David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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WATERS CLOSET





Né sous le signe de la scatologie ascendant caca boudin, John Waters porte les doux surnoms de "Pape des détritus" (Pope of Trash) et autres "Prince du vomi" (Prince of puke). Dieu du mauvais goût véritablement personnifié, le réalisateur désormais culte se révèle au grand public en 1972 grâce à "Pink Flamingos"; la fameuse séquence où Divine (son défunt acteur travesti fétiche) ingère une déjection canine restera dans toutes les mémoires, et il ne se passe d'ailleurs pas une seule entrevue avec un journaliste sans que cet épisode ne soit évoqué.

Notre bébé John naquit donc en l'an 46 (le 29 avril précisément) à Baltimore dans le Maryland aux Etats-Unis. Baltimore est un port industriel, une ville provincial pas très loin de la capitale des Etats Unis, une agglomération où l'on mange du crabe mou et où l'air est marin. Son enfance, largement évoquée dans l'autobiographique Pecker (1998) - avec Edward Furlong en jeune photographe éclairé devenant la coqueluche inattendue des vernissages new-yorkais - ne se résume pas à ce simple long-métrage.
Obsédé depuis le plus jeune âge par la violence et le gore, aussi bien dans la vie réelle que dans les films, Waters réalise ses premières oeuvres muettes en 8 mm et 16 mm dans les années 60. Les projections sauvages des années 70 - reconstituées dans Cecil B.Demented - qu'il organise dans sa bonne ville natale et notamment sur le campus de Baltimore, le font connaître dans une confidentialité toute relative. A l'aide de tracts (annonçant ces fameuses projections) distribués massivement et de vociférations façon poissonnière du marché de Montmartre, il attire vers lui les premières foudres de la presse locale, généralement outrée par ses oeuvres, et défraye la chronique baltimorienne à coup de rentre dedans " trashi-comiques " fixés sur pelloche. La provocation nourrit sa créativité et les puritains outrés font littéralement bander ce dandy. Ses références sont pourtant tout à fait honorables : Ed Wood, Russ Meyer, Ingmar Bergman , Frederico Fellini, Fassbinder, Andy Warhol, Disney, Le Magicien d'Oz...

Resté fidèle à ses origines, et outre ses premières armes réussies, John Waters se distingue par 4 films majeurs qui constituent ses plus grands succès commerciaux. Qui d'autre que notre moustachu propre sur lui, fou dans la tête, pouvait penser à réaliser un long-métrage en " odorama " ? (avant Les Nuls) "Polyester" (1981), film déjanté où l'on retrouve l'acteur/actrice Divine nous permet ainsi de partager en temps réel les sensations olfactives des protagonistes par le biais de capsules odorantes à gratter. Des roses, en passant par les champignons, Waters se laisse aller à d'autres odeurs plus nauséabondes sur lesquelles nous ne nous étendrons pas ici.
Sans puanteur aucune cette fois, mais toujours dotés d'un parfum de folie fort appréciable, "Hairspray" (1988) et "Cry Baby" (1990) marquent la période comédie musicale colorée du réalisateur. Waters attaque ici certains problèmes épineux qu'il évoque de manière tout à fait inédite ; il remet ainsi au goût du jour l'histoire de Roméo et Juliette ("Cry Baby") en se moquant de Sturday Night fever et en rendant hommage à West Side Story et aux films d'Elvis Presley; et il évoque largement la ségrégation raciale dont sont victimes les noirs américains dans les sixties ("Hairspray"). Le public découvre alors l'aspect romantique et militant du metteur en scène.
C'est en 94 que Waters amorce définitivement son tournant vers un cinéma plus sage en apparence, plus soigné, et presqu'académique (tout est relatif). Il engage une star, fait la clôture du Festival de Cannes, et son film rapportera 20 millions de $ dans le monde; chef-d'oeuvre parmi les chef-d'oeuvres, "Serial Mother" (Serial Mom en français, sic!) restera à tout jamais LE film culte et le big hit de John Waters. La folle cavalcade meurtrière d'une mère de famille incarnée par une génialissime Kathleen Turner à l'aspect plutôt tranquille déchaîne en nous les instincts les plus inattendus et offre une jouissance en 35 mm rarement atteinte. La fin est une apothéose amorale qui fait rentrer Waters dans le panthéon des cinéastes à style. Depuis, il a remastérisé son Pink Flamingos, reçu des hommages à Deauville et à Cannes. L'Amérique le boude moins. La France le vénère...

Malgré une perte de vitesse constatée et un manque d'inspiration certain dans ses 2 derniers films (le trop compatissant Pecker, si charmant, et le trop primaire Cecil B. Demented, si destroy), Waters continue de réaliser ses folies. Apôtre de la charge pro-marginalisme et anti-conformisme, nostalgique des grands maîtres (de Fellini à Almodovar), il enrôle des stars (Ricci, Griffith), s'offre des circuits de distribution digne de ce nom... Waters est aujourd'hui un auteur reconnu, un réalisateur incontournable. Belle ironie. Gageons néanmoins que le cinéaste retrouvera prochainement sa folie sur grand-écran.

Monsieur Waters, on vous aime !

Laurent S. (et un peu VinCy)


 
 
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