La pièce est plongée dans une inertie totale lorsque soudain l'ampoule de l'applique clignote, traversée par un courant électrique sorti de nulle part, sans que l'on ne sache exactement qui manipule l'interrupteur. La réalité s'éclaire soudain d'une nouvelle subjectivité que l'on n'osait songer vraisemblable.

Cela fait maintenant plus d'une vingtaine d'années que Lynch, lancé dans ses recherches sensitives, modèle inlassablement le terreau de notre inconscient. Cultissime, le monsieur n'a jamais cherché le succès, trop aspiré dans ses propres expérimentations, tel un bricoleur surdoué. Tout cinéphile qui se respecte hurlera au génie à la vision d'un de ses films. Il n'y a pourtant pas de dominante intellectuelle franche dans l'œuvre de Lynch. En équilibre sur le hasard, le cinéaste reste modeste. Il déteste apporter une analyse froide sur ce qu'il montre et se plait à nous faire croire que le résultat est sorti comme ça, par instinct, par jeu d'association de sens, de confusion des sens. Pourtant film après film, l'œuvre se construit, trouve ses figures récurentes, ses repères et ses directions. Les points de vue sont multiples, l'échelle du temps explose défiant toute relativité. David Lynch a pris conscience très tôt dans son travail que l'univers, tel que nous l'appréhendons, avait des existences autres lorsque notre esprit ne le cadrait plus dans l'espace étroit de ses propres limites perceptives. C'est dans ces ailleurs où règne le trouble, que cohabitent ses personnages. Êtres pétris d'énergie qui se consument dans leurs passions et leurs peurs (à l'image de cette cigarette en gros plan de Wild at heart), chacun d'entre eux a marqué nos mémoires. On ajoutera au pédigré du maître un soupçon de nostalgie et de romantisme qui témoignent d'une naïveté préservée intacte et on obtiendra un des regards de cinéaste les plus curieux à tous les sens du terme.

PETSSSsss-

 

 Dossier: PETSSSsss + Romain
(C) Ecran Noir 1996-2001