JEANNE MOREAU

Ce qui est important, c'est cette lumière intérieure qui est en tous...

PORTRAIT

Jeanne et le public formidable
par Anne-Sophie Barreau - Octobre 1998

    A 48 heures d’intervalle, Jeanne Moreau a honoré de sa présence deux festivals qui se tiennent actuellement en région parisienne. Dans la forme, tout a opposé ces deux événements : d’un côté à Créteil, une véritable standing ovation à l’américaine pour Jeanne Moreau , de l’autre à Bobigny, une admiration témoignée avec davantage de sobriété. Mais sur le fond dans les deux cas, un très beau moment de partage entre l’actrice et son public.

    Deux festivals et deux occasions profondémment différentes de voir, d’écouter et d’aimer Jeanne Moreau. Au départ pourtant, tant à Créteil où se déroule le festival de films de femmes qu’à Bobigny où ont lieu les rencontres théâtre et cinéma, les deux soirées hommage dédiées à la grande actrice se sont déroulées à l’identique : d’abord une projection d’un des films de Jeanne Moreau en sa présence, ensuite une discussion avec le public. Alors est-ce le film projeté - La baie des anges de Jacques Demy à Créteil, Mademoiselle de Tony Richardson à Bobigny - , ou bien l’accueil réservé à Jeanne Moreau dans les deux endroits ou encore l’échange qui a suivi entre l’actrice et son public, toujours est-il que ces deux rencontres n’ont pas eu grand chose à voir l’une avec l’autre. C’est en effet dans un registre bien différent que chacune d’elles a offert un magnifique moment de cinéma et de partage entre une actrice et son public. A Créteil, c’était réellement la star Jeanne Moreau que l’on accueillait. Devant la Maison des arts, le tapis rouge avait été déroulé et lorsque l’actrice a fait son entrée dans la salle, les 900 personnes qui l’attendaient se sont alors instantanément levées. Pour quelqu’un d’habitué aux ovations comme l’est Jeanne Moreau, cela aurait pu paraître tout à fait normal. Mais la spontanéité et l’élan du public ont réellement ce soir là surpris l’actrice. Alors l’hommage a été d’un bout à l’autre profondémment joyeux. Et jeanne Moreau toujours prête à mettre une pointe d’humour dans ses paroles. A propos de La baie des anges, elle dit : " Vous verrez se dérouler devant vous l’histoire d’une passion considerée quelquefois comme une maladie, nous sommes souvent malades n’est-ce pas ?.. ". Lorsqu’on l’interroge sur les points communs qui réunissent tous les personnages qu’elle a interprétés , elle redevient sérieuse : " la particularité, c’est qu’elles vont au bout et qu’elles y vont de leur plein grè, avec lucidité, sans sentimentalité et tout à fait naturellement. Je pense qu’une vie réussie, c’est une vie où l’on arrive à être soi, où l’on n’a pas l’impression qu’on a été blousé, trompé. Ce qui est important, c’est de faire ce qu’on doit faire, avec qui on doit le faire, au moment où on doit le faire ". Autre ambiance pour la venue de Jeanne Moreau à Bobigny cette fois, deux jours après Créteil. Pas de tapis rouge ce jour là mais au contraire une arrivée toute simple dans la salle du Magic cinéma aux dimensions nettement plus modestes que celles de la Maison des arts de Créteil. Comme les organisateurs ne savaient pas si les fauteuils suffiraient à accueillir tout le monde, des chaises ont été rajoutées à l’arrière. Si bien que la spectateur a presque l’impression de se retrouver dans la salle d’un cinema paradiso. Des applaudissements pour Jeanne Moreau mais pas tout à fait les mêmes que ceux de Créteil. Ils ne sont pas moins francs, moins chaleureux ces applaudissements , mais il y a une sorte de retenue comme si dans le même temps qu’ils voyaient Jeanne Moreau, les spectateurs réalisaient tout doucement que l’actrice qui leur a donné tant d’émotions étaient réellement là ce soir. Là aussi la rencontre avec le public a été belle mais comme empreinte d’une certaine gravité, le sujet du film de Tony Richardson y étant aussi sans doute pour beaucoup . Le personnage de Mademoiselle qu’interprête Jeanne Moreau est en effet à lui seul un condensé de la complexité qui habite l’être humain, " les zones d’ombre et la lumière, le bien et le mal " résume Jeanne moreau qui confie au grand étonnement de la salle ne jamais avoir vu le film dans son intégralité jusque là. Parmi le public, les questions fusent. Interrogée sur les raisons qui l’ont poussé à vouloir devenir comédienne, Jeanne Moreau répond : " Il y a des personnes qui pour trouver des choses explorent la planète, moi ce que j’ai toujours voulu explorer c’est le fonds, le tréfonds de l’âme humaine . " Une spectatrice compare Mademoiselle et Les Amants de Louis Malle. Avant de poser sa question, elle développe son point de vue, formule certaines propositions. Jeanne Moreau lui dit qu’elle se réjouit de la voir réagir comme cela. Et effectivement, dans l’exubérance à Créteil, avec davantage de retenue à Bobigny, c’est avant tout de réactions fortes dont il s’est agi. Celles d’un public profondémment respectueux de la carrière accomplie par l’une de nos plus grandes actrices.



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