Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les héritières (Las herederas)


Paraguay / 2018

28.11.2018
 



CHELA ELLE L’A





Il est rare de voir un film venu du Paraguay. C’est le cas ici avec le film plusieurs fois récompensé à la Berlinale de Marcelo Martinessi. Dans ce pays isolé de l’Amérique du sud, les films se produisent avec parcimonie (moins d’une dizaine par an, les grandes années). Les héritières est l’un des premiers films à être ainsi exporté aussi visiblement : compétition d’un festival majeur, distribution dans plusieurs pays, candidature aux Oscars...

Cette histoire de femmes d’un certain âge est portée par les non-dits et les clairs obscurs. Rien n’est vraiment visible. Tout est même assez tacite. Si on croit suivre Chiquita, qui tient la maison, c’est en fait Chela que nous allons accompagner. Les deux femmes vivent en couple, sans que ce soit ostensible. Le corps a vieilli, la déprime et la solitude sont cachées par le maquillage. De vieilles peaux mélancoliques et un peu malades. Chiquita est endettée et va devoir purger une peine dans un pays où les règles restent floues. Chela va devoir exister sans sa compagne, sans son assistance.

Le film de Marcelo Martinessi tire sa beauté de son subterfuge. On ne comprend que progressivement où il veut nous emmener. Se dessine rapidement un récit qui emprisonne la libérée et joyeuse Chiquita et un autre qui ouvre des horizons à la recluse Chela. Cette libération passe par un sentiment d’être utile, en faisant le taxi, en vendant meubles et bijoux de famille du passé, et en tombant amoureuse d’Angy.

Echappées belles

Ana Brun, qui incarne Chela, est somptueuse en femme paumée qui va, au fur et à mesure, retrouver son élégance et sa capacité à séduire (et à sourire). En exprimant subtilement toutes les nuances de son personnage, qui illustrent précisément l’avancée du scénario et de son propre parcours, elle entre dans la lumière, après tant de temps passé à l’ombre.
Le désir réveille ses sens avec la personnalité piquante d’une jeune femme. Elle s’écarte doucement de sa vie passée, prête à l’ultime audace : plonger. Mais ce qui est magnifique avec Les Héritières, c’est bien cet épilogue cruel où elle attend l’une et voit arriver l’autre.

En refusant toute justification dramatique et tout contexte psychologique, le cinéaste permet à son film de s’alléger en pathos et en mélo pour flotter au gré des sentiments et des sensations. Cette renaissance d’une femme qui désespérait de l’existence, et qui retrouve le goût à la vie, hypnotise (sans qu’on s’en rende compte) grâce à une mise en scène aussi exigeante que sobre.

La parenthèse lumineuse ne se referme pas : le film est aussi vaporeux que le sujet est diffus. On ressent chacun des tressaillements du cœur. Il n’y a que des femmes, des bourgeoises essentiellement. Quelques inégalités, quelques peurs se dévoilent en arrière-plan. Mais on retient surtout l’essence de Chela : un parfum qui reste dans l’air, même quand elle n’est plus là, mélange de diesel et de nicotine, d’eau de rose et d’espoir.

Ainsi, dès qu’elle quitte la maison/prison, la caméra s’échappe et l’image s’éclaire au contact du soleil. C’est finalement en faisant face à sa vie dans son rétroviseur qu’elle se révèle enfin. Elle voyage, dans le sens empirique du terme. Ce réveil tardif demande aussi au spectateur d’être patient. Mais la sérénité qui nous envahit vaut ce détour.
 
vincy

 
 
 
 

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