David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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Jusqu’à Still the Water, le cinéma de Naomi Kawase semblait comme une énigme. La cinéaste japonaise troublait les cinéphiles avec des œuvres presque expérimentales, mélangeant photographies, documentaires, archives, fictions dénuées de narration classique, et poésie naturaliste.

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Pourtant au fil des films, elle tissait une toile homogène, accrochée à son respect de la nature, une certaine vision zen de la vie, et le banalité du quotidien des petits humains qui s’agitent dans un bain à peine rempli.

Le cinéma de Naomi Kawase est une observation précise des routines et des rituels, de la famille et de la société, toujours ancrés dans un cadre quasiment mythologique. Un monde contemporain où la mer, la montagne ou la forêt ont plus de force que les villes tentaculaires, où l’amour et la mort méritent l’apaisement.

Il y a chez Kawase la même aspiration que chez Miyazaki : l’empathie pour les gens ordinaires, l’amour des traditions et des savoirs ancestraux, le désir de dénoncer les dangers destructeurs du monde moderne, l’envie de mettre le paysage au premier plan. Documentaires ou fictions, ses films s’imprègnent de ces liens « cosmiques » qui forment le chaos de nos vies. Les récits de la réalisatrice ont la particularité de fouiller la terre du Japon, d’explorer les racines de sa généalogie, et finalement d’être des extensions d’une autobiographie en temps réel.

Journal intime

Fille abandonnée par ses parents, recueillie par sa grand-tante et son grand-oncle dans la région de Nara, près de Kyoto, où les daims en liberté côtoient les touristes venus visiter les temples. Sa grand-tante, Uno, est celle qui inspira le personnage de la mère dans Still the Water. La réalisatrice confie que c’est elle qui lui a transmis que la vie était un art et que ce que l’on recevait – du soleil à la nourriture – devait être remercié. Un brin mystique, jamais prosélyte.

A 23 ans, elle est diplômée de l’école de photographie et termine son premier documentaire (Dans ses bras ou Etreinte, selon les traductions). Foudroyée par le dieu du cinéma, hantée par l’absence (son père, notamment), atteinte de ce curieux virus qui la pousse à faire des images, statiques ou mouvantes, elle réalise trois autres documentaires avant de se lancer dans un long métrage de fiction. Elle a 27 ans. Suzaku reçoit l’année suivante la prestigieuse Caméra d’or à Cannes en 1997. L’histoire d’une famille tranquille dans un Japon verdoyant et rural, frappé par la crise économique. La somptuosité de cet environnement, la simplicité de ces destins, le silence et la contemplation posent les bases de son cinéma. Kawase capte le temps qui passe, les regards et les gestes, les bruits des arbres et le son du vent. Et, tragiquement, constate l’éclatement de la famille à travers le temps.

Quand elle revient sur le grand écran avec Shara, c’est encore et toujours la tragédie qui frappe aux portes de la vie de tous les jours. Un des deux frères jumeaux disparaît mystérieusement. L’acceptation de l’inexplicable. La famille qui implose, une fois de plus. Kawase cherche à faire le deuil à chacun de ses films. Posant sa caméra dans le vieux quartier de la ville de son enfance, elle part à la recherche de l’oubli, qui la hante davantage que le souvenir, comme le dit si bien Patrick Modiano. La mort côtoie la vérité, comme, plus tard, la mort fusionnera avec l’amour dans Still the Water. Cependant, la lenteur, pour ne pas dire la torpeur, de son cinéma met à distance les spectateurs, pourtant séduit par sa sensibilité. Des plans magnifiques, des moments d’émotion n’empêchent pas d’égarer son histoire dans d’interminables plans séquences. Elle a ce don de saisir l’instant. Mais Naomi Kawase souffre d’un regard trop nostalgique, empli de regrets.

Pourtant, ses films fascinent : parce que leur aspect documentaire et l’onirisme de son imaginaire offrent un mélange étrange et singulier. En 2007, son talent est récompensé avec un Grand prix du jury à Cannes pour La forêt de Mogari, errance dans la forêt où les fantômes ne sont jamais très loin. Un homme pleure encore sa femme, disparue trois décennies plus tôt, une femme reste inconsolable de la perte de son fils. La réalisatrice continue de nous interpeller en nous rappelant que les morts nous rappellent que nous sommes vivants. Métaphorique, allégorique, la promenade qui va suivre, dans un environnement sublimé et sauvage, est attachante, même si la lenteur gâche la tension dramatique. Comme si la japonaise refusait d’assumer les tensions et les émotions en ébullition.

Avec Hanezu, l’esprit des montagnes, elle poursuit dans cette veine, condamnant son cinéma à une certaine répétition, une attente déjà lasse. Opposant le peuple moderne et impatient à un passé où l’on savait prendre le temps de vivre, entre archéologie et passion amoureuse, montagnes mythiques et cœur humain fragile, la route cinématographique est sinueuse et dénuée d’enjeux dramatiques. Kawase flirte avec le métaphysique, le symbolique et une caméra à l’épaule, des plans serrés. Même dans l’ennui, on reconnaît sa musique intérieure, on se laisse envoûter par une atmosphère.

Histoire d'eaux

Alors surgit Still the Water, en 2014. Injustement oublié du palmarès cannois cette année-là, le film est son chef d’œuvre. La quintessence de tout ce qu’elle voulait raconter, avec une maîtrise cinématographique parfaite. Délicat et minimaliste, beau et simple, humble et touchant, le film est un récit initiatique, un passage entre l’eau et la terre, entre la vie et la mort, à travers les feuillages d’un arbre témoin de nos existences.

Chamanisme et légendes forment là un conte flottant où la famille est un groupe en osmose, le chant une expression de la douleur et de l’amour. Ici, une balade en vélo peut conduire aux premiers émois, en toute liberté. Et le rugissement de l’océan déclenche une prise de conscience, pour mieux prendre le risque de s’aimer. Ici aussi, elle admire l’écosystème (écologique, social, culturel) des îles tropicales Amami, le transcende. Elle joue les ethnologues voulant préserver une culture en voie de disparition. Elle transmet plus qu’elle ne témoigne. Dans le film, la transmission est orale. Avec Kawase, elle est visuelle. De même, pour la première fois, les deux personnages principaux sont en totale symbiose avec leur environnement, ils nagent comme des poissons dans l’eau, en immersion, nus.

Mais surtout, la réalisatrice a imaginé un drame « classique », une romance entre deux adolescents, sur fond de difficultés familiales. Une histoire d’A. Tout ce qui était latent dans son cinéma explose enfin à l’écran : l’émotion, la tension, les corps… Le rythme prend de la vitesse. Son cinéma est à la fois mature et apaisé, vivifiant et régénérant.

Comme si elle avait décidé, après une vingtaine d’œuvres de durée variée, de formats hétérogènes, se vouloir concilier sa vision avec celle d’un plus large public. Elle en aurait finit avec ses œuvres inachevées, volontairement, tourmentées, tortueuses même. Du 8 au 35 mm, la voici passée de l’autre côté de son propre miroir. Ivre d’images, elle a livré enfin un film qui est la quintessence de plus de deux décennies d’écriture, de témoignages, de photographies. Après nous avoir montré tant de surfaces en friche, de maisons pas vraiment terminées, de forêts vierges et de chemins pas totalement tracés, elle s’est décidée à bâtir une maison sur ses terrains. Pour une fois, elle n’a pas voulu nous égarer, elle a souhaité qu’on s’attarde chez elle. Ici, la nature est toujours aussi dangereuse et dominatrice. Mais elle est aussi apprivoisable, confortable même.

De ces fables hantées, on retient souvent la face sombre, maudite, d’une époque qu’elle n’aime pas, d’une humanité qui abandonne trop souvent ceux qu’elle aime. Still the Water rééquilibre tout et nous illumine. Chez elle, il y a une forme de foi, invoquant les Dieux, espérant des hommes.

Jouant avec sa propre vie, livrant ses secrets et s’amusant de ses mensonges, Naomi Kawase est aussi sérieuse que joueuse. Elle défie les Cieux et insuffle du surnaturel, elle révèle ses souffrances et détruit le bonheur puisqu’il s’est sauvé. Tout ce qui est inattendu, désynchronisé, déglingué, dément lui plaît. Tant pis si elle déroute. Elle n’est jamais aussi virtuose que lorsqu’elle filme les vertiges, elle prêtresse d’un Japon de vestiges. En filmant des bribes de son destin, la réalisatrice dessine surtout le portrait d’une civilisation qui, comme les hommes, oublie qu’elle est mortelle. Et plutôt que de lui brancher des tuyaux pour la maintenir artificiellement en vie, elle préconise de tout débrancher, et de contempler le paysage autour.

vincy


 
 
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