Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Passion of the Christ (La Passion du Christ)


USA / 2004

31.03.04
 



FAITH FACTOR





Qui est ton père ?

Pasteur en peine et en proie à une bonne crise de foi dans Signs de M. Night Shyamalan, Mel Gibson avait su retrouver le chemin de la confiance en l’esprit saint dés lors que quelques petits hommes verts s’aventuraient dans le périmètre familier de sa ferme. L’aventure aura du laisser un goût d’inachevé à l’acteur australien, qui pour transfigurer sa dévotion en son Eglise s’embarque aujourd’hui, aidé de ses compétences désormais oscarisées de réalisateur, dans une quête de la source de sa confession, le Mythe, celui du Fils, le fils du Père…
La belle histoire donc, comme l’appelle l’incontournable Lelouch, qui en a livré lui aussi sa version personnelle. Car il sont nombreux les auteurs et autres, à s’y être essayés. La tentation est trop belle et des plus compréhensibles tant l’influence des symboles religieux demeure encore puissante dans notre culture contemporaine, même deux mille ans après le zéro et ce quelque soit le degré de laïcisation concédé. Convertis ou pas, les motivations de chacun divergent, la forme aussi. Des Monty Python avec Brian’s life à Martin Scorsese avec The last temptation of the Christ, l’Evangile sera tout aussi bien célébré que réinterprété voire désacralisé en une démarche forcément saine à défaut d’être toujours sainte, car preuve tangible de liberté d’expression et de fertilité d’esprit.
Mel Gibson lui n’a que faire de toute considération intellectuellement progressiste. Croyant, il l’est et quand il emprunte le chemin de croix ce n’est assurément pas pour se poser des questions. Ses derniers jours de Jésus s’adresseront donc aux chrétiens pratiquants en manque de célébrations démonstratives et particulièrement aux américains friands de conviction par l’image et qui n’auront surtout pas manqué une séance de catéchisme. Car son scénario s’en tiendra scrupuleusement aux lignes du Nouveau Testament, qu’il vaudra mieux connaître puisque le cinéaste ne se donnera pas la peine de s’encombrer de présentations. L’intrigue débute ainsi abruptement sur le Mont des Oliviers où chaque personnage, aussi emblématique soit-il, se suffira à lui-même pour signifier son passé et sa destinée par la seule grâce de son nom. A défaut de renseigner les moins initiés, supposés ne pas exister, la démarche permettra à The Passion Of The Christ de développer une grande efficacité dans la narration. La maîtrise de la fluidité du début du film représente d’ailleurs l’une des qualités essentielles de l’entreprise. L’autre sera la direction artistique particulièrement soignée (les moyens sont là, ce n’est pas un miracle donc). L’Evangile selon Mel épousera en tout cas tous les ressorts du film grand spectacle populaire hollywoodien en privilégiant l’attractivité visuelle et l’accessibilité de la mise en scène. Des choix évidents de casting qui ne troubleront personne : James Caveziel une fois de plus sanctifié à l’écran en illuminé de premier ordre et Monica Bellucci en Madone enfin dans son contexte… A défaut d’être bouleversé, il est raisonnable d’envisager les choses avec espoir, après quelques minutes de visionnage, comme un péplum apparemment plutôt décent et susceptible, si on daigne oublier le très creux Gladiator, d’évoquer, alors que l’on n’y croyait plus, la grande époque de Cecil B. Demille (Les Dix commandements, Samson et Dalila et … The Passion) ou un Barabbas de Richard Fleisher…
Sauf que les contextes évoluent et en un temps où les Etats-Unis (God bless America…) de Bush le junior partent en croisade contre les peuples aux mœurs impies pour porter la bonne parole libérale, l’ami Gibson se lâche sans retenue dans l’exaltation fédératrice et commémorative à l’adresse de sa paroisse de victimes en pénitence (du 11 septembre ?), égrainant tout ce que son missel contient d’imagerie pieuse avec une nette prédilection pour les représentations iconiques chrétiennes les plus douloureusement expressives. Il n’y aura par conséquent fatalement pas que de l’amour dans la montée sur la croix de l’élu, il y aura surtout beaucoup de souffrance. Celle-ci finira par inonder la plus grande partie du film, au point de devenir apparemment sa seule raison d’être. Gores les séquences du martyr le seront avec une ignorance de la complaisance qui finit par causer l’hilarité (regardez attentivement le clou qui traverse le poignet et le bois, le sang qui dégouline, non ce n’est pas du chiqué…).
Interminable, le calvaire exhibitionniste prêtera sinon au dégoût, en tout cas à l’ennui et quand le condamné se relèvera d’entre les morts (pour une fois vous aurez droit à la fin, les risques de vous la gâcher étant minimes), c’est pour présenter sa silhouette luisante, ciselée dans l’obscurité par une lueur incendiaire en un plan grandiloquent qui renvoie curieusement à la bande annonce de Rambo 2 se préparant au combat… loupe sur le détail de la main trouée en plus (pour définitivement ne pas oublier les stigmates…).
Tout ceci est bien triste tout en n’étant pas très sérieux. Avec un peu de recul, l’ensemble apparaîtra peu surprenant en considérant la fascination qu’exerce traditionnellement la violence dans la culture américaine, frôlant parfois le culte. La force de persuasion de la machine industrielle hollywoodienne n’en est pas à ses premiers faits d’arme. Plus marginalement elle s’attaque parfois à la spiritualité, un commerce comme un autre. Mel Gibson sonnant le réveil des consciences américaines chrétiennes en mettant en jeu sa crédibilité au nom de sa foi, l’ « exploit roublard» renvoie à une certaine implication toute aussi peu convaincante d’un certain Travolta qui s’engageait il y a trois ans dans l’adaptation présumée divertissante d’une œuvre de Ron Hubbard; encore moins digeste dans le genre vénération.
Il y a certainement mieux à faire aujourd’hui quand on se balade dans les hauteurs du Golgotha que d’envoyer les cinéphiles s’autoflageller dans les salles obscures en soumission au dogme. Peu importe la pseudo authenticité subjective, puisqu’ entendue jusqu’à l’usure, le choix de la langue morte (si ce n’est d’ouvrir le spectateur américain de base au sous titrage, au moins il y aura un véritable miracle dans cette affaire), la relecture des textes rabâchés et déformés s’impose à l’heure où les traducteurs planchent encore sur la question (André Chouraqui pour n’en citer qu’un). The Passion Of The Christ du prosterné Gibson se résumera à une œuvre conservatrice, à la prêche vainement démonstrative, dédiée à un symbole de l’humanité moderne, qui ne se plaisait pourtant pas à composer avec les arrangements déjà bien matérialistes du système (les marchands du temple ou les empereurs) qui l’entourait alors. Une intégrité subversive qui fait rêver. Mais ceci est une autre histoire semble t-il…
 
petsss

 
 
 
 

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