Dire que le bonhomme cultive son personnage serait faux compte tenu de ses préoccupations. Il n'empêche qu'il apparaît pourtant depuis maintenant une bonne vingtaine d'années comme un réalisateur emblématique. Sa silhouette ne passe d'ailleurs pas inaperçue et est hautement identifiable, car Tim Burton est un toon en lui même. Le cheveu décoiffé, ces derniers temps les yeux écarquillés planqués derrière d'énormes lunettes bleues ou jaunes selon les occasions, il semble émerger d'une rude soirée de débauche perpétuelle. Précipité dans son élocution, la communication verbale n'est définitivement pas son truc. Affublé de cette crainte de ne pouvoir traduire correctement les innombrables idées qui bouillonnent sous son crâne, il accompagne son discours de grands gestes démonstratifs, agitant frénétiquement ses mains encombrantes devant lui.

Tim Burton est un artiste. Sa pensée ce sont ses mains qui l'ont traduite dans un premier temps, au travers de sa profession d'illustrateur. Il est de cette espèce très rare de grands metteurs en scène qui ont une griffe. Pas un de ses inombrables esthètes ayant fait leurs armes dans la pub ou le clip et dont le moteur reste l'image pour la perfection plastique de l'image. Non, Tim Burton est avant tout un auteur parce qu'il transmet une vision du monde qui lui est propre.
En guise de parallèle, on peut penser à Terry Gilliam, autre américain qui pratique aussi assidûment le crayonné et dont l'expérience graphique nourrit un travail cinématographique exubérant et poétique. Les deux partagent certainement aussi une bonne dose d'humour caustique lorsqu'il s'agit de dépeindre la tristesse de notre réalité. Ce sont des réalisateurs qui tirent leur inspiration d'un imaginaire qu'ils ont patiemment développé. Cet imaginaire qui est leur force, mais aussi leur limite. Incapables de décliner de façon probante leurs compétences de metteurs en images sur des sujets de commande, ils ne livrent la pleine mesure de leur talent que lorsqu'ils se sentent totalement concernés par leur projet.

De film en film, Tim Burton semble mener un combat contre la banalité du quotidien. Cette normalisation tyranique vers laquelle nous tendons tous dans un soucis d'intégration et qui provoque inévitablement le rejet de ce qui ne respecte pas les canons imposés. Le réalisateur ne vit que pour l'originalité. C'est dans le bizarre (tout est relatif selon le regard que l'on porte sur les choses…), en tout cas dans ce qui ne peut pas être encore produit à la chaîne qu'il trouve sa liberté. S'il est forcément un produit de l'Amérique consumériste (biberonné aux pires programmes télévisuels), il a sublimé son vice flagrant de fabrication en une source d'inspiration qui lui a permis de s'imposer par sa singularité. Le succès qui le poursuit ne lui sert que de caution pour défendre ses positions d'auteur face aux executives des studios hollywoodiens.

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