Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Quand vient la nuit (The Drop)


USA / 2014

12.11.2014
 



LA VENGEANCE A DEUX VISAGES





«- Depuis qu’il a un chien, il aiment toutes les chattes.»

D’un film à l’autre, l’écrivain Dennis Lehane, scénariste de Mystic River et Shutter Island, dépeint une ville de Boston mafieuse (ici les tchétchènes), poisseuse, crasseuse et peu joyeuse. Quand vient la nuit est une brique de plus posée sur un édifice qui illustre une société américaine prolétaire, le bas de la middle-class, résidente des bas-fonds, en marge de l’Amérique de verre et de verdure. Ici les églises se vident (et le mal se répand), les budgets de la police criminelle se réduisent (et les malfrats se propagent). La ville est laide. Tout est en déliquescence.

Ici, un pub populaire, qui sert de boîte aux lettres à des blanchisseurs d’argent. Un propriétaire et son neveu, assommés par un passé regretté, acceptent la Loi des hors-la-Loi, par soumission plus que par choix. Le film porte bien son titre français. La nuit, tous les gens sont gris. La nuit, les règles changent. Les confessions se font le jour. Les crimes et leurs sanctions attendent que les lumières s’éteignent. Mais le film a un titre en anglais beaucoup plus subtil. The Drop c’est à la fois l’endroit où les malfrats balancent leur agent sale et le terme signifiant la chute. Et comme le dit si bien l’inspecteur, il y a un personnage qu’on ne voit jamais venir…

Entre film noir à l’ancienne, polar âpre et sans fioritures, histoire de braquage artisanal (une arnaque au carré), le film ne s’embarrasse d’aucun glamour, d’aucune surenchère, pas même d’une volonté de rédemption. La lumière qui se profile à l’horizon, au bout du tunnel, reste hivernale et pâle.

Michael R. Roskam ne cherche pas de voie médiane. Chaque personnage, vulnérable et hanté pas son passé, porte sa souffrance dans une traversée des enfers où tous veulent retrouver leur gloire ou une paix intérieure. Evidemment, dans ce film, les pécheurs finiront mal. Et « il y a des péchés dont on ne revient jamais ». Mais il n’y a rien de moral puisque chacun porte un trouble, tous sont en sursis. Nul innocent parmi ses solitaires, hormis sans doute le personnage de Noomi Rapace (fidèle à elle-même, bien « fuckée »). James Gandolfini est retors à souhait et s’offre une fin « sopraniesque ». Matthias Schoenaerts a tout du psychopathe inquiétant. Et Tom Hardy, pieux taiseux, naïf et tendre d’apparence, incarne le « candide » de service, passerelle entre tous ces êtres en quête d’une nouvelle vie, après avoir vécu des souffrances muettes. Son effacement et sa foi déroutent dans cet environnement. Mais ce quatuor a en commun de s’alourdir de secrets qui, une fois révélés, les définiront différemment. De quoi trahir l’autre sans coup férir. En ce sens, le script de Lehane ne délivre aucune morale.

Quand vient la nuit gratte juste le vernis qui sert d’apparence à des protagonistes peu recommandables ou peu sociables. Et sous la couche de vernis, l’ange peut-être démon et inversement.
C’est sans doute cet aspect qui est le plus intéressant dans le film de Roskam. On peut juste regretter que le réalisateur, qui a sans doute voulu ne pas trahir l’intégrité du style de son scénariste - orfèvre des atmosphères ambigües et des âmes sombres - n’ait pas voulu donner un ton plus personnel et n’ait pas osé dévier du récit pour lui apporter un symbolisme plus appuyé ou une direction artistique moins réaliste. Quand vient la nuit n’a pas l’intensité ni l’inventivité de son précédent film Bullhead. Esthétiquement, l’ensemble transpire la fin de siècle précédent. Visuellement, il ne reste pas de séquences fortes. Il sait amener la scène choc ou éviter l’image superflue d’un acte qu’on avait anticipé. Il y a même une dose ingénieuse d’imprévisibilité qui réjouit. Mais à trop rester dans une mise en scène classique, il s’empêche de signer un grand thriller contemporain. Heureusement, la scène de bar, par ses dialogues, ses acteurs et sa tension, élève le film vers un dénouement qui, par son absence de culpabilité réelle et sa volonté de ne pas juger le criminel, permet de nous hanter au-delà du générique de fin.
 
vincy

 
 
 
 

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