Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Hungry Hearts


Italie / 2014

25.02.2015
 



LE CŒUR A SES DÉRAISONS





«- Votre fils est en danger. »

Ne vous fiez pas au prologue. Le coup de foudre dans des toilettes fermées de l’intérieur entre cet américain aux intestins en ébullition et cette italienne cachant difficilement son malaise olfactif. Ça a des airs de comédie italienne des années 70. Drôle d’endroit pour une rencontre. C’est cocasse. Mais ce sera le seul moment hilarant de ce drame qui va traverser toutes sortes d’humeurs.

Car cette belle histoire d’amour entre deux comédiens formidables de naturel, Adam Driver (étonnant et sensible) et Alba Rohrwacher (parfaite et suprenante), va mal tourner. L’idylle semble idéale. Mais l’arrivée d’un bébé (voulu par lui) va tout bouleverser (surtout chez elle). Le rêve n’était qu’un cauchemar. Sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, et ce n'est pas important, Mina va entretenir une relation exclusive, presque maladive, possessive et paranoïaque avec sa progéniture. Jude, quant à lui, va prendre conscience plus tardivement du danger médical que risque son fils. De là, la guerre dans le couple est inévitable, opposés radicalement sur la manière d’élever le bébé.

Si les deux époux sont en désaccord, leur amour reste vivace. De compréhension en compromis, en « bonne » intelligence (ils sont loin d’être bêtes et méchants), ils cherchent en permanence à rester ensemble, malgré leurs différences de vue. C’est toute la beauté du scénario : jamais le réalisateur Saverio Costanzo ne cherche à créer un conflit haineux, où l’un aurait raison et l’autre pas. Hungry Hearts possède une force invisible, celle de ne jamais obliger le spectateur à juger l’un plutôt que l’autre.

Selon les moments, on sera même enclin à basculer dans l’autre camp. Aussi, quand la tragédie survient à la fin du film, il n’y a aucun soulagement, juste de la tristesse. Hungry Hearts est une histoire où l’amour est plus fort que tout. Mais c’est aussi un récit qui, fatalement, ramène à une dure réalité : l’instinct maternel peut-être destructeur. Car il s’agit bien d’une histoire de mères. Celle de Jude, comme celle du bébé. Les hommes sont presque passifs. C’est l’autre intérêt du film. La détermination des femmes les valorise quand les hommes semblent dépendants.

Horreur conjugale

Le cartésien ne peut avoir raison de l’instinctive. Seule la « folie » dans la quelle elle glisse permet, par instants, une ouverture pour qu’il reprenne la situation en mains. Plus elle est paumée, plus le film sombre dans une intensité psychologique, aux frontières du film d’horreur (on pense à Rosemary’s Baby). Même la caméra s’autorise quelques effets étranges, déformants, comme pour accentuer la détresse de Mina, son détachement des réalités. Mais le couple bat immanquablement de l’aile. Jude est poussé dans ses retranchements et réagit brutalement. Hungry Hearts aurait pu s'intituler Angry Hearts. La colère monte et on craint que la haine ne dévaste tout. On peut regretter que la mise en scène ne soit pas plus ténue, plus cohérente. Autant le film captive par ses variations de tonalités, entre errance et thriller, drame familial et déraillement - ce ne sont pas les rebondissements qui manque (kidnapping, police, etc…). Autant cette guerre larvée et non souhaitée par les deux camps manque d’intensité dans les moments cruciaux, tandis qu’elle sublime les scènes les plus contemplatives.

Cependant, l’histoire est tellement forte, les deux personnages si bien incarnés, que l’angoisse nous happe sans effort ou effet particuliers. Tout devient inquiétant, à l’image du corps anorexique de Mina. Tout devient imprévisible, à l’instar des réactions de Jude.
Salverio Costanzo parvient malgré tout à nous offrir un épilogue apaisé malgré l’atrocité de cette guerre, qui finit mal. Il aura posé, entre temps, les bonnes questions sur le couple et la responsabilité parentale dans un monde qui n’est pas forcément le meilleur pour s’épanouir. Et ce sans didactisme, sans solution imposée. Hungry Hearts n’a rien d’un joyeux conte de fée. Réaliste, cette allégorie, pas vraiment tendre, prend aux tripes. En faisant de la naissance d’un bébé, le déclic du cataclysme pour un coupe, Costanzo attaque une valeur fondamentale de nos civilisations et la société de l’enfant roi (indigo ici, précieux entre tous, unique par foi). C’est une comédie romantique empoisonnée, non pas en croquant la pomme, mais justement en refusant de la dévorer, par crainte d’être contaminé à cause de pesticides ou de sales ondes. A force d’avoir faim, d’amour, de sexe, de bonheur, le couple se désagrège. Paradoxalement les deux comédiens produisent une alchimie rare au cinéma qui les rendent indécollables de nos mémoires. Unis à jamais.
 
vincy

 
 
 
 

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