Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La fille de Brest (150 Milligrams)


France / 2016

23.11.2016
 



ELLE SE BAT





«- Pour les convaincre de bouger, il faut leur mettre un maxi pétard dans le cul.»

A priori, La Fille de Brest est un film insolite dans la filmographie de la cinéaste d’Emmanuelle Bercot. On y perçoit bien son style énergique, ses prises de vues sur le vif, cette caméra qui capte l’instant comme un regard subjectif. Comme dans La tête haute, on a affaire avec le sentiment de justice et d’injustice. Mais La Fille de Brest, film de commande, est une histoire vraie, technique, un scandale politique et sanitaire. Un Erin Brockovitch dans le style de Spotlight à la française comme le dit justement l'affiche. Evidemment, la cinéaste ajoute un peu de romanesque, s’attache à la liberté de ses personnages (thème récurrent de son œuvre) et s’amourache de ses acteurs.

Mais, elle a aussi cette intelligence d’adapter son style au récit. Sans être un très grand film, a fille de Brest a le mérite d’être redoutablement efficace et profite d’un savoir-faire indéniable qui lui donne tous les aspects d’un thriller où l’enquête est menée par des médecins et le vilain incarné par un laboratoire pharmaceutique dans un milieu un peu corrompu.

Clinique

Ce décryptage d’un système est sans aucun doute l’aspect le plus passionnant du film. Irène Frachon (formidable Sidse Babett Knudsen, qui s’amuse avec un français populaire) est seule contre tous. Le portrait de femme que dessine Bercot est l’autre grande réussite du film, n’en faisant ni une héroïne ni une femme parfaite. Profondément humaine, faillible, Jeanne d’Arc emportant tout le monde dans son combat, lanceuse d’alerte menacée, elle s’avère épatante et empathique.

Derrière ça, la réalisatrice n’oublie rien : les liens incestueux entre labos et hôpitaux, les arbitrages par les agences sanitaires filmés comme des procès dans les tribunaux, l’impact et le travail des médias sur une telle affaire, sans oublier les périls, les méthodes ou encore les bâtons dans les roue d’une telle investigation scientifique. C’est technique mais jamais ennuyeux. C'est simplifié mais remarquablement pédagogique.

Bercot multiplie les duels, les face-à-face, les crispations et les tensions, construit son film comme une guerre où chaque bataille gagnée ou perdue met un nouveau jeton dans la machine. C’est une guerre qui est déclarée. Une vraie guerre entre un personnel médical sous pression et une entreprise prospère arrogante. Cela pourrait être binaire si ce n’était pas si réel. La pasionaria Irène et le grand pro Le Bihan (Magimel, sobre et parfait) vont se sacrifier pour faire éclater une vérité mortelle : le médiator, produit antidiabétique, prescrit comme un coupe-faim pour de nombreuses personnes en surpoids, tue. En masse. Et pas seulement chez « ces ploucs de Brest ».

Frontal

Film utile, intéressant et bien fait, La fille de Brest est sans aucun doute le plus affirmé, celui où le doute est le plus absent, réalisé par Emmanuelle Bercot. Généralement, la cinéaste préfère des fins évanescentes, des points de suspension, naviguer dans des zones floues. Là, elle y va bille en tête. A l’image de ces deux opérations chirurgicales frontales. Âmes sensibles s’abstenir. C’est du documentaire : à l’instar de Katell Quillévéré dans Réparer les vivants, la réalisatrice rend hommage à son père, chirurgien cardiaque. L’épiderme est découpé, les os cassés, les organes visqueux. Bercot ne biaise jamais. Son cinéma intuitif la conduit ici à vouloir filmer froidement, cliniquement son sujet, avec du jargon médical et des gestes professionnels.
Heureusement que le scénario invite de la vie – familiale, amicale – et des personnages pittoresques (la journaliste du Figaro, le « père Noël », taupe souterraine qui joue les agents doubles) dans cette histoire d’une petite pilule qui empoisonne le quotidien et l’avenir des victimes comme des responsables. Cela vaut bien tous les sacrifices. C’est aussi ces éléments qui font de ce film de commande, calibré pour donner au spectateur ce qu’il attend, une œuvre un peu plus singulière qu’il n’y paraît. A l’image de cette médecin normale qui, en grattant un peu, a une personnalité aussi particulière qu'attachante.
 
vincy

 
 
 
 

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