Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les estivants


France / 2019

30.01.2019
 



LES LARMES AMÈRES





« Vous êtes de gauche, vous ? »

« Est-ce que avez conscience que votre scénario est fragile » demande un membre de la commission du CNC à Anna, cinéaste interprétée par Valeria Bruni Tedeschi, qui doit aussi répondre devant ce tribunal aux trop flagrantes similitudes entre ce film en devenir et les trois précédents.

Mise en abime de son cinéma comme de sa vie, Les estivants est en effet assez similaire aux autres films de la réalisatrice-actrice-scénariste. Et si le scénario semble si vulnérable, c’est bien parce qu’il aime délier la narration et flotter au gré de l’inspiration.

En abordant deux de ses plus grandes souffrances – la mort du frère qui hante les deux sœurs et le divorce, douleur terrible qui cogne l’inconscient à jamais – Valeria Bruni Tedeschi aborde autant l’absence insoutenable que la séparation subie. A travers cette autofiction, où se mêlent faits réels transformés, sa vraie mère et sa vraie fille, à des situations inventées, et sa troupe habituelle (de Vincent Pérez, compagnon de route chez Chéreau, à qui le film est dédié, à la complice Noémie Lvovsky), elle signe une œuvre tribale qui ne manque pas de tripes. Même si on peut trouver étrange cet usage cinématographique incestueux.

Débordant de névroses, les personnages alimentent avec un certain régal cette ambiance pourrie dans un lieu paradisiaque et qu’ils transforment en enfer. La déprime des bourgeois et la douleur de leurs servants coexistent sans jamais se mélanger. C’est là où le film est d’ailleurs le plus intéressant : dans ce mépris de classe affiché, dans cette observation bienveillante de ceux qui sont les larbins de cette aristocratie déclinante.

Evidemment, le scénario est plus subtil qu’il n’en a l’air, moins binaire qu’on ne pourrait le croire. Mais il met au même niveau les dominants et les exploités dès lors qu’il s’agit de sentiments, amoureux ou tristes. Tous égaux dans la souffrance. Tous humains.

La force de l’écriture provient en fait du décalage permanent. Alors que tout le monde se donne en spectacle, littéralement, personne ne voit personne. Tout le monde aspire à une autre vie mais chacun reste à sa place. Mais Bruni Tedeschi manie le décalage comme personne, partant d’une petite histoire de doigtage pour arriver à un grand bordel familial où se déballent abus sexuel et avortement. Elle distille de l’humour là où on devrait pleurer, du lyrisme ou de l’émotion pour atténuer la dérision.

Ceux qui ne l'aiment plus prennent le train

Bien sûr quelques coupes n’auraient pas été de trop. Le film est un peu long. Mais en racontant si bien la force du désespoir, à l’instar de cette prière « vénère », en banalisant la folie ordinaire, la réalisatrice, accompagnée de son formidable casting, expose les traumatismes qui la poussent à recréer et à jouer « la vie ».

Avec un grand art du déphasage, car elle est déphasée autant qu’elle est décalée, elle filme ce petit monde d’autocentrés avec une affection non feinte tout en se moquant allègrement. Mais, moins légère et moins solaire que le précédent film, cette comédie de mœurs allénienne s’achève finalement dans un brouillard plutôt féllinien. L’incertitude prend le dessus et on avance dans le brouillard comme on peut. La réponse est peut-être dans cet écho entendu où son compagnon lui assure qu’elle ne se noie pas, qu’elle va très bien, contrairement à son ressenti. Plus tard, on entend ainsi l’un des invisibles de cette famille égocentrique se plaindre : « J’ai essayé de me noyer. J’y suis pas arrivé ». Ce clan sent la mort venir mais, insubmersibles, continuent de vivre, sans comprendre qu’il passe à côté de l’essentiel. Se complaisant dans une lassitude vaine.
 
vincy

 
 
 
 

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