La Fusion des Ecrans

Les écrans changent. Ils changent notre perception des images. Ils changent de taille, de technologies. Ils changent l'accès aux films. Prenons un film comme "Fréquence Meurtre" d'Elisabeth Rappeneau, avec Deneuve et Dussolier. Moins d'un million d'entrées en salles. 11 ans plus tard, après quelques diffusions à la télé, des ventes et locations vidéos, 2 700 000 téléspectateurs, un jeudi soir. La TV augmente la visibilité d'un film, méritée ou pas.

Bien sûr le confort, l'attention, le plaisir ne sont pas identiques. Que dire d'ailleurs d'un film projeté dans un avion avec des écrans toujours plus petits, un son pourri et les passagers qui respectent rien en laissant les hublots ouverts (pour voir des nuages...). Bientôt ce sera sur son IMac ou son PC, portable ou fixe. Et putquoi pas sur cellulaire?!
Trimark vient d'annoncer que ses 650 films catalogue seront en ligne en 2000 sur CinemaNow. Que font les français?

D'un côté, des multiplexes de cinéma qui n'en finissent âs de vouloir battre des records massifs. De l'autre une multiplication des écrans, des supports, pour voir un film... le même, a priori.
J'avais déjà dit dans Libération que le Digital nous amènerait une nouvelle façon de marketer les films. Avec The Blair Witch Project, nous avons assisté au premier lancement on-line d'un film. Un film né du web. Bientôt nous assisterons au web (via ADSL, câble, Satellite) cxomme diffuseur de films, plein écran, avec téléchargement rapide. Les mêmes transmettront la copie dans les salles ou "offrirons" du visionnage à la demande à domicile. Plus de contraintes horaires, et encore moins de billets à vendre.
Autre grande économie, l'impression des coipes, dont le nombre et le coût sont exponentiels au fur et à mesure que les multiplexes "champignonnent".
Georges Lucas a donc, logiquement, lancé Star Wars 2 en tout-numérique, une école d'effets numériques et un centre consacré uniquement au Digital entertainment. En France, le lobbying de Kodak fait rage et tente d'ancrer les distributeurs dans l'ère de la pellicule.

Le web va donc devenir hybride, avec d'une part, les services, sites de commerce électronique, et des infos sous forme de brèves, voire des promos diffusées sur votre cellulaire ou sur un Palm Pilot; et d'autre part, une gigantesque base de données, à la fois vidéothèque et bibliothèque d'encyclopédies, où le contenu se mélange aux oeuvres. Forums, e-cards, screensaver, scénarii, tout formera un univers de loisirs, aseptysé, marchand, remplis de produits pré-fabriqués, dit "films."
J'exagère à peine... Certains penseront encore à faire de l'art (ce sera de plus en plus facile de s'auto-proclamer artistes, alors attention aux contrefaçons et aux charlatans), l'oeil critique se fera rare, et rarement pertinent : on fera du cinéma pour ce que c'est, intrasèquement, soit un langage artistique. De gentils mécènes les aideront généreusement. Les cinémathèques et les festivals serviront de musées. Les chaînes thématiques les exploiteront pour se faire une image "hype". Pour voir un film, il vous suffira de choisir entre l'odeur du pop-corn (ciné), la pause pipi autorisée (tévé), le plantage de la liaison sat' ou le bridage du cable (web), etc... C'est merveilleux le progrès...

Il serait temps d'enseigner l'image, son impact et son sens, àaux enfants. Il serait temps de savoir ce qui différencie un film au cinéma (où l'on est passifs, entraînés dans une histoire, emprisonné du début à la fin, à une certaine distance d'un très grand écran), de la télé interactive. Même le web a ses propres fictions, issues d'une réflexion qui lui est propre.
Les écrans changent. Les regards aussi...

VCT / 11/10/99


 

(C) Ecran Noir 1996-1999