Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Nocturama (Nocturama)


France / 2016

31.08.2016
 



LA NUIT LEUR APPARTIENT





Paris, un jour à priori comme un autre : des jeunes à peine sortis de l’adolescence entrent dans les couloirs du métro, certains communiquent par téléphone et d’autres récupèrent un sac. En fait, pour eux, ça ne sera pas un jour comme les autres : direction le quartier de La Défense, la rue Vanneau, un hôtel, différents endroits pour préparer quelque chose. L’heure approche…

Le mot "terrorisme" qui résonne désormais chez nous avec une acuité nouvelle depuis les multiples attentats de 2015 et 2016 semble faire peur aux distributeurs de films et aux exploitants de salles (annulation de la sortie de Made in France de Nicolas Boukhrief, puis de de James Watkins…) tout comme désormais aussi aux cinéastes qui préfèrent s’enfermer dans un huis-clos comme Taj Mahal de Nicolas Saada (quelques victimes dans un hôtel en Inde) ou ce Nocturama (dans un grand magasin à Paris). Cet isolement ne raconte finalement que peu de choses, juste ce qui se passe au moment de l’acte terroriste : quelques heures avant et après.

Bertrand Bonello se défend d’ailleurs d’exploiter les événements tragiques que l’on a en tête : il a expliqué que c’est un projet de film dont l’écriture remonte à 2011 avec le ressenti d’une atmosphère générale, seul le titre original Paris est une fête a été modifié… De toute façon, il est peu question de religion dans le film (sauf un dialogue à propos du paradis), mais plus généralement du pouvoir des banques et des symboles du pouvoir politique. L’acte terroriste est celui d’une insurrection plus symbolique que criminelle contre ces pouvoirs : les faire exploser et brûler. Les motivations des jeunes resteront volontairement floues.

Le réalisateur guère inspiré et maladroit pour ce qui est des dialogues trouve là un terrain propice à un bel exercice de mise en scène : jouer avec la temporalité. Le récit se déroule pendant une quinzaine d’heures environ, avec des moments selon plusieurs points de vue, quelques flashbacks dans le passé et des ellipses. Le temps qui passe est d’ailleurs indiqué sur l’image comme celui d’une montre : 14h07, 14h22, 15h15, 16h18, 19h53, 23h12, 02h15, 03h30… Nocturama est rythmé par quelques heures et trois actes : la mise en place du plan et les explosions, le repli dans le grand-magasin et l’attente, puis un affrontement. Bertrand Bonello joue à manipuler l’impression de temps réel.

Le temps est au début (pendant la première demi-heure) dilaté à l’extrême avec le trajet de chacun dans le métro ; il sera ensuite plusieurs fois fractionné avec dans un split-screen 4 images différentes à la fois sur l’écran ou dédoublé pour être répété selon un autre point de vue. L’ensemble évoque immédiatement le dispositif de simultanéité du Elephant de Gus Van Sant, que Bonello exploite là pour les trajectoires de ses personnages.

Toutefois, le cinéaste semble depuis ses débuts victime d’un étrange paradoxe : il reste hermétique sans vraiment parvenir à faire s’incarner individuellement ses personnages avec Quelque chose d’organique (son premier film presque renié au profit du suivant, Le pornographe) ou Tirésia (et son court Cindy, the doll is mine) tandis qu’il parvient plutôt bien à aborder une époque à travers un collectif de plusieurs protagonistes avec De la guerre (son audace la plus en phase avec son verbiage) L’apollonide (sa plus belle réussite artistique) ou Saint Laurent (son plus grand succès commercial). Son maniérisme quand il s’agit d’un individu ou de l’humain peine à séduire, alors que son formalisme quand il s’agit d’un groupe ou de l’air du temps réussit à convaincre.

De par son sujet, Nocturama était promis à venir s’ajouter à ses derniers films, sauf que presque jamais dans le film ses personnages ne forment un groupe (les jeunes sont toujours filmés en duo ou trio) et que ces individus cadrés en aparté ne sont guère crédibles. Ses acteurs et actrices sont certes tous épatants mais aussi malheureusement desservis par des dialogues (et certaines situations) improbables. La colonne vertébrale du film est l’acte qui se déroule à l’intérieur du magasin, les quelques heures durant où les postures deviennent impostures. Ensuite la réalité fera irruption, violente.

Bertrand Bonello s’embrouille parfois avec les dialogues mais il fascine avec ses plans, d’autant plus qu’ils sont accompagnés de différentes musiques qui sont narratives plutôt qu’illustratives ("and now the end is near, and so I face the final curtain..."). De ce point de vue images/sons/montage Nocturama est sans doute dans le cinéma français en salles cette année l’un des films les plus foudroyants. Peut-on dire que la foudre n’est pas passée loin ?
 
Kristofy

 
 
 
 

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