kidnappés à leur mère, « pour leur bien » par un père proche de la paranoïa névrotique (mais néanmoins touchant), leur vie de rime à rien : ils ont tout perdu, changé de nom, menti. 10 ans de fugue, de clandestinité. Nous assistons à la fin de cette exil.

Un voyage à travers la France, avec ses rivières enchanteresses, ses levers de soleil somptueux. Une ode à la nature. Le joli scénario nous embarque sans heurts vers la destination finale. Refusant la sédentarité, les nomades deviennent des bêtes traquées, avec tous ce que cela comporte de dangers et d’aventures, à commencer par une rencontre amoureuse avec une bourgeoise catholique qui porte des casquettes maoïstes. Entre rejet et tentation, la vérité va exploser. Toute une vie de mensonge balayée pour un coup de cœur. Zacharie Chasseriaud, qui incarne le cadet, Sylvain, porte avec grâce tout le film, et ses soubresauts. Avec son physique à la Michael Pitt, aussi solaire que son père est froid, il illumine l’écran. Sa métamorphose, tant vestimentaire que comportementale, ne souffre d’aucune faute de jeu.

D’autant que le dernier tiers du film va devenir plus dramatique. Le libre arbitre et le chantage vont se confronter. On en revient toujours à ce précepte : « tuer le père. ». Mais aussi se débarrasser de ses schémas. Bref, être complètement libre, même si on passe d’une prison à l’autre. Sous l’emprise du géniteur/éducateur/mentor/ogre et dans l’empire des règles, il faut choisir. Bataille d’égos qui subtilement étend notre perception des personnages. Rien de manichéen. Un hymne à la liberté ne peut pas l’être. Mais rien de passionnel non plus, alors que l’histoire réelle (et notamment le procès du père) l’était. La solitude des êtres est passée par là. Il est normal que des individus qui ont toujours vécu frugalement tiédissent les températures ambiantes.
La Belle vie, celle de l’enfance et celle à venir, est une sorte d’épopée sauvage, entre éducation sentimentale et récit initiatique. Le film aurait pu flotter et nous égarer, se dissoudre dans un fait divers mal filmé ou prendre des allures de western surdimensionné. Mais Denizot tient son film avec une corde bien raide, domptant toutes les situations et nous surprend avec un final formellement étonnant : le carton noir arrive brutalement pour que notre imaginaire l’emporte sur l’image. Nous aussi nous avons le droit d’être libre de penser sans que le cinéma exploite nos sentiments.
 
vincy

 
 
 
 

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