Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le dernier Vice-roi des Indes (Viceroy's House)


Royaume Uni / 2017

05.07.2017
 



BIRTH OF TWO NATIONS





« Le Palais de Buckingham est une hutte à côté de ça. »

Le dernier vice-roi des Indes s’inscrit, comme son titre l’indique, dans le genre film d’Histoire. Ou d’histoires. La plus passionnante facette de cette fresque modeste est sans aucun doute celle qui éclaire la création de l’Inde, soit la décolonisation anglaise et la partition qui scinda le pays (Inde et Pakistan).

Cela paraît toujours étonnant de voir le mépris, le faste et la déconnection culturelle des colonisateurs. Le contraste saisissant entre l’Inde et la civilisation « victorienne » produit sans aucun doute les meilleures explications au phénomène de décolonisation. Mais la réalisatrice Gurinder Chada apporte aussi les autres éléments qui ont conduit en quelques mois à la désagrégation de l’Empire Britannique et au carnage frontalier qui découpa le pays pour des intérêts politiques, religieux, économiques et géopolitiques. Et si, comme il l’est dit au début du film, Gandhi a fait plier Churchill, le vieux lion british aura sa revanche avec un tracé des frontières qui détruira le rêve de l’homme de paix. De loin, ce récit, où l’on croise donc Gandhi, mais aussi Nehru et Jinnah est ce qu’il y a de plus captivant dans le film. Le dévoilement des coulisses, des manipulations, des intentions cachées (le contrôle du Golfe Persique) en font une synthèse essentielle d’une époque où l’Europe ruinée par la guerre a du laisser émerger les futures grandes puissances. Aujourd’hui encore l’Inde et le Pakistan se déchirent violemment autour de ce tracé frontalier absurde, sur fond de rivalité religieuse et de nationalisme exacerbé.

Parallèlement, il y a ce fameux Vice-roi et son épouse (Hugh Bonneville et Gillian Anderson, parfaits dans leurs rôles), deux nobles progressistes et ouverts. Ils révolutionnent les usages d’une cour délocalisée qui se croit à Londres et Maître des lieux. Respectueux et conscients de leur mission, ils sont le lien entre les deux mondes, l’ancien dominant et le futur qui s’émancipe. Leur couple, comme leur place dans le film, en font les véritables personnages centraux du film, alors qu’ils ne sont pas forcément au premier plan. La réalisatrice ne manquera pas d'être critiquée pour cette réhabilitation de Lord Mountbatten et sa vision de l'Histoire, à contre-courant des idées reçues, avec une interprétation différente de ce qu'en ont retenu les peuples concernés.

Mais Gurinder Chadha, de par sa double culture, a voulu, aussi, en faire un film « indien ». Avec son Roméo et Juliette (deux amoureux que leur religion sépare) naïf et mièvre, pour ne pas dire artificiel tant les deux jeunes comédiens se croient dans une romance sirupeuse digne des livres Harlequin, elle affaiblit l’ambition de son film. Son tableau politique, qui intègre une reconstitution sociale et ethnique de l’Inde de l’époque, s’efface souvent derrière ce mélodrame qui laisse de marbre tant cela manque de chair, de larmes et de sentiments.

Divorce à l'Indienne

Ce couple sert de métaphore, trop appuyée, pour incarner cette unité de l’Inde qui va imploser. Il choisira l’Inde, elle partira au Pakistan. L’impossibilité de s’aimer / de rester uni. Un divorce aussi évitable qu’inéluctable.

Malheureusement, Le dernier vice-roi des Indes nous raconte cette belle histoire plus qu’il ne nous le montre, avec une mise en scène appliquées mais qui ne cherche jamais à nous bouleverser. Ce Titanic (la musique en a d’ailleurs quelques accents) historico-romantique frustre d’autant plus que la dernière partie, avec l’exode le plus important de l’Histoire et une crise humanitaire de grande ampleur, méritait presque qu’on s’y attarde pour « vivre » le désastre provoqué par un Empire plus soucieux de contrôler son approvisionnement en pétrole que de créer les conditions de la paix dans son ancienne colonie. Quand le générique arrive, expliquant ces conséquences, on se désolerait presque de ne pas avoir la suite de l’Histoire, bien plus touchante que Roméo retrouvant sa Juliette. Cependant Gurinder Chadha, qui est elle-même issue de ce chaos, n’a sans doute pas pris la distance nécessaire, en voulant plaire au plus grand nombre, pour réaliser le grand film - qu’on attend toujours - sur l’Inde.
 
vincy

 
 
 
 

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