Sugarland express
1974 - 347 000 entrées France
 

Lou Jean veut aider son mari à s'échapper de prison, puis à récupérer par voie de kidnapping leur enfant placé en famille d'accueil. Lors de l'évasion presque réussie, ils prennent un policier en otage et se retrouvent poursuivis à travers le Texas.

Scénario : Hal Barwood et Matthew Robbins
Musique : John Williams
Image : Vilmos Zsigmond
Montage : Edward Abroms,Verna Fields
Durée : 110 mn

casting :
Goldie Hawn (Lou Jean Poplin)
William Atherton (Clovis Michael Poplin)
Ben Johnson (Capitaine Harlin Tanner)
Louise Latham (Mme Looby)
Michael Sacks (Maxwel Slide)

C'est le genre d'histoire assez courante dans le cinéma Américain. Eastwood (" A perfect world "), Scott (" Thelma et Louise ") ou encore les Coen (" Raising Arizona ") s'y sont employés, avec d'ailleurs plus de succès. A l'époque, il faut pourtant regarder du côté de " Bonnie and Clyde " ou de " L'épouvantail ". Spielberg aime les grands espaces, un peu arides et retrouve l'idée de poursuite, à la base de son succès précédent. Il est, a priori, en terrain conquis.
Toujours est-il que c'est l'un des rares films du réalisateur à ne pas trouver son public. Le tournage fut, en plus, difficile. Certes, grâce à " Duel ", il a pu réunir plus facilement les 2 millions et demi de $ de budget nécessaire ; il enrôle une récente Oscarisée, la délurée et très populaire Goldie Hawn. Les thèmes (la famille, la police comme autant de fonctionnaires robotisés) sont juste moins matures dans leur façon d'être abordés. Sugarland fait écho à NeverNeverland.
L'échec est tel qu'il a encore un impact aujourd'hui : il n'est pas disponible à la vidéo, il a donné conscience à Spielberg de l'importance du marketing et du rôle clé de la distribution. Pourtant le film est rentabilisé de justesse, obtient un prix prestigieux à Cannes (la seule fois où Spielberg est en compétition). Le cinéaste est vite reconnu comme un maestro du divertissement, un donneur de plaisir.
" The Sugarland express " garde cependant la violence noire de " Duel " (les destins brisés) et anticipe le rêve de " Rencontre du troisième type ". Tiré d'une histoire vraie (extraite d'un article de journal), le film a un ton très grave, presque lucide. En prenant là encore un personnage à contre-emploi (l'actrice Goldie Hawn, légère et drôle, dans une tragédie sanglante et sociale), le cinéaste se permet de filmer une ironie mordante, un humour noir, et se retrouve en décalage avec l'Amérique profonde qu'il restitue, jusqu'à exploiter un cartoon de Chuck Jones comme préliminaire à une fin funèbre et fatale.
Il s'avère que ce déséquilibrage rend le film un peu maladroit, les criminels trop sympathiques, ou l'histoire trop meurtrière. Mais cette œuvre est elle-même étrangère à la carrière du réalisateur. Ni fantaisiste, ni historique, ni un film de genre, ni même un sujet proche de sa vie, " The Sugarland express " n'a pas les mêmes origines que les films qui suivirent. C'est peut-être dans cette amateurisme sur la plupart des thèmes qui a causé son échec.
On retrouve bien l'humanisme et le pessimisme de l'auteur Spielberg, qui sera le fil conducteur de toute son œuvre. La mélancolie et la folie qui inspire les actes les plus fous sont des éléments essentiels à son cinéma.
Le scénario est presque anticonformiste. Spielberg y va de sa critique acerbe de la famille soi-disant idéale, de ses pères minables ou brutaux. Les personnages principaux sont encore de grands enfants, comme tous les héros de Spielberg, vaguement immatures. Il s'essaie à l'humour, la satire, le délire qu'on retrouvera dans les films suivants. L'innocence du couple contraste fortement avec la morale bête et méchante, tueuse et inhumaine des flics à leur poursuite. On se croirait alors dans " E.T. ". Le film alterne ainsi les genres : policier, drame social, comédie, et allégorique.
Encore une fois, le final est contemplatif et amer. Une fois que l'homme a touché à l'extraordinaire, une fois cette balade dans l'imaginaire et le merveilleux, le retour à la réalité provoque une cassure.
Mais malgré ce foisonnement d'idées et cette collision entre les thèmes, Spielberg évite d'être mélo ou pathétique. Au contraire. Cette déclaration (d'amour) au cinéma est aussi une invitation à aimer la vie. Mais le regard reste trop ancré dans la réalité.
 
      Dossier réalisé par Vincy + PETSSSsss
      (C) Ecran Noir 1996-2005