David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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QUAND L’INTELLECT DEVIENT ROMANESQUE





Y’a-t-il une "génération Desplechin" ? C’est en tout cas ce que beaucoup pensent lorsqu’à l’aube des années 90, Arnaud Desplechin commence à tourner ses propres films, entouré de la petite bande d’auteurs et de cinéastes qu’il a croisée à l’IDHEC. Il y a Eric Rochant (pour qui il sera directeur de la photographie et même coscénariste au cours des 80’s), Noémie Lvovsky et Pascale Ferran (qui participent à l’écriture de son premier long métrage) et très vite toute une troupe de comédiens réunissant Marianne Denicourt (un temps sa compagne), Emmanuelle Devos, Emmanuel Salinger ou encore Thibault de Montalembert. On a alors l’impression d’assister au renouveau du cinéma français, une nouvelle "nouvelle vague" dont Desplechin serait le chef de file.

Car instantanément, son cinéma marque les esprits et réjouit la critique. Premier vrai choc, le moyen-métrage La vie des morts (récompensé au Festival Premiers plans d’Angers et sélectionné à la Semaine de la Critique) qui ausculte une famille réunie suite au suicide de l’un de ses membres. On y décèle déjà ce qui fera par la suite le style du réalisateur : décortication de l’intime, observation aigue des relations humaines, goût pour le surgissement de l’étrange au milieu du quotidien, inspiration puisée dans sa propre vie, sens du romanesque.

Son premier long métrage, La sentinelle, transforme l’essai. Cette histoire de tête réduite et d’espionnage mêlée aux questionnements personnels d’un jeune étudiant en médecine confirme le talent de metteur en scène de Desplechin. On y admire la fluidité de ses plans, pourtant complexes, et la subtilité avec laquelle il se joue du mystère et du déviant. On retrouve également son obsession pour la mort, de laquelle naît toujours un renouveau. Le film est sélectionné en compétition officielle à Cannes, remporte le Prix Michel Simon 1993 et vaut à son interprète principal, Emmanuel Salinger, le César du meilleur espoir masculin.

En 1996, Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) plonge le spectateur dans un dédale d’introspections drolatiques, de relations sentimentales alambiquées et de monologues verbeux. On adhère ou on déteste le héros, Paul Dedalus, alter ego du réalisateur (incarné pour la première fois à l’écran par Mathieu Amalric, futur acteur récurrent), qui a une légère tendance à s’écouter parler, ne sait pas vraiment ce qu’il veut et oscille entre plusieurs femmes. Ce "film de chambre" bavard et intellectuel rappelle un peu le Woody Allen des années Manhattan, avec une forte propension à l’ironie et à l’autodérision. C’est un immense succès critique (le film sera présent à Cannes et aux Césars) et l’un des meilleurs films de Desplechin à ce jour.

Les sept années suivantes sont plus inégales. Hormis Esther Kahn, brillante adaptation en anglais d’une nouvelle d’Arthur Symons, co-écrite avec Emmanuel Bourdieu, sur le monde du théâtre et la naissance d’une actrice, Arnaud Desplechin tourne peu. Une idée de diptyque autour de l'adaptation de Dans la compagnie des hommes d'Edward Bond tourne un peu court. Léo, en jouant "Dans la compagnie des hommes" (qui mêle l’intrigue de la pièce à celle d’Hamlet) est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2003 mais ne sortira que dans une seule salle. Le second volet (Unplugged, en jouant "Dans la compagnie des hommes"), qui reprend les répétitions de la pièce tournées en DV, figure uniquement sur le dvd du film.

Toutefois, en 2004, c’est le grand retour du réalisateur avec Rois et Reine, conte insolite qui mêle plus brillamment que jamais la pure tragédie et l’absurde déconcertant. Une fois encore, Desplechin utilise la matière de sa propre vie et de celle de son entourage (cela lui sera assez reproché par Marianne Denicourt, qui ira jusqu’à le poursuivre – vainement – en justice) pour tisser le monde loufoque et terrifiant où évoluent ses personnages. Plus que jamais la cérébralité et l’émotion s’allient pour donner un film follement drôle et léger aux brefs accents désespérés et à la maîtrise technique absolue. En plus d’être unanimement salué par la critique, le film reçoit le Prix Louis Delluc et le César du meilleur acteur pour Mathieu Amalric.

Ce dernier est désormais l’acteur fétiche du réalisateur, qui le dirige à nouveau en 2007, après un nouveau passage par la case documentaire (L’aimée, sur la grand-mère du cinéaste), pour Conte de Noël, un "film de famille" qui reprend et enrichit le canevas de La vie des morts. Après avoir été annoncé en salles en décembre 2007, le film est resté six mois sous embargo afin de pouvoir concourir pour la Palme d’or. Le désir des organisateurs semble avoir été si impérieux que l’on serait tenté d’y voir un signe. Après plusieurs sélections infructueuses en compétition, l’heure cannoise de Desplechin pourrait-elle enfin sonner ? Que nenni. Le film reçoit un Prix spécial pour l’interprétation de Catherine Deneuve, il faut dire remarquable, dans ce film collectif.

La consolation viendra du public. Rois et Reine et Un conte de Noël frôlent les 700000 entrées chacun, soit trois à quatre fois plus de spectateurs que pour ses autres films. Desplechin est un auteur du sérail, cherchant à surprendre, tout en s’inscrivant dans une histoire du cinéma, notamment américaine, de Martin Scorsese à Howard Hawks, de David Lynch à Alfred Hitchcock.

« Je suis convaincu qu’un tiers du film est fait par les acteurs, un tiers par le spectateur, le dernier tiers par l’auteur » a-t-il coutume d’expliquer. Arnaud Desplechin aime enchanter le quotidien. Ses films, que ce soit des mélodrames ou des fresques intimes, qu’ils soient grinçants ou mélancoliques, peuvent dérouter e-ou enchanter, ils ne laissent jamais indifférent. Il part dans le Midwest américain pour Jimmy P., confrontation psychanalytique sur les traumas de la guerre. Retourne dans le passé avec l’alerte et brillant Trois souvenirs de ma jeunesse, qui lui vaudra enfin un César (du meilleur réalisateur), qui est sans doute son œuvre la plus tendre, une œuvre non seulement romanesque et savoureuse, mais aussi une réflexion sur l’écoulement du temps et le fil ténu de l’existence. C’est un peu ses Roseaux sauvages, entre deux films à stars.

Le passé qui hante est aussi et encore l’objet des Fantômes d’Ismaël, dont la version courte (projetée à Cannes) ne rend pas honneur au montage final (projeté uniquement à Paris). Le scénario est ambitieux. Desplechin s’affranchit de la norme et raconte toutes les histoires en même temps, ou en tout cas comme au même niveau d’importance. Jusqu’à y insérer un autre récit : la vie d’Ivan, racontée par Ismaël, est à la fois une fiction pure (pour le spectateur), une biographie romancée (pour Ismaël), et une réalité (pour celui qui l’a vécue).

Au passé omniprésent, et la nostalgie qui va avec, la détresse face au temps qui passe qui s’y invite, le cinéaste ajoute aussi, régulièrement un retour à la maison, vers Roubaix. Roubaix, une lumière. Sa lumière. Une manière de ne jamais vraiment quitter son enfance, en faisant du cinéma.

MpM


 
 
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