Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le Guépard (Il Gattopardo - The Leopard)


Italie / 1963

28.03.63 (Italie)
 



TRANSITIONS





"- L'amour. Du feu, des flammes pendant un an. Des cendres pour trente ans."

Le Guépard est souvent, par facilité, qualifié de chef d'oeuvre. On lui reprocha même son classicisme et un esthétisme exagéré. Pourtant derrière ce vernis apparent, Visconti a su imposer un cinéma à la fois moderne et audacieux, académique et épique, politique, romantique et philosophique.

Le Guépard c'est avant tout un film qui scrute, vole, dirige et magnifie les regards. Le regard d'un vieux lion sur une société en mutation et une vie à son crépuscule. Le regard fougueux d'un félin, racé et passionné, prêt à épouser tous les détours d'un pays en plein chaos. Le regard amoureux d'une jeune chatte, libre et belle, chanceuse et s'emparant de sa destinée. La caméra fixe leurs yeux. Et parfois leurs yeux invitent la caméra à changer d'angle. Les prises de vue sont à la fois distantes (des plans d'ensemble somptueux, semblables à des tableaux) et subjectives (nous voyons ce que le personnage observe). Contemplatif et critique, le film est une fresque à échelle humaine, ou l'inverse des vies devenues spectaculaires.

A ce titre, le casting est un judicieux, y compris dans les plus petits rôles. Porté avec prestance et noblesse, l'habit du Guépard sied comme un gant à Burt Lancaster. L'acteur américain incarne à la perfection cet homme imparfait et patriarchal, humaniste et sage. Il en a les tourments, les violences verbales, l'amour désanchanté, l'ambition meurtrie, la désillusion mélancolique de celui qui va mourir. C'est sans doute l'un de se splus grands rôles. De près comme de loin, Visconti le sublime et le transforme en légende.
A côté les autres pourraient faire pâle figure, tellement leurs personnages sont plus fades, plus uniformes. Delon, Apollon distingué et trop sûr de son futur, et Cardinale, icône sauvage et beauté généreuse, forment un couple "Roméo et Juliette" plus que parfait, idéal pour le cinéma version grand écran, avec les coeurs qui palpitent sous les corsets, les pupilles qui s'allument au moindre baiser. Cependant le maître Visconti les a fait surjoués là où ils n'y avait rien à exprimer, notamment dans des scènes muettes où les effets de bouche frôlent le pire.

Cela reste du détail comparé à l'ensemble. Artistiquement, on ne peut rien reprocher au Guépard. Des costumes aux décors, de la musique au scénario, du cadre au montage, c'est une pure réussite cinématographique. Sa longueur pose problème sur la fin, heureusement reprise en rythme avec la scène du bal. La richesse du film, tant dans son propos que dans son illustration, transcende le sujet. Cette naissance révolutionnaire de l'Italie, cette apogée du mélange de sang et de l'évolutionnisme, cette sagesse sur le caractère des hommes et leur rapport avec le temps forment autant de lectures possibles du Guépard. Il prend d'ailleurs toutes les opinions à partie : eglise, noblesse, peuple, opportunistes, armée...

Visconti a donc réussi un film où les hommes luttent avec leur destin, espèrent dans leur foi. Les classes sociales si précisément identifiées sont une vraie référence au cinéma italien d'avant Fellini. Mais tous ces portraits picturaux (ces jeunes hommes qui ont influencé les campagnes pubs de YSL par exemple), ces enluminures, peintures et sculptures donnent à l'oeuvre un aspect presque surréaliste. Derrière ces plans aussi statiques que peuplés, il y a ces mouvements de caméras brusques et surprenant.
Au delà de l'histoire admirablement narrée, on trouve une scène saisissante où les "aristos" poussiéreux de leurs voyages semblent, assis dans l'église, blanchis par la mort et comme exposés dans un musée. Le Guépard n'a donc rien d'un film vieux ou issu de la nouvelle vague. Il n'est pas aristocratique ou démocratique, simplement cinéphile ou juste grand public.
Il est une transition scellée entre deux cinémas, deux périodes, deux générations. Il est à la croisée des chemins; et ces chemins, encore maintenant, ne sont pas poussiéreux.
 
Vincy

 
 
 
 

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