David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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L’ENFANT SAUVAGE

Jean Cocteau écrit dans La difficulté d’être :

Le livre Bye Bye Bahia


« Mes cheveux, en perdant de l’épaisseur, ont gardé leur révolte. Il en résulte une gerbe de mèches qui se contredisent et ne peuvent se peigner. Si elles s’aplatissent, elles me donnent un air minable. Si elles se redressent, cette coiffure hirsute semble être le signe d’une affectation. »
De Jean Cocteau à Christophe Honoré, de l’enfant terrible du cinématographe à l’enfant sauvage du cinéma, il n’y a qu’une poussière de temps et au moins deux points communs : les épis sur la tête et la pluridisciplinarité inspirée.
Si l’on s’amuse à ajouter un « h » à « épis tête », le mot se transforme en « épithète ». Tout comme Jean Cocteau, Christophe Honoré a la tête bien faite et de nombreux épis à son actif : critique, écrivain, scénariste, réalisateur…


Hors la loi

Ce turbulent touche-à-tout fait des étincelles là où il passe en donnant de grands coups de pied – tel un Thomas l’imposteur du XXIe siècle – à la tiédeur consensuelle et « consexuelle » ambiante.
Honoré, le critique insoumis, tient pendant quelque temps un offensif et un brin désabusé « Billet du spectateur » aux Cahiers du cinéma dont il est viré.
Honoré l’écrivain écrit avec la même audace, le même intérêt et la même conscience de la littérature pour les grands et les petits :
Dans ses romans pour les grands - parmi eux, L’infamille, La douceur, Scarborough… - des phrases courtes et tranchantes ponctuées des mots « bites » et « pédés » côtoient les envolées les plus fulgurantes. Pour les petits, Honoré commet une quinzaine d’ouvrages. Parmi eux, le formidable Tout contre Léo qui raconte l’histoire d’un grand frère sidéen, dont la mort prévue est cachée au plus jeune fils. Ce livre anti-psychologique, délibérément non pédagogique chamboule les notions de bien et de mal chez le jeune lecteur, allie à merveille le contradictoire à l’embarras. Résultat : le livre est encore interdit aujourd’hui dans certaines bibliothèques.
En 2001, l’auteur adapte et réalise Tout contre Léo pour M6. Á cause d’une scène qu’il refuse de couper, il claque la porte et c’est finalement Pink TV qui diffuse le téléfilm. Son dernier roman Le livre pour enfants évoque avec un éclat blessé et cinglant ses déboires cathodiques.

Écrivain de cinéma

Honoré le scénariste sait choisir les réalisateurs pour lesquels il écrit. Son nom brille au générique de films on ne plus « honorables ». Entre autres, Le clan de Gaël Morel ou encore Novo de Jean-Pierre Limosin… Quant à son cinéma, il semble refléter le caractère décoiffé de ce créateur que l’on devine sentimental, orgueilleux, respectueux, cruel et chose plus rare, aussi sec que lyrique dans le traitement de ses oeuvres. Étreignant les références cinématographiques tout en faisant des pieds de nez magistraux à la grammaire des images, ses films font le grand écart comme un danseur alerte entre le cinéma populaire (leurs thèmes d’inspiration intimistes et mélodramatiques s’inscrivent dans la « tradition qualité française ») et le cinéma qualifié d’auteur. Cette appellation prend avec Honoré tout son sens car l’artiste semble écrire ses scénarii et tourner ses mises en scène à la façon d’un romancier. Á l’aveugle. Sans sembler connaître la situation, le dialogue, la séquence et le plan à venir.

L’amour à mort

À quinze ans, la jeunesse de Christophe Honoré est meurtrie par la mort accidentelle de son père. Autour de ce séisme intérieur, il imagine alors toutes sortes d’histoires de famille - « le lieu premier de la censure », selon lui – au coeur desquelles le deuil revient comme un leitmotiv dépressif, énergique, câlin, sensuel, sexuel et violent.

2002 – 17 fois Cécile Cassard
Ce premier film raconte la dérive vaporeuse d'une jeune veuve au fil de dix-sept chapitres à l’esprit intimiste et fantastique.
En robe rouge comme une blessure qui s’écoule, l’impériale Béatrice Dalle - notre Anna Magnani nationale - est d’une douleur et d’une pâleur à couper le souffle. Ternis par le désarroi, tous les pores de sa peau appellent à la mort.
Le film, même s’il n’évite pas toujours la pose particulièrement dans l’utilisation de certains plans fixes et de dialogues sur-écrits, se révèle pourtant aussi maîtrisé qu’inspiré, esthétiquement somptueux, accompagné d'une bande originale d’Alex Beaupain qui hisse le visuel à l’état de grâce.
Une séquence fantasmagorique montre la poésie naïve et noire qui hante singulièrement cette œuvre :
Matthieu (Romain Duris) veut redonner le goût de vivre à Cécile. Au printemps, il installe un sapin de Noël dans l’appartement de la jeune veuve. Il lui offre une boîte d’allumettes et lui demande de faire trois vœux. Sans désir, elle refuse. Il les émet pour elle. Dans le premier, il lui demande d’accepter d’être heureuse. Dans le second, l’exhorte à oublier la mort de son mari.
Des fleurs rouges mobiles, cannibales comme le deuil qui dévore l’héroïne, apparaissent doucement et s’agitent telles des méduses sur les murs blancs. Au fur et à mesure de la dureté de Cécile qui s’amplifie, les fleurs foncent jusqu’à devenir noires, macabres, figées. Dans le plan suivant, l’une d’entre elles - emprisonnée normalement dans un cadre - est devenue un élément du décor.

2004 – Ma mère
Le réalisateur, pour son second film, adapte le brûlot littéraire inachevé de Georges Bataille. Et n’entend pas - la démarche pourtant paraît logique - combler les trous mystérieux du récit.
Choix suprême, c’est la grande Isabelle Huppert qui incarne la mère sulfureuse. Elle initie son fils à luxure jusqu’à frôler les frontières de l’inceste.
Malgré ce pari périlleux, le film convainc moins que le précédent car son interprète principale semble se tenir à une infime distance de son personnage et de la (trop ?) folle ambition du propos. Le rapport au star système sied-t-il vraiment au désir de liberté d’un cinéaste qui aime écrire un scénario en une poignée de semaines, tourner dans l’urgence et si possible sans scripte ?…
Pourtant, dans Ma mère, les images d’Honoré gagnent en fluidité et la dernière séquence rejoint la symbolique brutale et sexuelle des contes de fées :
Pierre (Louis Garrel) pénètre dans la morgue où repose sa mère dans un cercueil de verre telle une blanche-Neige incestueuse. L’employé le fait entrer dans la pièce.
Le plan suivant se présente en trois dimensions. L’employé est le plus proche de l’objectif. La mère endormie est au second plan. Au fond de l’image, le fils est plaqué contre le mur. Soudain, il glisse lentement comme s’il s’évanouissait. L’employé vient à son secours. Il s’aperçoit que Pierre se masturbe frénétiquement avant de se jeter, en larmes et le sexe en main, sur le cercueil de sa mère.
En une séquence, la fatalité de la mort et la force vitale de l’érection tente de se mêler. En vain, la vitre est la frontière qui sépare les corps, empêche à tout jamais la pénétration de la psyché, mais aussi de l’éros de la mère par son fils.

2006 – Dans Paris
Avec Lady Chatterley de Pascale Ferran, Christophe Honoré réalise l’œuvre la plus jubilatoire de l’année et aussi son film le plus abouti. Paul l’aîné (Romain Duris), après avoir vécu un chagrin d’amour, revient vivre sa dépression chez son père. Il squatte la chambre de Jo, le cadet (Louis Garrel). Comme un petit chaperon citadin, Jo va musarder dans Paris et vivre pour deux afin de redonner la force de vivre à Paul… Christophe Honoré réunit les deux interprètes masculins de ses précédents films. Il « condamne » Romain Duris à l’immobilité. L’acteur abandonne son énergie fébrile au profit d’une insondable mélancolie. Quant à Louis Garrel, il offre une palette « doinelienne », mélange de fraîcheur pudique et de vulnérabilité enjouée.
Une fois encore, la mort rôde avec le fantôme d’une sœur suicidée et l’absence d’une mère qui passe à côté de ses fils. Ce manque est souligné par un champ contre-champ au non-raccord jouissif :
En extérieur jour, perché sur le balcon d’une tour, Jo regarde en direction de la cour. Le plan suivant, sans logique apparente, est en extérieur nuit. La mère (Marie-France Pisier) filmée en plongée, est écrasée par le regard de son fils et - au sens propre comme au figuré - en pleine obscurité. Elle fait un signe insouciant à Jo avant de s’engouffrer dans la voiture, c’est-à-dire de déserter le logis et aussi le film puisque nous ne la revoyons plus.

Aux marches du palais

C’est sa grand-mère nantaise qui fait découvrir au jeune Christophe le cinéma hors norme de Jacques Demy. Il arrive aux grands-mères d’avoir du génie car le petit-fils sème depuis des pépites en-chantées au fil des films :
Dans 17 fois Cécile Cassard - nom de famille emprunté à l’univers du Grand Jacques - une séquence montre Romain Duris juste vêtu d’un short orange. De dos, il coince son slip entre ses fesses et, dans ce string improvisé, interprète l’air de Lola. Comme par magie, une casquette bleue de marin se pose sur sa tête…
Dans Dans Paris, un duo conclut l’histoire d’amour entre Romain Duris et Joana Preiss. Cette bulle musicale n’est pas sans rappeler les chansons des Parapluies de Cherbourg.
Est-ce que l’âme de Jacques Demy flottera autour Christophe Honoré lorsqu’il montra les marches lors du 60e festival de Cannes ?… Tout porte à le croire au regard des films que le scénariste et le cinéaste offrent en 2007 à la Croisette :
Honoré a co-écrit Après lui de Gaël Morel avec la plus « demyenne » des actrices : Catherine Deneuve. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, le film raconte l’histoire d’une mère incapable de faire le deuil de son fils mort dans un accident de la route.
Il présente aussi et surtout - en compétition officielle - sa comédie musicale à lui avec son acteur fétiche, Louis Garrel. Son quatrième long-métrage intitulé Toutes les chansons d'amour raconte que les mélodies nous répètent toujours la même histoire : Il y a trop de gens qui t'aiment, Je ne pourrais jamais vivre sans toi, Sorry Angel…
Croisons et mêlons tous nos doigts pour Christophe. Puisse le jury honorer ce jeune cinéaste dont les traits rappellent ceux de Fassbinder et de Gainsbourg. Qui s’inspire et s’assemble finit toujours par se ressembler…


Benoit


 
 
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