David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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ETIENNE SE TIENT BIEN





En un seul film, Etienne Chatiliez, le prince de la pub au physique éternellement ado, s’est imposé cinéaste, auteur, et pépite d’or pour les producteurs. Lorsque La vie est long fleuve tranquille débarque sur les écrans en 1988, quatre millions de Français rient aux conflits sociologiques des familles Le Quesnoy et Groseille. Chatiliez croque ainsi la bourgeoisie provinciale catholique, qui se désagrège au contact d’une autre caste, raciste, pauvre et assistée. Une France de droite contre une France de gaucheEt surtout, la découverte d’une future star (Benoît Magimel) et des répliques cultes : de la chanson « Jésus reviens » à « Mais j‘vous jure madame » d’une Catherine Jacob révélée. Et bien entendu « C’est lundi, c’est ravioli » devenu une citation populaire.
Le film devient un phénomène de société. C’était il y a 20 ans. Il a trouvé en Florence Quentin sa partenaire de plume et en Charles Gassot son fidèle financier. Depuis le cinéaste s’est fait un plaisir de transgresser le politiquement correct montant. Il aime briser les conventions bourgeoises en leur insufflant un virus exogène, provocateur d’hilarité. A partir d’un sens de l’observation aussi aigue qu’acide, il régale des millions de spectateurs en se moquant des vieilles acariâtres, des épouses manipulatrices, des parents égoïstes, des profiteurs en tous genres, des racistes, des nouveaux riches, …
Ringardisant Veber et Zidi
Ses succès en salles – seul La Confiance règne n’a pas dépassé les 2 millions de spectateurs, avec seulement 500 000 entrées – ont permis à des films assez subversifs d’êre diffusés à heure de très grande écoute à la télévision. La France profonde a ainsi pu rire en voyant Sabine Azéma se faisant sodomiser dans une voiture par Eddy Mitchell ou Christine Pignet crachant sur le petit écran en insultant la speakerine. Maniant le burlesque caustique, l’obsession sexuelle, la lassitude du matérialisme et la critique subtile de nos mœurs, Chatiliez a réussi à ringardiser les rois de la comédie post 68 comme Veber, Zidi ou Pinoteau. Comme Coline Serreau ou Patrice Leconte, il digère les évolutions de son époque : l’humour « sociétal » et grinçant du Splendid, la liberté de ton de Canal +, la culture cathodique et publicitaire de la nouvelle génération de spectateurs. Les dialogues sont de la dentelle, les comédiens jouissent de leur partition, et les mises en situations sont plus dramatiques que drôles et pourtant font rire. De ce triptyque, le réalisateur construit un cinéma assez amer, acerbe, et même amoral. Transgressif et virulent en surface, humain et faillible en profondeur.

Remboursé par la sécu?
On ne peut pas réduire son cinéma, son talent, à son écriture. Hélène Vincent, Catherine Jacob, Patrick Bouchitey, Tsilla Chelton, Isabelle Nanty, Eddy Mitchell, Sabine Azéma, Carmen Maura, André Dussollier et Eric Berger ont tous été nommés aux César. Il les pousse dans leurs retranchements. Dépressifs, névrosés, enfermés dans leurs principes, déglingués, à la limite de la démence, les Français de Chatiliez méritent leur record de consommateurs de médocs.
Etrangement, malgré leur popularité hexagonale, ses films non jamais été l’objet de remakes. Le style de Chatiliez est-il plus Français qu’universel ? On pourrait le penser. Le bonheur est dans le pré est une « franchouillardise » très terroir tandis que Tanguy prend racine dans un microcosme très parisien. La confiance règne pastiche la comédie italienne. Il co-écrit des dialogues désopilants et cruels, où la vérité énoncée devient une déflagration permettant aux masques de tomber. La lucidité sans détours de Tatie Danielle, la clairvoyance soudaine de Francis Bergeade (Le bonheur est dans le pré) ou les confessions inavouables d’Edith Guetz (Tanguy) permettent aux autres de se révéler tels qu’en eux-mêmes. Chatiliez dénonce les hypocrisies et les mensonges. Mais, pour tous ses films, il pose ses conditions humaines : quiconque n’est pas capable de changer ne peut pas s’épanouir avec bonheur. Le repli sur soi, et l’ignorance qui en découle, est finalement le grand méchant de ses films conflictuels. Conflits de classe, de points de vue, de modes de vie, de générations… C’est sans doute pour cela que La confiance règne, trop dilué, sans conflits réels, simplement « comique » mais finalement grossier, a échoué à trouver son public. Il est le moins « Chatiliezien » de sa filmographie. Son cinéma semble condamné à l’ethnocentrisme chauvin. Dès que le cinéaste s’éloigne de son univers, s’évadant en Chine ou privéligiant le gag visuel au bon mot, l’effet rate. Ainsi Tanguy, premier film écrit sans Quentin, laissera un goût de mal achevé avec sa fin sans intérêt. Il est aussi prisonnier de cette construction narrative où le spectateur peut rire du ridicule des protagonistes, avoir de l’empathie pour les antagonistes, sentir ses sentiments contradictoires se mélanger, et au final, ne pouvant pas juger. La confiance règne n’avait aucun de ses ingrédients. Pour la première fois, en filmant des idiots, idéal pour un cinéma muet américain ou à sketches italien, Chatiliez échoue à séduire le public. Sans doute parce que, jusqu’à présent, il était plus à l’aise à critiquer les bourgeois, les élites.
Habituellement louangeurs, ou, au pire, indulgents, les crtiques l’assassinèrent pour la première fois, ne renouvellant plus le contrat de confiance qui les unissaient au réalisateur. Le mal fut flagrant. Agathe Cléry, son film le plus gonflé, mélangeant comédie musicale et attaque frontale d’un sujet tabou, ne sera pas montré à la presse.

Un buveur d'eau plate
Lui-même nanti, désormais, un poil jet-lagué à toute heure de la journée, ce grand Duduche semble comme un gamin essyant d’imaginer tous les sales coups qu’il va pouvoir faire pour nous faire rire. Son génie publicitaire lui a donné ce sens imaparable du tythme, de la concision, de l’épure au montage. Il se concentre ainsi sur l’aspect satirique, l’efficacité humoristique. Au fur et à mesure de ses films, il expurge les séquences les plus émotionnelles, pour se focaliser sur le délire ou la déviance de ses personnages. Ca ne l’empêche pas, en bon fan de Aki Kaurismäki et de Blake Edwards, de manier l’absurde : un mamie qui dialogue avec un défunt ou un patron qui dirige une entreprise de cuvettes de chiottes. Tout a son importance, et son cinéma doit aussi beaucoup aux décors, qui fourmillent de détails réalistes.
Cette précision tient aussi à son propre caractère. Ultra exigeant, assez fermé, trop discret, il est aussi à cheval sur les horaires, respectueux des règles, ordonné. Un buveau d’eau plate. Bref pas facile et peu compatissant aux fautes qui touchent son travail. Beaucoup plus politique qu’il n’y paraît, ses films sont même très personnels. Les co-scénaristes sont là pour être en musique sa vision des choses. En gauchiste nordiste, il aime que les pauvres s’enrichissent par tous les moyens (y compris le vol dans La vie est un long fleuvre tranquille et La confiance règne). Il filme ainsi la gauche intello caviar (Tanguy) ou les prolos en usine (Le bonheur est dans le pré), et plus généralement il met à l’épreuve la bonne conscience de notre civilisation en la confrontant à des grains de sable défiant nos égoïsmes, arrivismes, conservatismes, conformismes. Le cynisme est alors vaincu par la dérision. Qu’on finisse anéanti ou réjoui sur une plage de la Manche, dans la Cité Interdite de Pékin ou dans le Gers au milieu des oies, l’Homme n’a pas d’âutres choix que de se remettre en question et parfois de tout changer. Quand Chatiliez prendra sa retraite, où ira-t-il ?

vincy


 
 
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