Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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One Hour Photo (Photo Obsession)


USA / 2002

18.09.02
 



SY, UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN





"- Personne ne veut prendre de photos de choses qu'on veut oublier."

"Je suis un peu comme l'oncle Sy" plaisante Seymour en évoquant la familiarité qu'il entretient, à force de développer leurs photos, avec la famille Yorkin. Mais Sy ne désire qu'une chose, gommer le " un peu " et abolir la frontière entre l'intimité rêvée et l'intimité réelle. La névrose de Sy se charge de cette abolition, en brouillant d'abord les frontières entre réel et imaginaire. Le film joue souvent avec habileté de cette confusion, notamment lors de la séquence où l'on voit le personnage s'introduire dans la maison des Yorkin : le suspense créé, à la fois efficace et amusant, est alors basé sur l'étrange intrication du tangible et de l'affabulation dans l'esprit de Sy.
Car c'est bien à l'histoire d'une folie, et même d'une dérive vers la folie furieuse que nous convie le film. Sy est un homme d'apparence anodine, un homme effacé que ses vêtements et la lumière fondent dans le décor. Son existence est marquée par la solitude ; pas de famille, pas d'amis : sa vie est aussi vide et froide que son appartement ou les lieux qu'il traverse. Deux choses seulement le rattachent à l'existence : son métier de tireur de photographie et l'affection maladive qu'il voue à la famille Yorkin. Cela pourrait passer pour une marotte, mais le personnage se montre vite inquiétant, tant il investit d'affect dans sa relation fanstasmée avec les Yorkin. Le rapport qu'il entretient avec le quotidien est à l'image du pare-brise de sa voiture : fêlé, à la limite de la dangerosité. Il faut ici souligner la qualité de l'interprétation de Robin Williams, dans un registre qui lui est inhabituel. Tour à tour pathétique, sombre et violent, il crée un personnage à la fois fascinant et déroutant, qui porte le film pour une grande part.
La première partie de l'histoire est sans doute la plus intéressante : la façon dont le film met en place le fragile équilibre sur lequel repose la vie de Sy, décrit sa solitude et fait entrevoir la face cachée du personnage est souvent remarquable. On le voit multiplier les tentatives d'approches auprès de la famille Yorkin avec un mélange de machiavélisme, de maladresse et d'audace très bien dosé. Le personnage est comme sur un fil : son rapport à la réalité est constamment mis en difficulté par son obsession, et on le sent à tout instant capable de péter les plombs. Ses différentes entrevues avec Nina, Will et leur enfant sont ainsi autant de moments de tension, car le personnage a beau se donner des airs de " papy gâteau ", son insistance à demeurer toujours quelques secondes de plus à leurs côtés crée le malaise et l'angoisse.
À partir du moment où Sy perd son emploi et découvre l'aventure extra-conjugale de Will Yorkin, le film bascule avec son personnage. Certes, ce basculement était inévitable, et l'idée de rendre la liaison de Will et Maya insupportable aux yeux de Sy est intéressante. Tout se passe comme si Sy ne pouvait accepter que la famille Yorkin se comportât autrement que le modèle naïf de perfection sur papier glacé dont il s'est amouraché. Son monde se défait et le personnage semble perdre les dernières résistances qui le reliaient encore à la normalité. Cet attachement maladif aux valeurs de la famille constitue une idée de scénario très habile qui permet de transformer le personnage en justicier terrifiant.
Néanmoins, à partir de ce moment-là, le film se résume à un suspense certes très efficace, mais qui n'apporte plus rien à l'histoire en termes d'inquiétante étrangeté : les dés sont jetés et l'on ne fait plus qu'appliquer les recettes traditionnelles du suspense (montage alterné sur les actes du justicier inquiétant d'un côté et les démarches de la police pour le retrouver de l'autre), avant de déployer l'inévitable surprise qui conclut presque systématiquement les thrillers actuels. Le film peine un peu à finir, et l'explication de la pathologie de Sy qui est ultimement suggérée pourra sembler maladroite et de trop (un monologue de Sy laisse imaginer qu'il aurait été victime de violence dans son enfance).
Néanmoins, malgré ces relatives longueurs finales, le film de Mark Romanek laisse une très bonne impression. Certes, le réalisateur semble toujours très imprégné par l'imagerie des clips musicaux, mais l'utilisation de cet univers visuel semble ici tout à fait pertinente : Sy est toujours perdu dans un monde glaçant dominé par les couleurs froides, et ne trouve son réconfort que dans les couleurs saturées des tirages qu'il effectue. Et le portrait de cette solitude maladive et dérangeante, dont l'existence toute entière ne tient qu'à l'imagerie obsédante de la famille idéale, constitue un premier film déjà très abouti.
 
benjamin

 
 
 
 

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