Reservoir Dogs
Pulp Fiction
Jackie Brown
Kill Bill (vol1)
Kill Bill (vol2)
 
©1996-2004 Ecran Noir SARL
Conception: PETSSSsss-
Rédaction: Vincy - Arnaud
Crédits photos: Miramax
Portrait 
 
BANDE A PART

Si aujourd'hui on donne des prénoms qui ressemblent à des marques de pubs, en 1963, certains avaient un peu plus de classe en nommant leurs gamins en hommage à des cow boys de télévision, à l'instar de Quentin, dévié de Quint (incarné par Burt Reynolds dans la série "Gunsmoke").
Quentin Jerome Tarantino. Il doit son nom à un père aspirant comédien, rapidement disparu de la circulation. Né dans le Tennessee sudiste, le petit Quentin émigre avec sa mère dans l'Ouest mirifique. Dans la banlieue de Los Angeles, de ville en ville, entre Océan Pacifique et ghettos, Tarantino grandit (beaucoup puisqu'il mesure plus d'1 mètre 90) dans ce qui deviendra le décor de ses trois premiers films. Une ville ponctuée de cafés, de bars, de résidences à trois étages et de larges avenues pour les voitures. De quoi faire hurler un écolo.

Le teenager Tarantino laisse tomber le lycée à 16 ans. Sa mère, pourtant infirmière, lui transmet un grave virus : la "cinochite" aiguë. Dégoûté par l'école, attiré par des séries B et même Z, il passe plus de temps à mater des écrans qu'à se couvrir d'écran total. Un bémol : le X ne le démange pas. Pourtant il deviendra ouvreur du Pussycat Theater, spécialisé dans le porno, afin de payer ses études d'art dramatique. L'échec du père ne lui aura pas suffit.
Il trouve un job bien plus passionnant dans les années 80. Vendeur de VHS au Video Archives d'Hermosa Beach, au sud de l'aéroport international. Contrairement à sa propre légende, il faut préciser qu'il a obtenu le poste parce qu'il était doté d'une grande culture cinématographique. Il a donc amplifié cette culture en passant cinq ans dans cette caverne d'Ali Baba du 7ème art. S'il déteste la drogue, il s'avoue totalement dopé au cinéma depuis l'arrivée du magnétoscope (en triplant la dose). Il regarde tout, sans distinction.

Lucky star
Personne ne s'étonnera, alors, que sa première tentative de scénario portait le nom improbable de "Captain Peachfuzz and the Anchovy bandit". Il avait donné dans l'excès de pizza. Cette année-là, en 1985, Madonna en était déjà à se marier avec Sean Penn. Like a virgin. Hum. L'année suivante, il essaie de réaliser son premier film (inachevé), My Best Friend's Birthday. Le titre est plus sage. Peut-être l'influence de Craig Hamann, copain de classe de comédie. On doit à cet Hamann quelques séries Z hollywoodiennes. En 87, Liaison Fatale domine le Box Office. Tarantino écrit True Romance (un de ses meilleurs scripts). Il y place tout son univers éléments par éléments : came, tirades ironiques, flingues (alors qu'il les déteste), Los Angeles... C'est Tony Scott qui réalisera ce film que Tarantino vendra pour pouvoir réaliser son premier long métrage, en 1992. Leçon number one : il faut être patient à Hollywood. Il écrira aussi les scripts de Natural Born Killers (réalisé par Oliver Stone en 1994) et From Dusk till Dawn dans cette décennie reaganienne. Tous ces films sont pourtant datés des années Clinton. C'est là une des explications liée au culte autour de ce cinéaste : il avait beaucoup ramé avant d'être connu, et tout s'est concrétisé dans un court laps de temps, entre 92 et 97. Une mine pour la pop culture ce mec, foisonnant créativement, différent, médiatiquement.

Mais déjà le caractère mal régulé, pas très sage et plutôt colérique de QT se laisse entrevoir. Pas d'accord avec Oliver Stone sur la manière de réaliser NBK - film controversé typique - il garde une rancoeur à l'encontre du cinéaste politique. Le mégalo qu'il est se fâche aussi avec Spike Lee. Ce dernier lui reproche un trop grand nombre de termes raciaux pas très gentils pour les Blacks dans son film Jackie Brown. Lee, chantre du Politiquement correct? Le duel se fait par interviews interposées avec des noms d'oiseaux.
Ca ne se passe pas mieux quand Tarantino fait l'acteur - ambition mal cachée de devenir une star même en étant dépourvu de talent. Il n'est pas près de se remettre sur des planches ou devant une caméra. En 1998, l'année de la rupture, quand les médias ont brûlé celui qu'ils avaient adoré, il joue un gangster sadique à Broadway. Un four doublé de critiques assassines qui le ridiculisent. Après le semi échec de Jackie Brown au Box Office et à cause d'une trop grosse tête, l'occasion était trop belle.
Si Tarantino a eu le droit au respect de tous en tant que cinéaste (même si les cinéphiles purs et durs ne l'ont jamais accepté comme un grand parmi les grands), le comédien n'a jamais convaincu, que ce soit avec Adam Sandler (Little Nicky, oubliable), George Clooney (le Rodriguez le plus "drôle"), Antonio Banderas (un Rodriguez gonflé aux emphés), ou pour Spike Lee (Girl 6, période creuse du cinéaste). On ne mentionnera pas les autres productions directement pour la vidéo, d'où il vient, finalement.

Material boy
Car Tarantino a confondu son don pour bluffer les médias et un talent quelconque pour jouer la comédie. Il n'a rien de charismatique. C'est plutôt son impudeur égocentrique et narcissique (il aime tout raconter de lui et de sa vie) et son génie de la communication qui ont créé le personnage. Un Frankenstein d'Hollywood. Ni cinéaste indépendant, ni créature des Studios. Un mix des deux.
Maître de l'auto-promo, il se défend en avouant ne pas faire plus de pub qu'un acteur autour d'un film. Il doit pourtant reconnaître que peu de réalisateurs ont son statut de star. Bavard, il se complaît sous les projecteurs, étale sa vie privée (Mira Sorvino puis Julie Dreyfus), et la joue "cool" dans un système qui se prend de plus en plus au sérieux.

S'il n'a rien inventé, il a sans doute été un brillant ingénieur mettant au goût du jour le polar et les films de genre. Ses films sont imaginés comme des concepts narratifs. Un Flash back dans Reservoir dogs, son premier opus, un puzzle bordélique dans Pulp Fiction, une équation espace-temps pour Jackie Brown, un film à chapitres avec Kill Bill. Il affine son style (ses films sont artistiquement mieux maîtrisés aujourd'hui), persévère dans ses défis de frimeur et cherche absolument à contourner les conventions des produits hollywoodiens actuels.
Ils donnent des surnoms à tous ses personnages (Black Mamba, Honey Bunny, Mr Orange, ...), ne filme jamais de sexe mais s'autorise des plans très sexy sur des femmes mises en valeur. Comme si Tarantino n'avait jamais quitté son statut d'ado. Les flingues remplacent les queues. Et l'objet transitionnel freudien n'est autre qu'une valise ou un sac souvent plein de cash.

Avec ces quelques ingrédients, auxquels on se doit d'ajouter la zik, immortalisée par des B.O.F. encore plus cultes que ses films, Tarantino impose une manière fumiste (et pourtant très écrite) de faire du cinéma. Il fait croire à des milliers de spectateurs que chacun peut devenir un cinéaste. Il lance la mode du "self-made filmmaker", bref de l'autodidacte - malgré un soutien plus qu'appuyé et très protégé de Miramax.
En recevant sa Palme d'or dès son deuxième film, grâce à Eastwood et Deneuve conquis, Tarantino permettra au studio des Frères Weinstein d'imposer leurs vues sur ce que doit être un bon film américain. Un mélange de ton et un plaisir presque primitif. La jouissance du spectateur doit se confondre avec une écriture soit très classique soit faussement nouvelle.
Car Tarantino, et il ne s'en cache pas, pompe un peu partout, dans les gros plans à la De Palma, les malfrats à la Scorsese, ou encore dans les films des années 70 tous genres fusionnés, du disco au kung-fu. Son juke-box créé avec Lawrence Bender, A Band Apart records, reprend la même antienne en revisitant des tubes "goldies" pour les compiler avec un vrai flair. Ses disques sont ironiquement distribués par Maverick Records, la compagnie de Madonna, sujet central de ses dialogues...

Into the groove
Monsieur ne fricotte donc pas avec n'importe qui : les champions aux Oscars (Miramax), le label d'Alanis Morissette, ou encore Uma Thurman, actrice, muse, égérie et l'une des vedettes réputées les plus intelligentes de notre époque. Pourtant, aussi fascinant soit-il, on s'inquiète devant cette absence de maturité qui le caractérise. Le seul sujet sur lequel il reste intarissable, c'est son adolescence. Encore et toujours. Il reste en bande, entre potes. Il parle vite d'ailleurs. Pire qu'une mitraillette, de manière très précise. Il s'exhibe en mots et se fringue comme un sale gosse, sans goût, entre le jogging pas lavé et les accessoires "hyper" tendances (qu'il re-lance à travers ses films). Car le m'sieur a de l'influence. Dialogues récités par coeur, chorégraphies reproduites dans les mariages, merchandising poussé (chaque film a son "code" artistique), retour de la Blaxploitation, boom des bérets Kangol, nom de boîte de prod' (Reservoir Prods, la société de Delarue)... la liste 'en finit pas. remercié dans les génériques de Smith, Noé, et Hawke ; on crée même le néologisme "tarantinoesque" pour parler d'un script qui a les allures d'un film du p'tit Quentin.

Cela ne le met pas à l'abri de lui même. Reservoir Dogs a essuyé de violentes critiques pour son extrême violence zélée. Le même film sera vite culte, car fait avec une économie de moyens, un système D qui facilite l'espoir de jeunes cinéphiles face à un système de plus en plus inaccessible.
A force de tout régenter en faisant de chaque sortie une machinerie marketing, centrée autour de lui-même, le réalisateur, qui n'est pas Orson Welles, risque de devenir davantage un Godard caricatural. Pas étonnant d'ailleurs que QT ait fait ses premiers pas d'acteurs dans King Lear , longtemps inédit. A la fois star et cinéastes, ultra-cultivés et maniant une écriture limite expérimentale, les deux individus sont considérés comme des OVNIs bizarres, trop doués, ringards, arrogants. Surtout que le gosse de Knoxville vénère ses références, s'autoparodie à l'excès, et plus grave, parfois involontairement, jusqu'à tout ramener à une forme de nostalgie. Du coup sa soi-disante modernité n'apparaît que comme un très bon remix des films qu'il cite constamment.

Borderline
Le cinéaste ne serait qu'un Film Jockey? Pas loin oui. Fan de télé (il a réalisé un épisode d'Urgences et a joué dans Alias), il a aussi ses maîtres du grand écran : Woo, Léone, Melville, les Trois Stooges. De nos jours, il apprécie Paul Thomas Anderson (Magnolia), qui en effet flirte avec son univers très angelinos mais un cinéma plus altmanien aussi. Il ne faut pas oublier Sofia Coppola qu'il admire ou encore une chorégraphie de Yuen Wo-Ping. Mais son héros reste celui à qui il doit sa Palme d'or, Clint Eastwood.
Il a ouvertement plagié sa manière de gérer sa carrière sur celle d'Eastwood. Des budgets contrôlés et pas disproportionnés, un pacte de confiance avec un studio (toujours le même) et de modestes bénéfices au minimum à l'arrivée.
Pour le reste, il a créé (et mis en sommeil) Rolling Thunder, avec Miramax, une société chargée de diffuser ses coups de coeur cinématographiques aux States. Ainsi, Chungking express (Kar-wai) ou Sonatine (Kitano) ou encore une vieillerie des Shaw Borthers ont profité de ce circuit.

Mais c'est aussi là qu'atteint la limite de son système. Tarantino, dès 1997, a rapidement saturé les médias. A force de multiplier les casquettes et de diluer la qualité dans la quantité, le phénomène dont il était l'épicentre est devenu une tornade à hauts risques. Parlez-en à Don Murphy, attaqué brutalement par QT tandis qu'il mangeait tranquillement en terrasse de resto.
Tout le monde s'est servi sur la bête. De vieux nanars sont ressortis. De vieux scénars se sont vendus à prix d'or. La mode avait produit son effet. Les médias se sont lassés.

Live to tell
Il faudra attendre 5 années pour célébrer le retour de l'ex enfant prodige. Il revient alors avec Kill Bill en deux volumes. Gloire à Uma. Et encore une fois jack pot pour Tarantino. Si les chiffres ne sont pas ceux de Pulp Fiction, le coup de coeur de tous ses aficionados, Kill Bill fait oublier le sentiment de fiasco de Jackie Brown, son seul film adulte, mais aussi le seul rejeté par ses fans.
L'ado est revenu à ses propres fantasmes. Il pourrait même prévoir un volume 3. En attendant, il devrait compléter sa petite filmographie avec un film sur la seconde guerre mondiale, une France occupée par les Allemands. Inglorious Bastards s'annonce comme un projet ambitieux.
Ses liens avec la France ne s'arrête pas à son amour pour la Nouvelle Vague, les origines de sa copine ou l'accueil très chaleureux de ce cinéaste quasiment révélé par la patrie du cinoche. L'ado qui veut bander plus haut que son nombril affirmait récemment : "Quand on n'a plus de pulsion sexuelle, il faut arrêter ce métier. Moi je me verrais bien en animateur de ciné-club. En fait, je suis un animateur de ciné-club frustré. J'achèterais une petite salle du Quartier latin, le Champollion par exemple, et je passerais tous les films que j'aime."
Un plan retraite qui se respecte.

Palmarès
- Reservoir dogs découvert à Sundance, culte à Cannes, applaudit à Toronto, nommé aux Indies Spirit awards
- Oscar du meilleur scénario et nommé à l'oscar du meilleur réalisateur (Pulp Fiction)
- chouchou des critiques en 94 (Los Angeles, New York...)
- Palme d'or (Pulp Fiction)
- En sélection à Berlin (Jackie Brown)
- Razzies : second role masculin (Fron Dusk till dawn)

-Vincy 

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