FRAIS DE BUSH

Dans South Park, Saddam était un Satan sodomite. Il semble que le Président Bush n’est retenu que cette image. Dommage qu’on ne lui ait pas projeté Les Rois du Désert (Three Kings, de David O. Russell). Quelque soit l’avis cinématographique sur ce film, il avait le mérite d’offrir un autre angle de vue sur la guerre de son papa, le premier épisode de la mauvaise saga Bush vs.Hussein. Car honnêtement, comment le Rambo de la planète peut avoir l’audace de croire qu’un simple Saddam soit un ennemi à sa hauteur ? Cela ferait un très mauvais scénario. C’est d’ailleurs un script exécrable, écrit au jour le jour, mal maîtrisé. Le happy end devrait être une démocratisation complète du Moyen Orient. Rappelons au passage que le pantin de Reagan (excusez-moi j’ai toujours trouvé qu’il faisait clown) était parvenu à la sainte trinité - désarmement de l’ennemi soviétique, changement de régime, démocratisation du Bloc de l’Est - avec la simple négociation et sans jamais l’ombre d’une menace de guerre contre l’URSS (ça s’appelait comme ça).
Du coup, Berlin avait été réunifiée en 1989. Un nouveau monde devait apparaître. On n’allait pas être déçu. La ville est un symbole pacifiste en soi. Les Rois du désert y furent projetés. L’édition 2003 de la Berlinale s’est chargée de renforcer l’image d’une Allemagne anti-guerre. Les artistes américains en ont profité pour se servir des conférences de presse comme des tribunes. Véritable théâtre pour clamer tout haut son refus à la sequel annoncée de cette guerre injustifiée. Saddam Hussein n’est ni la seule ni la plus grande menace pour l’Occident aujourd’hui. L’Amérique se trompe d’ennemis.
Les célébrités américaines ont utilisé leur tournée européenne de promotion pour lancer des bombes contre leur pire ennemi : George W. Bush. Les César ne furent pas en reste avec une déclaration d’amour pour tout ce qui était " frenchy ", du baiser avec la langue aux frites, en passant par l’indépendance américaine. Leur pensée était rodée : Bush a récupéré l’émotion du 11 septembre, cette guerre va tuer des milliers d’enfants, les conséquences contre l’Amérique sont indéterminées, ... La honte de leur gouvernement se mélangeait à l’envie d’être allemand ou français.

Un casting de rêve
Car le cauchemar est ailleurs. Ni dans la guerre, ni dans la diplomatie, qui feront leur oeuvre. Pour le meilleur et pour le pire, l’Histoire sera seule juge. Non le calvaire pour tous ces artistes - Susan Sarandon, Steven Soderbergh, George Clooney, Spike Lee, Michael Moore, Edward Norton, Rosario Dawson, Ben Affleck, Janeane Garofalo, James Cromwell, Mike Farrell, Matt Damon, Alfre Woodward, David Duchovny, Jessica Lange, Dustin Hoffman, Martin Scorsese, Kim Basinger, Anjelica Huston, Woody Harrelson, Richard Gere, Robin Williams, Gillian Anderson, Kirsten Dunst, Sarah Jessica Parker, etc... - réside à Washington. Il n’y a pas que des faux cons. La démocratie et la liberté d’expression ne règnent pas aux USA. Après 3 semaines à proximité de leur frontière, il souffle un vent mauvais sur ce pays qui veut imposer son mode de vie au monde entier. Le manque d’ouverture et le chauvinisme / patriotisme exacerbés (90% des citoyens Américains n’ont pas de passeport) ont provoqué le choc émotif post-11 septembre qui a permis à l’Administration de Bush de dire et faire n’importe quoi dans sa politique étrangère depuis quelques temps (jusqu’à l’expression " Vieille Europe " qui n’est qu’un pléonasme). La démagogie des éditorialistes montrent à quel point l’Amérique moyenne réagit (à opposer à réfléchir) avec une forme de xénophobie et d’arrogance.

Des critiques baillonées
Mais l’Amérique ce n’est pas que ces gens là. Les Etats-Unis, théocratie démocratique, dont on assiste au déclin irrémédiable, au profit de la Chine notamment (dictature autrement plus terrifiante que celle d’Iraq) sont en train de succomber à leur cancer diagnostiqué comme tel : consumérisme, pensée matérialiste, dépendance à l’automobile, puritanisme, et surtout diktat du politiquement correct. Au final, il n’est pas bon de critiquer, sous peine d’être insulté de cynique. La critique en Amérique, c’est un pouce vers le ciel ou un pouce vers le sol, comme aux temps des Gladiateurs. Le débat a du mal à exister, sous peine de devenir un traître à la nation. Les médias ont longtemps boycotter ou désinformer sur les mouvements anti-guerre. Des opinions aussi importantes que celles du général Schwarzkopf (héros de Desert Storm, et opposé à cette suite iraquienne) ont été avortées. Le McCarthysme renaît de ses cendres. Les listes noires traversent les esprits malins de la Maison Blanche. A la propagande, s’ajoute le lavage de cerveau, les mauvaises bases éducatives, une culture déficiente (qui se résume aux produits culturels de masse), et une guerre CNN / Fox News qui fait de la surenchère militariste.

Les faucons flingueurs
Quand Sean Penn va à Bagdad voir la réalité, la rétorsion est immédiate : on lui indique qu’il ne réalisera pas le film promis. Quand Martin Sheen, de la génération Vietnam, acteur d’Apocalypse Now, interprète du Président des USA dans la série TV ultra populaire et plusieurs fois primée The West Wing, est en tête de toutes les manifs anti-guerre, on parle de le virer ! NBC l’aurait sans doute fait si l’audimat avait chuté, ou si la puissante Screen Actor Guild, présidée par Melissa Gilbert (La charmante Laura Ingalls dans La Petite Maison dans la Prairie!), n’avait pas menacé la chaîne.
Si depuis quelques jours, la tendance s’inverse et les activistes pour la paix se font davantage entendre, c’est que beaucoup craignent un nouveau Vietnam et une déroute financière pour l’économie locale. Mais le mal est fait. Les pires idées ont ressurgit, les opinions les plus nauséabondes sont réapparues. Dans un pays fier de sa liberté d’expression, il y a des choses à ne pas dire. Mieux vaut ne pas se l’ouvrir. Il faut toujours être d’accord avec Papa Bush.

La morale de l'histoire
Certains et certaines sont en train de se choisir le costard ou la belle robe de soirée pour les Oscars. D’autres font la promo de films qui bastonnent (un par semaine), de fictions belliqueuses (produites par Ted Turner ou Robert Murdoch) ou bêtement colonialistes (avec Bruce Willis). Ce sont les deux faces d’Hollywood, les deux faces de l’Amérique. Depuis Charles Lindberg dans les années 30 (qui ne souhaitait pas l’implication des USA dans la seconde guerre mondiale) à Jane Fonda (qui fut la porte-parole contre la guerre au Vietnam), la profession s’est toujours mêlée de ce qui ne la regardait pas.
Mais le mieux serait peut-être de faire des films un peu plus intelligents où le monde n’est pas qu’un lieu de bataille virtuel, un endroit exotique pour des péripéties héroïques, ou encore de diffuser des films étrangers dans 300 ou 500 salles américaines. Un autre point de vue, ça se défend avec les bonnes armes. Aujourd’hui, l’image vaut plus que des mots ou des manifs. Hélas.

Vincy. 10/03/03  
 


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