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Deconstructing Allen
- axel février 2003
Allan Stewart Konigsberg né à Flatbush, un faubourg de Brooklyn, le 1er Décembre 1935.
A lécole, le petit Allan est introverti. Il passe des heures dans sa chambre où il perfectionne ses tours de magie et joue de la clarinette. Le jazz lenthousiasmera dailleurs tout au long de sa vie, comme en témoigne Wild Man Blues (1997), le documentaire de Barbara Kopple.
Dès l'âge de 15 ans, Woody envoie des histoires drôles aux rubriques humoristiques des journaux new-yorkais. Ceci lui permet de se faire remarquer par une agence de relations publiques avec laquelle il signe un contrat de cinquante histoires drôles par semaine, pour 25$. Le jeune Woody se sent alors en plein milieu du show-business. Ses parents, déçus, car il l'imaginaient plutôt médecin ou épicier, le poussent à démissionner. Woody Allen va alors être embauché à la NBC, pour 175$ par semaine.
Après des années passées à écrire des gags pour dautres comiques, Woody Allen commence à se produire sur scène en 1961, détournant sa timidité naturelle en moteur comique. Il fait du stand-up tristement pince-sans-rire et ponctue souvent ses fins de phrase par des tics à la limite du renvoi gastrique. Allen semble ne pas être particulièrement fière de cette période qui ne figure pratiquement pas dans son ¦uvre.
Son premier boulot au cinéma, en tant que scénariste et acteur dans Whats New Pussycat, en 1965, le propulse immédiatement parmi les demi-icones des swinging-sixties.
Lancé, Woody Allen remonte Whats up, Tiger Lily ? (Lily la tigresse) en 1966, un film d'espionnage japonais, en le commentant et en l'augmentant de quelques séquences. C'est son premier long métrage. Il enchaîne, en 1969, avec une comédie, Take the Money and Run (Prends loseille et tire-toi).
En tant que comédien, réalisateur et scénariste, Woody Allen se tourne d'abord vers la satire et le burlesque (jusqu'à Love and Death, Guerre et amour, en 1975). Le grand public voit en lui un petit bonhomme à lunettes d'une épouvantable maladresse. Toutefois, celui-ci se dévoile par le biais d¦uvres autobiographiques aux sujets plus graves mais non dénuées d'humour : Annie Hall (1977), Interiors (Intérieurs, 1978), fortement inspiré par Ingmar Bergman , et Manhattan (1979).
On ne peut pas parler de maniérisme pour Woody Allen mais son ¦uvre, marquée par le doute, est jalonnée de références formelles. Durant les années 80, le comédien-cinéaste puise son inspiration chez Shakespeare pour Midsummer Nights Sex Comedy (Comédie érotique dune nuit dété, 1982), Pirandello pour The Purple Rose of Cairo (La rose pourpre du Caire, 1985), Tchekhov pour Hannah and her sisters (Hannah et ses s¦urs, 1986), et Kafka pour Shadows and fog (Ombres et brouillard, 1991).
Allen fut marié à Louise Lasser puis il eut une longue relation avec Diane Keaton et avec Mia Farrow qui apparaît dans pratiquement tous ses films des années 80. Mia et Woody eurent un fils puis firent les gros titres des journaux à scandales, en 1992, lorsquil dut admettre sa liaison avec la fille adoptive de Mia, Soon-Yi Previn.
Dans les années quatre-vingt dix, marqué par la séparation avec Mia Farrow et le scandale qui a suivi, il dirige de jeunes stars hollywoodiennes comme John Cusack (Bullets Over Broadway, Coups de feu sur Broadway en 1994), Mira Sorvino (Mighty Aphrodite, Maudite Aphrodite en 1995), Edward Norton (Everyone says I love you, Tout le monde dit I love you en 1996) ou encore Winona Ryder et Leonardo DiCaprio (Celebrity en 1998). A partir de 2000, Woody Allen revient à ses premières amours en dirigeant trois comédies dans lesquelles il joue le rôle principal : Small time crooks (Escrocs mais pas trop, 2000), son plus gros succès au box-office américain, The Curse of the Jade scorpion (Le sortilège du scorpion de Jade, en 2001) et Hollywood Ending en 2002.
La tendance quà Woody Allen de faire de son ¦uvre une large autobiographie composite est surévaluée. Sa vie y est, somme toute, abordée de façon assez superficielle. Il fait preuve dune certaine impudeur lorsquil partage ses états dâme avec le spectateur mais il ne sagit pas, à proprement parler, du spectacle de sa vie.
Je suis abasourdi par le nombre de personnes qui veulent " connaître " lunivers alors quil est déjà suffisamment difficile de se repérer dans Chinatown.
Le New York de Woody Allen nous parle.
Nous sommes les oreilles de ces mûrs bâtis, en premier lieu, sur la palabre et la négociation indienne, hollandaise, anglaise... Les mots croisent le fer, les paroles sont coupées mais ininterrompues. Rarement, un silence réveille l¦il qui écoutait. Pourtant, il faut regarder Manhattan, ce conte vertical à la touchante photo noire et blanche. Son architecture donne à voir lentrecroisement naturel des hommes et des choses dans cette ville-monde, centre de tout. Parmi ces lignes reliant les continents, Mariel Hemingway, la petite fille dErnest, vient nous rappeler que tout cela se passe en Amérique.
Ce New York nous parle parce quil est humain. Féminin plutôt. La ville nous est donnée par elles, les épouses (Maris et femmes), les s¦urs (Hannah et ses s¦urs), les ex-femmes (Manhattan), les amies (Meurtre mystérieux à Manhattan) ou par Mia Farrow, vraie héroïne de trois films (La rose pourpre du Caire, 1985, September, 1987, Alice, 1990). Elles sont innombrables mais toujours volubiles. Les hommes, adjuvants, sont souvent balourds et stéréotypés (à voir, en particulier, le fantomatique Alan Alda qui apparaît dans trois films).
En somme, ce rêve new-yorkais est une tentative poétique de restituer latmosphère onirique ou luxuriante du Manhattan de son enfance que lon découvre dans Radio Days.
La célébrité ma apporté un gros avantage : les femmes qui me disent non sont plus belles quautrefois.
Les films de Woody Allen font souvent preuve dune grande tendresse fraternelle pour les femmes. Hannah et ses s¦urs est un film protecteur dans lequel le désespoir du personnage de Woody dénote avec les aventures plus ou moins légères mais rarement névrotiques des protagonistes féminins. Dans Maudite Aphrodite, il se fait même ange-gardien dune prostituée pas très perspicace (Mira Sorvino).
Cependant, Woody Allen parvient, parfois, non sans quelques détours, à assumer la vanité qui meut ses désirs. La vanité formelle dun Stardust Memories, dont lesthétique nouvelle vague copie à vide les premiers Godard, est exemplaire.
Il prend plaisir à exhiber les plus belles femmes à son bras, de ses premières comédies (sa première femme Louise Lasser dans Bananas) aux plus récentes (Le mystère du scorpion de Jade avec Charlize Theron). Cette vanité sociale sexprime directement, quoiquà travers Kenneth Branagh, un acteur-doublure de lui-même, dans Celebrity qui dénonce et repend dans un même mouvement glamour son affection pour les petits plaisirs du show-business.
Nous vivons dans une société trop permissive. Jamais encore la pornographie ne s'était étalée avec une telle impudeur. Et en plus, les films sont flous !
Woody Allen fait souvent état, sans trop de pudeur, de son obsession sexuelle caractérisée. Quil le formule oralement (Bananas), quon le lui " formule " oralement (Maudite Aphrodite, Harry dans Tous ses Etats) ou quil en fasse une ¦uvre comme dans Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe, il se plait à illustrer sous des formes les plus diverses cette déclaration : " Mon cerveau ? Cest mon second organe préféré ".
Jai des questions à toutes vos réponses.
Il faut dire quil arrive à Woody Allen de penser avec son sexe et de jouir avec son cerveau. Son cerveau, justement, machine démontée dans Harry dans tous ses états, révèle une tendance névrotique à être son propre objet de contemplation. Toujours en analyse, à lécoute de lui même, le pauvre Woody se trouve parfois taxé dégoïsme dans ses film aux personnages multiples, peut être les plus dépressifs (Hannah, Tout le monde dit I Love YouŠ). De la fameuse hypocondrie aux diverses phobies, ses nombreuses névroses, tournées au ridicule sont un vecteur comique intarissable.
Plus fondamentalement, le doute et linsatisfaction chronique sont la condition de son humour. Dans Annie Hall, son premier film non burlesque, le " personnage " quil interprète finit par ce fragment dhumour juif (quil a en fait contribué à établir) : une femme dans un café, estimant la tarte aux myrtilles quelle a commandé, sindigne auprès du serveur : " Elle nest pas bonne votre tarte et en plus elle est trop petite ". Cest, en fait, un exemple frappant de la logique de lhumour allenien, toujours en contradiction, jamais content, poussant lart du paradoxe jusquà labsurde.
Je ne veux pas atteindre limmortalité grâce à mon ¦uvre. Je veux atteindre limmortalité en ne mourant pas.
Labsurde justement comme vision brechtienne de lexistence ou comme manière salutaire déchapper à cette névrose morbide qui le perturbe tant ? Arrêtons là cette analyse facile. Labsurde est un héritage de léducation cinématographique acquise à travers ses idoles, les Marx brothers. Les névroses de Woody, prises aux sérieux, perdent leur intérêt humain et prennent des allures métaphysiques qui desservent ses films " bergmaniens " comme Intérieurs ou September.
Les cinq premières comédies burlesques de Woody Allen couvrent à elles seules tous ses thèmes importants en les tournant en dérision. Prends loseille et tire toi aborde le désir de richesse, Bananas et Woody et les robots, lengagement politique, Tout ce que vous..., le sexe, Guerre et Amour, le courage et lamour.
J'ignorais totalement qu'Hitler fût un nazi. Pendant des années, j'ai cru qu'il travaillait pour la compagnie des téléphones.
Lorsque Woody Allen reste léger, le charme agit et lécoute est sans doute plus importante. Une fausse barbe et un accent espagnol mal imité suffisent à ridiculiser les dictateurs dAmérique du Sud (Bananas) ; un faux documentaire sur un caméléon humain qui prend lapparence de son entourage nous parle profondément du manque de liberté de notre société (Zelig) ; des cultures de légumes géants donnent à voir son inquiétant prolongement dans un futur, pour le moins, complexe (Woody et les robots).
Après des années danalyse, Woody Allen semble sêtre réveillé de son hypnose désespérée sous un feu dartifice dans Le Mystère du Scorpion de Jade. Il y surpasse lartifice de ses déclarations pseudo-optimistes et psychothérapeutiques dun Tout le Monde dit I love You pour la naïveté tranquille dun amour sincère.
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