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HARRY MAGE SOLIDE

"- Tu vas souffrir mais tu vas être heureux de souffrir."

On pourra dire ce que l'on voudra : un cinéaste peut faire la différence. Ce troisième Harry Potter possède la touche de magie nécessaire pour être un cran au dessus des autres : plus court, plus adulte, plus dynamique. En fait, plus qu'un tour de magie, il quitte le monde l'enfance, et ses platitudes. Il s'aventure davantage dans les tourments de l'adolescence et quelques fragments de réalité nous permettent de découvrir un Harry Potter plus actuel, en prise directe avec le monde des Moldus.
Dès le début, Cuaron donne le ton. Dans sa chambre, la nuit, Potter joue avec sa baguette, seul sous son drap. Et la lumière vint. Harry contrôle mal ses réactions et n'en fait qu'à sa tête, jusqu'à fuguer (gasp!). Moins héroïque, plus faillible, le garçon n'a rien de parfait. D'ailleurs, la vedette, c'est Hermione : punchy, pleine de ressources, chef de file et trop douée. Ron, enfant qui a du mal à grandir, entre couardise et fidélité, n'a le droit qu'à cette réplique : "Ron, run!". Bref, le trio devient plus crédible psychologiquement. Un triolisme sociologiquement à la mode. Mais pas seulement, puisque leurs costumes se modernisent (tendance H&M), leurs corps prennent forme, et leurs tours de magie se cachent derrière leur caractère.
Dès les premières images, le réalisateur installe une ambiance un peu plus frénétique, une image moins léchée et une scène presque méchante. Harry dans tous ses états? N'exagérons pas. Mais clairement, le jeune magicien est "à la dérive". S'il guide l'histoire, il n'en est pas le coeur. Au centre des préoccupations, un vielle histoire (la mort des parents d'Harry), un évadé et une quête d'identité. Bref, point de Voldemort, juste un traître qui a livré père et mère à l'ennemi qu'on ne nomme pas. C'est ce qui rend le film moins manichéen et plus intriguant. Plus cruel et moins sage. Ici, ce sont les Détraqueurs, geôliers exhumés du Septième Sceau (Bergman pour ceux qui ne savent pas), qui servent de menaces fantômes, et qui n'ont rien d'indulgents. Quant aux professeurs, il y a un renouvellement certain. Dumbledore est réduit à la po(r)tion congrue. Et Hagrid a le droit à deux tours. Sont invités Emma Thompson, allumée parfaite et David Thewlis (Professeur Lupin, avec pas mal de larsen), parfait d'ambiguïté. On sent l'héritage de Columbus, mais le zeste d'audace permet au spectateur de se réjouir de quelques apports. A commencer par un métissage des écoliers, bienvenue. Ou la brièveté du match de Quidditch, symboliquement présent.
Les plus à plaindre sont les créatures volantes : les oiseaux se fracassent sur les arbres (et ça fait rire). Même si, ici, on oublie les araignées et les serpents pour nous faire le coup du Loup-Garou. Et là, il faut comprendre le texte sous-jacent. Intéressante l'idée de faire passer le prisonnier d'Azkaban (Gary Oldman) pour un sale méchant dans les médias. La critique vise évidemment les tabloïds sensationnalistes. Gonflé, le discours de Thewlis sur sa "véritable nature" et l'incompatibilité avec l'opinion des parents. La nature de cet enseignant étant d'avoir une libido étrange passé le coucher de soleil. Cela contrebalance le monologue raté (mal écrit) du même Thewlis sur les parents de Potter.
Cette inégalité - entre une première partie qui a du mal à décoller et une dernière heure emballante, entre des séquences bancales et des scènes jouissives - laisse un sentiment mitigé sur le coup. Pourtant, clairement, le film est le meilleur des trois. Si tout le reste est dans la lignée des deux précédents - effets spéciaux, jeu des comédiens, installation de l'intrigue - la réalisation s'autorise quelques références (au premier lieu Vertigo, d'Hitchcock, pour ceux qui ne savent pas) et une scène culte. Les trois gamins en sont vite écartés, et Cuaron laisse Rickman, Thewlis, Spall et Oldman (quatre des plus grands comédiens britanniques de ces 15 dernières années) s'entredéchirer et régler leurs comptes. Les cinéphiles seront aux anges, même si on aurait aimé des dialogues plus affûtés.
Cela introduira un film dans le film, un "retour vers le futur" inattendu qui compliquera la narration pour notre plus grande joie. En jouant avec le temps et l'espace, le réalisateur se permet d'offrir aux enfants une oeuvres plus complexe, plus sombre. Ici, point de vilain vaincu, ni de tempéraments bons ou méchants, point de fin simple et heureuse.
Dans ce registre qui flirte avec le fantastique, où l'humour grivois s'invite par surprise, Harry Potter Opus 3 ouvre la voie à une série qui va enfin tuer le père : Chris Columbus. Il était temps. On n'en est pas au string sous le jean's taille basse pour Hermione ("je suis coiffée comme ça de dos?!"), mais déjà la musique devient plus battante. "Expecto Patronum" comme dirait l'autre. La coupe de feu mettra-t-elle (enfin) le feu?

Vincy