VINCENT LINDON

Ecran Noir

   

ENTREVUE

Entrevue avec Vincent Lindon à propos de son rôle dans Paparazzi, d'Alain Berbérian.

Confidentiel

    Vous campez un personnage dont on peut imaginer que vous avez parfois eu envie de condamner les actions et les comportements dans la réalité !
    Dans la réalité... donc pas dans un film ! En fait, posons la question plus directement puisque tout le monde va me la poser un de ces quatre : "Est-ce que vous avez fait ce film parce que vous aviez une revanche à prendre ?" Il n'y a aucune raison, parce que je joue un paparazzi, de tenir compte de ma vie privée. On ne chercherait pas à m'entraîner sur ce terrain si j'interprétais un grutier ou un assassin ! En plus, il serait malvenu pour moi de vous parler du rapport entre mon métier et ma vie privée alors que le film traite, précisément, des répercutions parfois douloureuses que peuvent engendrer certains médias sur la vie privée de tout un chacun. Quand Alain Sarde et Patrick Timsit nous parlions d'une histoire autour de ce thème, il nous a paru évident de montrer que ça n'arrive pas qu'aux vedettes. Tout le monde peut être touché, même un quidam.

    Michel Verdier, votre personnage dans "Paparazzi", est un super-pro dans son domaine ?
    Verdier est un très bon paparazzi, un des meilleurs. Il est souvent en avance sur les coups. C'est un chasseur solitaire, il a des mouchards partout, des portiers d'hôtels, des concierges, des barmans, des patrons de boîtes privée, même des chefs de chantier pour avoir des vues plongeantes sur les terrasses des stars... et encore quelques autres mouchards que je garde secrets, je ne vais pas vous divulguer toutes mes combines... Comment je bosse après ! Verdier n'a aucune gêne à donner son numéro de portable à tout le monde, son slogan c'est "Si vous avez un bon plan, si vous voyez passer du beau gibier, téléphonez-moi, je suis acheteur !" Il est totalement autonome et toujours "opérationnel". Il lui faut une bonne voiture avec le plein en permanence, il ne sait jamais s'il va faire 10 ou 400 km... Ses appareils photo doivent être dans le coffre avec tous les objectifs, il ne sait jamais s'il va avoir à shooter de loin ou de près, en couleur ou en noir et blanc... Il lui faut aussi pas mal de liquide pour mannayer un renseignement. Une bonne paire de chaussures. Une tenue avec laquelle il peut aussi bien se planquer dans des fourrés ou dans le salon d'un palace. Une petite panoplie de guerre, quoi !

    Michel Verdier est accro ! Le rédac chef de son journal lui dit "Toi, y'aurais plus de journaux, plus de vedettes, plus de pognon, tu continuerais encore !"
    Verdier fait son métier avec "passion", entre guillemets. Quitte à faire un métier, autant le faire bien et à fond. Il n'y a pas de sot métier, dit-on... après, c'est à l'être humain à se débrouiller avec sa conscience.

    Vous rendez avec une extrême justesse l'état de surexcitation permanente d'un paparazzi.
    Verdier est tout le temps pressé, toujours sur 12000 coups dans la même journée, six rendez-vous à la même heure, et c'est au dernier moment qu'il décide, suivant son instinct, celui qu'il doit saisir parce qu'il lui rapportera le plus d'argent. Il fallait rendre cette rapidité, cette surexcitation dans la façon de choper un portable, de conduire, d'allumer des clopes... Plus j'étais dans cet état-là, et plus il était amusant de voir le personnage de Patrick [Timsit] qui, jusque-là, est quelqu'un qui vit son petit train train, être totalement dépassé par la rapidité des événements ! On a tout le temps l'impression que Franck a envie de dire "Oh, oh, attends deux minutes !", et en même temps, son raisonnement est très pervers car tout ce mouvement l'excite et l'amuse, enfin il se passe quelque chose dans sa vie ! Cette excitation s'ajoute au rythme trépidant de la comédie.

    On sent une faille chez Michel Verdier, son blindage, son cynisme ne lui ont pas fait totalement péter les plombs. Il est encore capable de faire le point sur le côté positif et négatif de sa propre image.
    Eh oui, lui aussi il en a une d'image ! Les hommes ne sont pas tout noir, ou tout blanc, c'est ce qui était intéressant de montrer avec ce personnage. J'ai l'impression qu'on a quitté l'ère du "ou", pour entrer dans l'ère du "et". Aujourd'hui, avec les milliards d'informations qui circulent sur tout à travers le monde, avec la société de consommation, le modernisme, l'électronique, la rapidité des transports, on est Docteur Jekyll "et" Mister Hyde. C'est pour ça que c'est si difficile de porter un jugement à l'emporte-pièce sur un individu. On peut penser le pour et son contraire. Il y a cette phrase de Coluche que j'adore : "Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire". Verdier est capable de choses extrêmements louables. Il a une vraie tendresse pour Sandra. Il aide Franck à s'en sortir, il lui donne du boulot parce qu'il est sincèrement touché de le voir au chômage et largué par sa femme, et en même temps, il va se servir de lui... Mais Verdier est effrayé de voir Franck devenir plus rapace que lui. "J'ai pondu Alien, maintenant faut que j'casse les oeufs", dit-il. Ca le fait réfléchir sur lui-même...

    Il a l'air sincère quand il décide de déposer les zooms.
    Oui, il a l'air... C'est un type qui approche la quarantaine, ce n'est pas un imbécile, il sait qu'il y a une nouvelle génération qui arrive, comme dans tous les métiers... Et puis dormir deux heures par nuit en planque dans sa bagnole, avec une cartouche de cigarettes et deux portables, en bas d'un immeuble à attendre que peut-être quelqu'un sorte à quatre heures du matin... Il faut être jeune. Il a envie d'être au chaud sous sa couette tranquille... Il serait temps de penser un tout petit peu ç l'avenir. Peut-être devenir patron de presse et avoir cinq Verdier en scooter qui bossent pour lui, va savoir !

    Vous avez nuancé très subtilement le côté attachant et horripilant de votre personnage.
    Je n'ai pas travaillé ce personnage de façon différente que lorsque je dois jouer un grutier dans "Fred", ou un chirurgien dans "Le Septième Ciel". J'essaye toujours d'avoir certaines connaissances sur le métier exercé par le personnage, j'essaye de trouver un physique, un look. J'essaye quoi, après, le reste...

    Blouson de daim, jeans moulant, anneau à l'oreille... Vous composez un personnage de paparazzi aussi vrai que nature !
    Pourquoi, vous en avez déjà vus de près vous, des paparazzi ? Vous en avez de la chance ! Je lui ai fait un peu un mélange, un look à la mode. Les paparazzi ne sont pas des êtres à part. Ils s'intéressent à la sape, ils sont comme tout le monde, pas plus imperméables que d'autres au look des rocks stars ou des DJs, à l'arrivée de Will Smith, des Spice Girls ou des Boys Band !

    Le film réserve de belles surprises, la fin aussi...
    Il faut surtout ne rien dire... La fin, je la laisse au public. On devrait demander aux spectateurs : "Selon vous, où vont-ils, que font-ils ?" C'est le public qui va peut-être écrire "Paparazzi 2" !

Vincent Lindon

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