Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Cherchez la femme


France / 2017

28.06.2017
 



LE VOILE A SES VAPEURS





« On va quand même pas laisser séquestrée une Bac+5 ?! »

Leila est une étudiante brillante à Paris, elle a un petit ami Armand aussi dans la même école prestigieuse qui va leur permettre de faire un stage bientôt à New-York... Sa romance et ses études sont remises en question depuis le retour de son frère Mahmoud, jouant au chef de famille depuis la disparition de leurs parents. Mahmoud est revenu du Yemen transformé en barbu rigoriste... Leila n’est plus libre de fréquenter qui elle veut ni d’aller où elle veut. Il faut donc un subterfuge de vaudeville pour contourner l’attention de Mahmoud : Armand va se déguiser en jeune femme voilée de la tête au pied. Une subversion qui rappelle Mme Doubtfire, Tootsie, Certains l’aiment chaud ou Victor, Victoria.

Le film se confronte bien évidement à la fameuse question « peut-on rire de tout ? », sous-entendu « peut-on rire avec la religion ? ». La question ne devrait même plus se poser après Les aventures de Rabbi Jacob, La vérité si je mens, La vie est un long fleuve tranquille, Au nom du fils, Mohamed Dubois, Jacky au royaume des filles , et en attendant cet automne Coexister de Fabrice Eboué… Il s’agit de se confronter à des clichés qui circulent, et de s’en amuser ou de les dénoncer.
Autant ne pas se le cacher, Cherchez la femme questionne une interprétation (et les contradictions qui vont avec) de l’islam et la soumission au port du voile. La réalisatrice Sou Abadi, femme de culture iranienne qui a du fuir son pays à cause de l’intégrisme religieux et autoritaire de son pays, apporte ici un point de vue personnel qui rend la comédie encore plus intéressante. Elle ose s’attaquer frontalement au féminisme, à la religion, au radicalisme, à l’engagement, aux préjugés. Mais elle décide de le faire avec une histoire romantique sur le ton de la comédie.

Burlesque et romantique

Si le sujet est sensible, encore plus dans le contexte actuel, la réalisatrice est parvenue avec un certain humour à le mettre en perspective avec des notions plus générales de liberté(s) et d’émancipation. C’est parfois inégal, malgré les bonnes intentions comme cette « leçon » de féminisme républicain dans le bus ou ces quelques clichés rabattus. C’est aussi très inspiré. Les dialogues ne manquent pas d’esprit. Quelques running gags font rire. Certaines scènes flirtent avec l’absurde. Et le final, proprement burlesque, course-poursuite bricolée digne des comédies rappelant le cinéma muet, ou, plus récemment, celles de Pierre Richard, est aussi enjoué que rythmé pour nous emballer.

Le film réjouit parce qu’il s’amuse de ses délires. La tonalité générale du film ne cherche pas à rendre crédible les situations mais à forcer le trait. Le trio des jeunes comédiens - le sexy et touchant Félix Moati et ses airs de Belmondo, la formidable et étonnante Camélia Jordana, l’excellent William Lebghil – et la présence toujours salutaire d’Anne Alvaro (grandiose évidemment) insufflent une candeur assumée.

Car au-delà de la caricature et de l’humour, Sou Abadi filme moins la critique d'une religion qu'une interprétation oppressive de celle-ci. La légèreté apparente valorise ainsi davantage les histoires d’amour (le triangle amoureux impossible comme celle des parents) plutôt que de la plomber avec un discours didactique. L’amour, les sentiments, sont finalement les seules armes pour vaincre la tentation d’un mode de vie liberticide.

Car en prenant comme élément fondateur de la farce un homme qui se déguise en femme, on assiste évidemment à nombreux gags liés à ce travestissement et des rebondissements liés à cette fausse identité. On est bien dans un schéma classique où il s'agit d'affirmer sa véritable identité brouillée par des faux-semblants, que l’on soit bourgeois ou banlieusard, musulman ou gauchiste, homme ou femme, mari ou grand frère. A se soumettre à un rôle désigné par les autres, par la société, on s’oublie. A affirmer ses convictions et ses émotions, on se libère. Très drôle de drame, Cherchez la femme est recommandé : une bonne dose de dérision ne fait pas de mal en ces temps de déraison.
 
Kristofy

 
 
 
 

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