Jaws
1975 - 6 261 000 entrées France (1er du B.O.)
 

Amity. Beach. Une jeune femme se baigne. Elle est mystérieusement attaquée. Le lendemain, la police retrouve son corps déchiqueté. Martin Grody, nouveau responsable de la sécurité des plages locales, souhaiterait arrêter les baignades. Mais il faut aussi sauver la saison touristique. Lorsqu'un jeune gamin est à son tour victime du monstre, tout le monde part à sa chasse, en sous-estimant la taille du requin.

Scénario : Peter Benchley, Carl Gottlieb
Musique : John Williams
Image : Bill Butler
Montage : Verna Fields
Durée : 125 mn

casting :
Roy Scheider (Martin Brody)
Robert Shaw (Capitaine Quint)
Richard Dreyfuss (Matt Hopper)
Carl Gottlieb (Meadows)

D'abord il y a l'impact. Premier film à être appelé un " blockbuster " dans l'histoire de l'industrie. Il change à jamais la configuration des saisons hollywoodiennes, sortant en plein été. Ensuite, les débats. 25 ans que cela dure. Le requin est-il dangereux pour l'Homme ? Enfin, " Jaws ", chef d'œuvre du film d'horreur et de suspens, est un succès planétaire, Il donnera 3 suites.
Quand Spielberg voit les premières épreuves d'un futur best-seller sur le bureau des producteurs Zanuck et Brown (" The sting "), il croit avoir à faire à une histoire de dentiste. Il avale le tout en un week-end, se captive pour l'affrontement anima l'homme qui lui rappelle " Duel ". Spielberg, mordu par le sujet, se propose pour le réaliser. L'expérience sera amère pour le cinéaste, un pur bonheur pour le spectateur. En fait c'est même le pire tournage de la carrière du réalisateur : un mélange de frustration, d'impossibilité, de dépassement de budget et de délais (160 jours de tournage). Spielberg deviendra phobique de l'eau pour les tournages, au point de rater la séquence vénitienne du troisième Indiana Jones. Imaginez les vagues à 16 kms du bord, quinze bâteaux, soixante quinze techniciens… La mer était leur requin. Ce fameux requin qui ne marchera pas souvent… 9 mois de calvaire, une production passant de 2 à 9 millions de $, l'envie quotidienne d'abandonner. D'autant que son film précédent se plante royalement en salles.
Mais " Jaws " est un bijou dans le genre. D'abord il permet à son réalisateur d'inventer sa signature : la séquence d'ouverture où la menace est claire mais pas identifiée. On retrouve son remake dans " Jurassic Park ". Ce film terrifiant est étonnant pour quelqu'un de plutôt doux et non violent. C'est même le seul film de sa carrière purement et simplement horrifiant. Conscient du choc, il manipule les masses avec un crescendo de la tension nerveuse et des plans à s'accrocher au fauteuil, avec pourtant peu d'effets. Sa mise en scène est proprement magistrale. On pourrait aisément le comparer au " Psycho " d'Hitchcock.
Spielberg n'hésite pas à utiliser un enfant comme victime pour provoquer une peur primale, un choc inoubliable. En massacrant l'innocence, il va entraîner un engrenage cinématographiquement délectable. On y superpose une musique devenue un classique, composée par John Williams, du coup oscarisé. L'effet spécial le plus réussi, à coup sûr.
Spielberg essaiera tout, y compris après des projections tests. Pour faire hurler les gens, il re-montera l'attaque du bateau par la mâchoire.
Si le film laisse un mauvais souvenir au cinéaste, il parvient à créer un traumatisme chez le spectateur pourtant gavé de films catastrophe à l'époque. Mais " Jaws " n'a rien d'innocent dans le choix de Spielberg. Il compose lui-même un casting de gueules ordinaires et d'acteurs au potentiel extraordinaire. Il transforme ainsi le héros en Américain moyen, ni beau ni star. Une constante dans sa filmographie. L'antihéros est aquaphobe mais abattra le squale sans sourciller. Le film se découpe en trois actes, prend trois points de vue, tue trois victimes, se ponctue en trois temps. Le script est symétrique, mathématique.
Génie cinématographique, Spielberg présente dès le début un duel entre l'Homme et sa psychose, la mer, et annonce l'affrontement final entre le héros et son ennemi invisible, le requin. En juste deux plans. Une image vaut dix pages de littérature. Là encore Spielberg introduit dans un contexte banal, estival, paisible et middle-class une situation exceptionnelle, qui demande aux protagonistes de triompher de l'adversité.
" Jaws " est clairement le prolongement plus féroce de " Duel ". Féroce car l'image est réaliste, clinique, charnelle, sanguine. Il alterne la répulsion de corps mutilés avec l'angoisse et la suggestion d'un animal qu'on devine avancer. Chacun des dialogues amplifie la peur du requin. Pourtant, il n'y a aucune complaisance dans l'épouvante. Juste une volonté assumée de faire crier la salle jusqu'au bout , sans répit, hantant les " victimes " d'histoires atroces (l'aventure des sous-mariniers de l'Indianapolis dévorés par les dents de la mer), d'images choquantes. Si on devait comprendre la terreur, il suffirait de voir " Jaws ".
 
      Dossier réalisé par Vincy + PETSSSsss
      (C) Ecran Noir 1996-2005