Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le Caire Confidentiel (The Nile Hilton Incident)


Egypte / 2017

05.07.2017
 



LE SOLITAIRE





« Je vous croyais malin. En fait, vous êtes idiot. Un foutu idiot. Vous vous croyez en Suisse ? Il n’y a pas de justice ici ! »

Dans le genre, c’est un film noir, avec une bande de ripoux : député faisant fortune dans l’immobilier, « agent » musical prostituant ses chanteuses, flics palpant du fric auprès des commerçants... Le cinéaste Tarik Saleh tenait une histoire classique, un bon polar. Mais en installant son récit dans les quelques jours qui précèdent la révolution de la Place Tahir, en janvier 2011, il donne à son film une dimension politique, et à ses personnages un caractère métaphorique. Le Caire Confidentiel prend alors un autre relief, enrichit par son contexte et son propos.

Au centre de ce jeu d’échecs, Noredin (Fares Fares, formidable dans le rôle), flic appliqué, dépassé par l’époque, hanté par son veuvage, oppressé par les statures de l’oncle et du père, croyant et fumeur de joints, solitaire et généreux. A partir d’un meurtre au Hilton, un fait divers, son monde va s’écrouler autour de lui. Parallèlement, l’Egypte s’embrase et déstabilise les rapports malsains entre élite et peuple, entre protecteurs et précaires. La corruption est partout. La police est brutale, le pouvoir est arrogant, la spoliation, l’oppression et les sanctions ne touchent que les « Egyptiens d’en bas ».
Tout autant de facteurs qui justifient insidieusement les raisons de la révolution à venir. L’injustice permanente, et la manière dont l’enquête est entravée pour des raisons « politiques », dévoile les maux d’un pays en pleine mutation économique, oubliant sur ses bas-côtés l’émancipation de sa population.

Tarik Saleh n’a pas besoin de grands effets ou de multiples rebondissements pour faire avancer son récit. Avec une économie de moyen et un rythme très maîtrisé, le réalisateur piège aussi bien son personnage principal que le spectateur. La mise en scène est aussi réfléchie qu’efficace (parfois le moindre détail peut compter dans un plan).
D’abord il y a cette atmosphère poisseuse, de jour comme dans ses belles séquences de nuit. Et puis il y a les décors : chaque lieu illustre à la fois les conditions de vie ou de travail de chacun, les contrastes entre les classes sociales, et sert également de cadre à une action - chantages, abus, influences, violences policières, tentatives de meurtres, tout y passe, sans surdose. Forcément, lorsqu’on parle de pourriture, ça ne peut que dégénérer. Même les flics se corrompent et se torturent entre eux.

Le Caire Confidentiel est cynique (l’épilogue est un monument dans le genre). Au fil de ces quelques jours, Noredin cherchait une issue décente, rachetant ses péchés, accompagnant la moralisation de cette Révolution en gestation. Le scénario rejette toute forme d’espoir béat. L’épilogue révèle toute l’incertitude de ce Printemps arabe : il y a toujours des salauds qui s’en sortent, et des bons gars qui se font tabasser. Tarik Saleh laisse son film en suspension. C’est toute sa beauté et sa richesse.
Son film est autant une fiction qu’une parabole. Une chose est certaine : la révolution a aussi conduit le cinéma égyptien à se régénérer complètement. Depuis quelques années, il montre une société déboussolée, incapable de coexister, à travers des histoires violentes et sombres. Le Caire Confidentiel en est assurément l’un des joyaux.
 
vincy

 
 
 
 

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