Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La mécanique de l'ombre


France / 2017

11.01.2017
 



L’AVIS DES AUTRES





«- Le numérique m’inspire la plus grande méfiance.»

Il y a les films noirs tortueux et mélodramatiques à l’instar de l’excellent Diamant Noir. Avec son premier film, Thomas Kruithof entre dans le club des cinéastes qui manipulent brillamment le spectateur avec un polar politique et paranoïaque. Célèbre-t-on un renouveau du genre en France ? Il faut l’espérer.

Epuré (les décors sont sobres), sec et néanmoins tendu, La mécanique de l’ombre est autant une allégorie du pouvoir qu’un tableau cynique des pulsions humaines qui l’accompagnent. Les rôles sont clairement définis : trois hommes, une femme. La manipulation est à un haut niveau (une campagne présidentielle en arrière plan). Un pigeon fait double-jeu pour sa propre survie.

François Cluzet est formidable et contribue beaucoup à l’atmosphère atemporelle du film. En quinqua consciencieux mis sur le bas-côté du marché du travail après un burn-out et pris dans un piège infernal qui le dépasse, il exprime avec un minimum d’effets toutes ses peurs et ses détresses, sa lassitude et sa volonté de survivre.. Le personnage est bien écrit et superbement campé.

Au passage, le réalisateur glisse quelques critiques assez mordantes sur le marché de l’emploi actuel et les conditions de travail absurdes qu’on impose au cadre. Et celles du nouveau job de Cluzet, sorte de scribe retranscrivant des écoutes téléphoniques qui nous rappelle le glacial La vie des autres, est sans doute un sommet de surréalisme, qui pourtant paraît tout à fait crédible.

Spy Game

Ce thriller d’espionnage réussit toutes les clauses du contrat qu’impose le genre, avec, en arrière plan un regard pas tendre sur une société corrompue. Evidemment, les comédiens se régalent à incarner des stéréotypes « melvilliens » où le jeu presque monolithique permet d’infinies variations.

Car cette Mécanique de l’ombre met en lumière un théâtre peu reluisant. Si le film est si épatant, c’est bien parce qu’il est l’anti-thriller hollywoodien, tout en sachant maîtriser le suspens et en conservant un rythme emballant. Les personnages agissent souvent dans des pièces fermées ou des endroits déserts, voire déshumanisés, dans des lieux qui nous deviennent familiers (quand ils encadrent la routine) ou étranges (quand la menace augmente). Il y a quelque chose de théâtral. L’action est excessivement rare (une vague embardée en voiture, une strangulation presque amateur). Tout se joue dans les dialogues, les regards, des gestes et surtout une atmosphère (ça ne rigole vraiment pas : torture, chantage, suspicion…).

En essayant de nettoyer l’opacité qui règne dans les coulisses d’une campagne électorale, avec un jeu de chat et de souris si banal, ce thriller politique rempli de secrets et de mensonges où tout le monde se tient par la barbichette mène droit au but : les portes de l’enfer pour un innocent, qui a ce côté hitchcockien de La mort aux trousses.

Cette traque va lui permettre de dépasser ses propres limites, mais aussi de nous dévoiler les manigances, au nom de la raison d’Etat, de ces hommes de l’ombre se plaçant au dessus des lois. Cela laisse le spectateur le souffle coupé. Tant de noirceur et de cynisme, avec des faits qui rappelleront quelques actualités plus ou moins lointaines, rendent le propos réaliste, malgré une mise en scène très stylisé. Ces solitaires pataugeant dans les égouts de la République renvoient l’image d’un monde où la vie n’a pas beaucoup de valeur. C’est bien cette psychologie déviante qui fascine. Logiquement, le triangle final a des airs de Western, où justicier, hors-la-loi et citoyen doivent donner à cette histoire une morale effaçant temporairement les péchés des âmes damnées.
 
vincy

 
 
 
 

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