David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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TEX MAX





Quel homme peut-on être quand on imagine un loup hypernerveux poursuivi par un chien nonchalant et pas véloce, sortant de la pellicule, opérant un dérapage pour "revenir" dans le film avant défiler à toute vitesse de New York à un igloo d'Alaska? J'aurai pu tout aussi bien prendre un exemple avec un canard maboule, un chat ventriloque, un écureuil proche de la démence, un pingouin dingue, un chasseur toujours chassé, une cendrillon plus sexy qu'une pin-up pour Marines, un chien benêt mais obstiné ou un autre plus bête et féroce ... Ou j'aurai tout simplement pu commencé par : Quel homme peut-on être pour inventer le lapin le plus célèbre de l'histoire? Célèbre au point d'être une star de cinéma, un logo de studio, un héros atemporel, une icône oscarisée.

Tex Avery est le père d'une galerie de personnages aussi burlesques que tragiques, loufoques que pathétiques. Une condition humaine qui se décline à travers tout le bestiaire : Daffy Duck, Droopy, Porky Pig, Chilly Willy, Elmer, Barney, Speedy Gonzales, George et Junior, Spike... et bien sûr, Bugs Bunny. Animateur, dessinateur et surtout réalisateur, il a posé les bases de l'animation contemporaine : de Pixar à Shrek, en passant par "Les Simpsons". Durant les vingt années de l'âge d’or hollywoodien, Tex Avery va imposer une autre voie au dessin animé que celle de Walt Disney, qui règne en maître avec sa souris. Pour lui, il s'agit d'exploiter au maximum les possibilités d'un tel art en sortant du réalisme. L'écran devient un espace de toutes les libertés. Ce n'était pas qu'une affaire de conventions morales à briser, c'était aussi des règles narratives qu'il fallait transgresser. Cela ne l'empêchait pas d'enrichir le propos avec des références culturelles (le jazz comme musique noble, Des souris et des hommes revisité, une parodie du lièvre et de la tortue de La Fontaine) ou scientifiques (la série des technologies du futur).

Lapin chasseur
Mais, surtout, Tex Avery fait l'éloge de l'oisiveté. Fainéantise assumée, école buissonnière, confort moderne nous évitant les rudes efforts, démarche mollassonne, sommeil jouissif ou sieste rituelle, tous les héros ou personnages sympathiques sont adeptes de la "cool attitude". C'est sans doute cela qui nous plaît tant : cette alliage étrange entre la subversion, le cynisme ou l'ironie cinglante, et la distance, la nonchalance ou la somnolence. Les hyperactifs et autres acharnés à la tâche, finissent mal en général. Paradoxal pour un fondu du boulot comme lui. On peut y voir une lecture politique. L'essentiel du génie de Tex Avery a jaillit durant la seconde guerre mondiale et la guerre froide. Une époque fertile en frénésie idéologique et besoin de forces vives. C'est avec The Blitz Wolf, une parodie se moquant méchamment de Adolf Hitler, qu'il gagne sa première nomination à l'Oscar. Regrettablement, ce n'est cependant qu'au XXe siècle qu'il sera censuré pour avoir fait dire "nègre" ou fait fumer des clopes dans ses cartoons.

Pourtant on lui pardonnait tout à ce sudiste descendant du fameux juge Roy Bean. Les strip-tease osés d'une rouquine incendiaire, l'absence de justice à la fin de ses courts métrages, l'insolence et le langage crû de ses affreux animaux. Et ces compères (Chuck Jones en tête) allaient même plus loin dans les délires lorsqu'ils se réappropriaient les personnages. Ils leur laissaient une totale liberté. Contrairement au moraliste Disney, la bande de Tex se régalait de satires, métaphores, allégories. Créateur de stars, il allait utiliser Warner en véritable labo à idées avant de passer à la MGM, qui sera le studio lui permettant d'accomplir des oeuvres plus matures.

Trombone fatal
S’il régnait une ambiance « cool » dans l’atelier de Tex Avery, ses relations avec les studios étaient plus houleuses. Avec Warner, l’histoire s’interrompit brutalement suite à désaccord sur le gag final de The Hecling Hare (car Bugs est un lièvre). Nous sommes en 1941 et le producteur Schlesinger ne voulait pas entendre Bugs Bunny dire une phrase qui pouvait être interprétée de manière disons sexuelle. Déjà Warner voyait en « Bugs » sa mascotte familiale. Devant cette censure, puisque la scène fut retirée, Avery démissionna, laissant en plan quelques cartoons. Car le créatif génial qu’il était avait besoin de liberté pour pousser ses délires à l’extrême. Perfectionniste, il se chargeait même de tout parfois : les voix, le montage, le découpage... il inventa même un système de synchronicité permettant aux animaux de parler comme des humains. C’est lui qui a définit les personnalités des Looney Tunes. Bien qu’il ne réalisa que trois Bugs Bunny, il est le père du lapin et l’auteur de sa fameuse phrase « What’s up, Doc ? ». Même le style graphique est propre à son talent. Suite à une blague (un lancer de trombone dans l’équipe), il perdra un œil. Cette absence de profondeur de champ influencera son style graphique : de la 2D presque épurée en fond d’écran quand les personnages sont constamment en mouvement jusqu’au moindre détail. Des squelettes ambulants, souples jusqu’à l’impossible, des yeux narquois, la voix nasillarde ou aigüe, ils défient leurs adversaires autant que les lois de la réalité. Les balourds ou les lents, les mutiques ou les sympathiques n’ont pas leur place dans l’univers de Bugs ou de Daffy ou même de Casse-noisette. Une seule exception, Droopy, qui est tout à la fois : lent, balourd, quasi muet et sympa. Quant aux femmes, elles roulent du cul, dandinent des hanches, exhibent leurs décolletés, font les yeux de biches, et allument le spectateur autant que le vicieux qui la convoite.

Graphiquement, l’ensemble n’a jamais pris une ride. Sans doute parce que les décors sont atemporels (la nature, la ville). L’arrière plan n’était qu’un outil. Exagérations, agressions, obsessions, accélérations, explosions… Il n’ya rien de réaliste ni de folklorique. On est ici dans le fantastique. Le petit chaperon rouge chez lui commence comme un conte de fée classique mais nous conduit dans une histoire amorale et critique. Le loup, trouvant l’histoire gnan-gnan, prend à partie les scénaristes. Une révolte contre les auteurs point son museau et la version reliftée débute avec un chaperon rouge roulée comme une bombe de poster pour G.I., poussant le loup à exprimer librement son instinct bestial. Décapant. Tex n’hésitait pas à introduire de la psychanalyse, avec des désirs, de la libido, du rêve. Les portes qui claquent, chez lui, ce n’est pas un vaudeville, mais bien une ouverture vers un autre monde, un univers ou au contraire un mur. Il détestait surtout que les séquences soient prévisibles, que le spectateur puisse deviner la scène suivante. La dinguerie attaquait donc autant les personnages que les objets que les situations. Névroses et psychoses à tous les étages, avec des « héros » bons pour le divan. L’inconscient est finalement maître du jeu (du je ?).

Après plus de 100 cartoons (il en réalisera 135), en 1950, Tex Avery se met au vert. La télévision, qu’il a décortiquée dans The TV of Tomorrow, l’intéresse de plus en plus. Toujours aussi intuitif, il flaire là le média de demain, et la menace pour le court métrage d’animation au cinéma. Le productivisme gagna le secteur. Il avait du mal à s’adapter aux nouvelles exigences des studios, s’épuisant à se battre contre eux autant qu’à créer ses quelques dessins animés selon ses méthodes. Le burn out le ramène chez son ami Walter Lantz, mais il ne réalisera que quatre courts en 1954/1955 et ne créera qu’un personnage, Chilly Willy le pingouin. Ils se disputeront autour d’un problème d’argent et Avery quittera définitivement le genre pour se consacrer à la publicité, nouvel eldorado créatif. Cette reconversion ne l’empêchera jamais d’être aussi délirant que dans ses cartoons. Mais, parallèlement, il glisse dans une dépression qui le guette depuis la fin des années 40 ; il travaillera pour Hanna-Barbera à des productions pas si drôles et mourra d’un cancer en 1980. Il laissera derrière lui une profonde empreinte dans le milieu de l’animation mais aussi du cinéma : de The Mask aux comédies de Zucker Abrahams Zucker, nombreux sont ceux qui on tiré leurs exploits de la filiation avec le réalisateur. Le plus bel hommage fut, bien entendu, celui de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? : Bugs et Mickey, Daffy et Donald réunis dans une séquence commune comme pour créer un lien entre les ennemis d’autrefois. Mais, paradoxalement et ironiquement, cette production Walt Disney lorgnait ouvertement sur l’humour corrosif de Tex Avery. Il est devenu, à jamais, une référence. Ce surréaliste à imprimer sa marque sur une génération e quête d’invention perpétuelle. Il a aboli la frontière entre rêve et réalité, et a anobli l’animation comme genre de cinéma. That’s all Folks.

vincy


 
 
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