JEAN-PIERRE DARROUSSIN

PORTRAIT
La Pieuvre par le taff
par Christophe Train

Evoquer l'acteur Jean-Pierre Darroussin, parler de ses envies et de sa carrière est avant tout affaire de famille : famille de copains, famille de cinéma, des familles qu'il cotoie depuis vingt ans. La plus ancienne, celle du cinéaste Robert Guédiguian de Ki lo sa? au prochain A la place du coeur, cinq films ont scellés une indéfectible amitié. A un jour d'intervalle, il est le cadet de Robert Guédiguian. Ils connaissaient très bien leurs amis d'enfance respectifs.

Avec son air de s'excuser d'être là où il est, Jean-Pierre Darroussin a joué surtout des timides, des lunaires, des naïfs... Je crois qu'on m'a classé dans le rang des lunaires et qu'on en démord pas ! Quand je suis entré au conservatoire en 1976, j'ai joué Le Misanthrope et entre les deux tours, Marcel Bluwal m'a dit: "C'est bien, mais il faudrait peut-être changer de scène: tu as l'air trop bon, trop gentil pour jouer ça". Cela dit, ça ne m'a pas empêché de le passer aund même et de faire le conservatoire. A l'époque, je ne me posais pas tellement le problème de rentrer dans un cadre qui correspondait à ma crédibilité. C'est quelque chose qui intervient par la suite, quand vous avez affaire au métier... Au cinéma, on n'a pas le temps de travailler, on exploite beaucoup votre nature évidente et c'est vrai que la composition me manque, mais ça viendra ! Il n'y a pas de secret, si on me prend pour ce genre de personnages, c'est sans doute que j'évoque ça...

Spectateur averti, il reproche au cinéma d'ouvrir le plus souvent un rectangle sur un monde restreint, et d'oublier le reste. L'idéal serait de filmer aussi le monde autour: parce que c'est ça qui donne le recul, qui donne un sens à l'histoire qu'on raconte. Des metteurs en scène comme Wim Wenders, ou bien Jim Jarmusch avec Stranger Than Paradise, ont ce sens-là. Le cinéma est un art, enfin on le dit, alors comme une peinture ou une musique, ce doit être assez large pour vous faire vibrer sur des choses qui ne sont pas forcément conscientes, mais présentes dans les cases de la mémoire, des émotions, des sensations...

De Psy à On ne meurt que fois, en passant par Est-ce bien raisonnable, Notre histoire ou Un air de famille, il a promené sa longue silouhette, conférant à ses personnages une tendresse et une ironie heureuse.

Car chez Darroussin, il y a une grande humanité, quelque chose de généreux, un peu en retrait, un peu timide. On ne sait pas si c'est de la réserve ou de la timidité. En tout cas, il joue beaucoup sur ces décalages-là. C'est-à-dire, qu'on sent ce fond très humain, cette tendresse aussi, qui fait qu'il n'est jamais caricatural, même quand il joue des personnages qui pourraient l'être.

Ainsi, Darroussin n'aura pas attendu longtemps avant d'imposer, principalement dans le cadre de la comédie, l'image d'un comédien à la nonchalance dite active. Image vécue ou imaginée ? Y'a une base qui m'est propre, qui est effectivement "je me ballade", explique Jean-Pierre Darroussin. Cette nonchalance, elle vient peut-être d'une non-avidité, je ne sais pas... Je ne suis pas très avide de vivre. Mais en même temps, j'ai énormément de plaisir à faire ça, à vivre. Cette soif de vie raisonnable et parfois languissante va culminer avec Mes meilleurs copains, le film partiellement autobiographique de Jean-Marie Poiré.

Le karma du comédien n'a pas toujours été aussi zen. Dans Psy de Philippe de Broca, l'un de ses tout premier film, son personnage de complexé méfiant savait donné des coups et en recevoir.

Changement de physique et de registre dans Le Poulpe, de Guillaume Nicloux, pour un film atmosphérique mêlant polar et répliques impayables. L'histoire d'une enquête qui, comme toujours avec Darroussin, trouvera sa résolution dans l'amitié sur l'écran et hors cadre. Il y a plein de petits détails dans le film qui fonctionnent comme des leures. C'est-à-dire qu'on va s'attacher à des indices à la con...

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