Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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American Sniper


USA / 2014

18.02.2015
 



CIBLES MOUVANTES

Le livre Bye Bye Bahia



"Une femme et un enfant? Ils vont te cramer si tu te plantes."

A 84 ans, Clint Eastwood ne lâche rien. Preuve en est avec American Sniper, son dernier film de guerre entouré d'une polémique qui n'a eu pour effet que de faire grimper le nombre d'entrées américaines. Sans se prendre la tête, l'acteur-compositeur-producteur-réalisateur nous ressort tout ce qu'il fait de mieux et adapte le livre de Chris Kyle, American Sniper: l'autobiographie du sniper le plus redoutable de l'histoire militaire américaine. Une occasion en or sur laquelle il était le mieux placé pour se jeter. Explications.

Chris Kyle est un tireur d'élite des Navy SEAL. Envoyé en Irak suite au 11 septembre, il a pour but de protéger ses camarades. D'une précision chirurgicale, il leur sauve la vie en permanence et abat cible sur cible. Ses exploits se répandent, lui valant le surnom de "La Légende". Malgré l'angoisse quotidienne dans laquelle vit sa famille, il enchaine les "tours" en Irak, quitte à devenir la cible privilégiée des insurgés.

Un scénario réducteur

Pour adapter une histoire pareille, on voyait difficilement quelqu'un d'autre que le vieux loubard derrière la caméra. Pourtant, à l'origine, le film devait être réalisé par Steven Spielberg. "Dirty Harry" a relevé le défi. Adepte des films de guerre et des biopics, Clint Eastwood ne s'embête pas dans la narration et l'écriture du scénario. En effet, le travail de Jason Dean Hall est risible et dénote d'un manichéisme certain. Les Américains sont les gentils, ils ont été attaqués et ne font que se défendre, tandis que les Irakiens sont des méchants qui pourraient à nouveau faire exploser les tours de n'importe quelle ville américaine. Si l'on attend rarement grand-chose des films de l'Américain, force est de constater que le récit d'American Sniper est une réelle déception.

Oui, le film montre pendant 2h12 les répercussions de la guerre en Irak sur le moral de Chris Kyle et son rapport à sa famille. Oui, nous montrer son enfance, sa vie "normale" et ses passages en Irak est pertinent. Oui, on apprécie le fait de voir comment évolue l'homme et pas juste le soldat. Mais au fond, il est difficile de ne pas voir en American Sniper un film simpliste et parfois réducteur, dénotant d'un cinéma patriotique. Sans aller jusqu'à penser comme ses détracteurs qui affirment qu'il fait l'apologie de la guerre, il faut bien reconnaître que la représentation du mythe Chris Kyle joue en sa défaveur. Chris Kyle est un homme bon, un homme qui veut aider, que ce soit son frère ou ses camarades. Il a voulu changer de vie, le 11 septembre lui a offert un but précis. Il aime sa femme, il aime ses enfants, mais il aime encore plus son pays. Bien, Chris Kyle est un bon soldat comme l'Amérique les aime.

Et pour parachever toute cette histoire basique, on donne à l'ennemi, que ce prétendu héros combat, un vrai visage, Clint Eastwood nous afflige d'un super sniper syrien désormais aux ordres des insurgés irakiens. Rapidement, cet alter ego maléfique devient l'enjeu principal du film: la guerre de Chris ne prendra fin que lorsque "le méchant" sera mort. Et c'est ce qui se produit. Avec cet antagoniste aussi doué que Chris, Clint Eastwood tente de camoufler son absence d'arc narratif, de masquer l'absence de substance de son film. Et à ce petit jeu, il est passé pro. Néanmoins, ce que l'on retiendra surtout de cet American Sniper sur le point diégétique, ce sont ces morts, ces corps explosés, ces mutilations parfois injustifiées.

Un penchant pour le surplus

Pour crédibiliser son film de guerre (qui n'est donc pas un drame), le réalisateur s'est entouré de tout un tas de seconds couteaux, de rescapés de la télévision américaine. Ainsi, Luke Grimes, Jake McDorman, Keir O'Donnell, Kyle Gallner, Brian Hallisay, Owain Yeoman, Eric Close ou bien Jonathan Groff viennent grossir les rangs de cette armée américaine indivisible. Sienna Miller, plus connue pour ses photos de mode et sa relation avec Jude Law, tente désespérément d'incarner la femme de Chris Kyle et nous fait regretter sa performance sobre et réussie dans Foxcatcher. Mais la véritable valeur ajoutée d'American Sniper, c'est Bradley Cooper. Si l'on zappera sur les 20 kilos qu'il a dû prendre pour être physiquement crédible en Navy SEAL, on ne peut que l'applaudir à la fin de la projection. A aucun moment aidé par le scénario, l'acteur de 40 ans réussit l'exploit de ne jamais tomber dans la caricature du soldat tourmenté. A la manière d'un Ryan Phillippe dans Mémoires de nos pères, la prestation de Bradley Cooper facilite la compréhension du récit sans jamais nous forcer à y adhérer. C'est déjà ça !

Comme on pouvait s'y attendre, le résultat est visuellement proche de la perfection, sans fioriture ou volonté d'embellir ce qui n'a rien de beau. Les scènes de combat semblent réalistes, les morts et diverses blessures sont souvent poignantes et la place donnée aux enfants n'est pas anodine. Avec American Sniper, Clint Eastwood prouve une nouvelle fois qu'il n'a rien perdu de sa superbe, qu'il sait faire des films durs mais pas nécessairement choquants. Si certaines scènes vous dérangent, c'est normal. Si certains mouvements de caméra vous donnent le tournis, c'est normal. Si le surplus d'explosions vous titille les tympans, c'est normal. A la fin, il ne reste qu'un film à la photographie sèche, où les quelques couleurs sont utilisées pour les scènes de la vie "normale" de Chris Kyle, loin des combats. Ce qui n'est pas pour nous déplaire, disons-le franchement. Malheureusement, l'usage à outrance d'effets spéciaux lors du dernier combat et cet effet bulletproof un peu kitsch viennent tout gâcher.

Sans révolutionner le genre ou apporter de véritables éléments de réponse quant au mythe Chris Kyle, American Sniper est avant tout un film patriotique qui semble marquer la fin des années Obama. Les cinéastes n'ont plus peur ou honte de cette guerre en Irak et préfèrent montrer ce qu'elle leur a apporté, ceux qu'ils considèrent comme des héros. Bien que l'on comprenne la fascination pour Chris Kyle, un homme qui a tué plus de 150 personnes, on ne peut pas passer outre l'unique vision de l'Histoire qui est ici donnée. Il y a nécessité de tout recontextualiser, une étape Clint Eastwood a sauté. Dommage.
 
wyzman

 
 
 
 

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