David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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PATRIMOINE NATIONAL





Cher Jean, vous permettez que l’on vous appelle par votre prénom, même s’il est si commun. Après tout, on en fait à notre guise : cela vous apprendra à cabotiner dans des publicités de compagnies d’assurances moins drôles que vous.
Donc. Cher Jean. Depuis vos débuts au milieu des années 50, autant dire il y a une éternité, il y a cette curieuse impression de ne vous avoir pas vu changer. Vieillir oui. Mais vous avez gardé votre silhouette svelte, votre moustache semble immuable, votre timbre de voix, réconfortant, intact.

Vieux cheval légendaire plutôt que jeune étalon fougueux, vous avez su passer tous les obstacles d’une carrière très riche, mais aussi très variée. Les honneurs n’ont pas manqué (deux Césars et un César d’honneur). Et votre popularité a traversé les âges, séduit différentes générations. Avec Bébel, feu Noiret, Marielle, les vieux complices, vous êtes devenu un noble dans la Cour du cinéma. Un grand duc. Avec cet éclat de rire aigüe qui fait votre marque, aussi soudain que furtif.

Cette affection méritée n’a même pas souffert de vos choix hasardeux ou de vos premiers rôles, qualifiés de seconds. Remercions quand même Philippe de Broca de vous avoir rendu compère de Belmondo, la belle gueule, dans Cartouche et surtout Les tribulations d’un Chinois en Chine. Lunaire et léger, farfelu même, vous imprimez votre marque. Angélique marquise des anges et ses suites se chargeront de vous rendre également romantiques. On ne vous voit pas en salaud, il faut dire. Dans Le Diable par la queue, vous étiez rêveur et bienheureux. Déjà vous chevauchiez, avec des Walkyries.
On oublie vos navets, vos séries B, ces films un peu ratés ou complètement oubliés. Croquignol dans Les Pieds Nickelés, était-ce bien sérieux ? On retiendra plutôt Symphonie pour un massacre, de Jacques Deray, un de vos premiers films, où vous tentez de truander vos amis les malfrats par cupidité…

Mécanique de précision

Ni vraiment jeune ni jamais vieux, un peu comme Blier, il vous faut quand même attendre la quarantaine, pour jouer en liberté. C’était pourtant une période périlleuse : une nouvelle génération arrivait, Noiret et Belmondo étaient des stars, l’humour changeait de registre avec le Splendid, Coluche, Pierre Richard… Et justement, vous vous êtes amusés. Manipulant le Grand Blond et faisant tourner en rond comme un con le pauvre Blier. Enorme succès populaire, et vous, en salaud sympathique et mélomane, fils à maman et élitiste jusqu’au haussement de sourcil. Vous n’arrêtez pas de tourner, cinq à six films par an, de Marboeuf à Robert, de Labro à Audiard, de Chabrol à Comencini. Tavernier vous nomme Inspecteur dans un de ses plus grands films, L’horloger de Saint-Paul. Bunuel vous engage dans le surréaliste et étrange Fantôme de la liberté. Vous passez ainsi de la jeune génération aux vétérans.

L’audace de tourner avec le jeune Patrice Leconte, même si le tournage est un cauchemar et le film un échec, et d’embrayer avec le Calmos de Bertrand Blier, en mâle fuyant le féministe comme d’autres s’exilaient dans le Larzac. Libertin, commissaire, Colonel, avocat, et même Abbé dans Que la fête commence, toujours de Tavernier – vous êtes fidèle – qui vous vaut un César. Il faut dire que vous excellez dans ce personnage arriviste, ambitieux, complaisant et machiavélique. C’est votre âge d’or. Entre potes pour le tennis et femmes à séduire, vous vous régalez à jouer les éléphants qui trompent énormément. Et sa suite qui vous emmènera tous au Paradis. Pour vous ce sera aussi l’occasion d’un second César du meilleur acteur grâce au Crabe tambour de Pierre Schoendoerffer. Ironie du sort, vous n’avez pas la cinquantaine que vous incarnez « le Vieux » capitaine de Vaisseau d’une Marine hantée par son passé guerrier. Chouchou du public, chéri par la profession, cavaleur (jusqu’à faire votre révolte sexuelle en abandonnant famille et pharmacie pour coucher avec Deneuve dans Courage, fuyons), dragueur avec humour ou timide maladroit, sadique ou cuistot, vous semblez jouir de tous les plaisirs…

Noblesse oblige

Mais, avec le temps, les cinéphiles ont oublié à quel point vous êtes charismatique et subtil dans votre jeu. Idéaliste aussi. N’ayant peur de rien, croyant toujours que le cinéma est un art. Les téléspectateurs revoient vos divertissements mais oublient que vous avez joué avec Alain Cavalier (Un étrange voyage), Pierre Granier-Deferre, Laszlo Szabo, que vous avez soutenu les débuts de Laurent Heynemann, Régis Wargnier, Pierre Salvadori, Philippe Lioret, Fabien Onteniente… Vous pouvez faire le potache (pour Ribes) mais vous refusez de faire la potiche. Vous respirez la dignité. Il y a quelque chose d’altier et d’enfantin dans votre corps. Cependant, comme pour beaucoup, les années 80 ne vous conviennent guerre : les grands cinéastes ne font plus appel à vous. Le jeune cinéma français de l’époque vous ignore. Patrice Leconte en profite pour vous remettre en selle avec Tandem, joli petit mélo qui permet au cinéaste comme à votre partenaire, Jugnot, de montrer une facette plus sombre d’eux-mêmes. Rochefort se métamorphose en Rochefort : le personnage vient à vous, et non plus l’inverse. Arrive alors votre grande histoire d’amour. Leconte vous reprend pour être Le Mari de la coiffeuse. Sensuel, arabisant. Votre corps se lâche, s’assouplit. Vous passez du rire à la détresse, des caresses au désespoir. Vous voilà le vieux que tout le monde s’arrache pour mettre de la fantaisie. A l’instar de Serrault sur les plateaux TV. Pour un américain comme Altman vous êtes le parfait Inspecteur Tantpis, dérivé parodique direct de Peter Sellers en Inspecteur Clouzot. Quel hommage !

Grâce à des films comme Ridicule, Le Placard, Ne le dis à personne, vous conservez votre lien indéfectible avec le grand public. Rochefort chez Chabat, en homme préhistorique, chez Bonvoisin, en cardinal, chez Edouard Baer, son fils spirituel… Vous pouvez donner la réplique à Johnny Hallyday comme à Mr. Bean. Etre une enflure de politicien dans un film césarisé où Guillaume Canet joue de votre passion pour les canassons comme continuer à faire le pitre chez Chatiliez ou dans Astérix. Au service de sa majesté le 7e art, avec un flegme presque britannique, de l’humour et jamais d’humeurs. C’est ce qui vous rend si attachant. Et parfois moqueur ou même incisif.

Moulins et châteaux

Avec votre copain Jacques Brel, qui partageait votre loge (ou l’inverse), vous imaginiez la télévision comme outil de pacification mondiale et d’éducation des masses, et finalement vous décidez dans un même élan d’annoncer votre retraite, de critiquer les technocrates cathodiques et la médiocrité des programmes TV, et de regretter enfin le manque de courage des producteurs cinématographiques. Et en guise de bras levé, toujours avec votre grand sourire, vous filez (temporairement) à l’anglaise avec un film d’équitation (les chevaux c’est votre dada) et une œuvre espagnole sur le déclin d’un sculpteur, toute une métaphore. L’artiste et son modèle. Un roi en son château. Car artiste vous en êtes un, un de ces saltimbanques qui n’ont aucun mépris pour la comédie et qui subliment la tragédie, la publicité ou les dessins animés, les planches ou les documentaires. Vous voulez quitter la scène avant le film de trop. Vous aviez déjà pris votre retraite sur scène avec un one-man-show délicieux, « Entre autres », où se côtoyaient Barthes et Verlaine, Fernandel et Yanne, Levi et Lapointe. Le burlesque et le drame, avec votre zeste de fantaisie.

Vous en avez assez de lire des scénarios où vous êtes le vieux qui crève. Et puis le film de votre vie, vous n’avez jamais pu le faire, alors « Akoibon » ? Ah quelle grande idée avait eu Terry Gilliam de vous choisir pour son Don Quichotte. Et quelle infortune que ce tournage maudit vous brisa tout net, vous empêchant de monter sur un équidé (un comble, un malheur pour vous). Il reste le making of d’un film inachevé, Lost in La Mancha. Perdu dans les limbes du 7e art. Prodigieux magicien, vous n’avez rien pu faire pour conjurer le mauvais tour du destin. Mais vous avez conservé votre sens du cabotinage, vous n’avez jamais joué les stars. Et c’est cela qui vous rend aujourd’hui si grand à nos yeux. Un acteur complet. Un monument s’érigeant sur d’anciennes vagues du cinéma, ancré dans nos souvenir et surfant sur les modes.
En anglais, patrimoine se dit « heritage ». Ils sont nombreux les héritiers qui vous doivent leur ton, leur liberté. Mais qui a votre élégance ?

vincy


 
 
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