Venise 2025 | Smashing Machine : sans punch, Benny Safdie rate son uppercut

Venise 2025 | Smashing Machine : sans punch, Benny Safdie rate son uppercut

Dans les coulisses du MMA de la fin des années 90, la star montante Mark Kerr vacille entre triomphes sanglants et démons intimes : dopage, overdose, et une histoire d’amour toxique avec Dawn. Ballotté entre les mentors Mark Coleman et Bas Rutten, il tente la rédemption, rechute au Japon. Se relèvera-t-il?

Les frères Safdie se sont séparés. Cinq ans après leur dernière collaboration (le court métrage Goldman v Silverman) et six ans après leur ultime long métrage (l’excellent Uncut Gems), ils sont partis chacun de leur côté. Josh est attendu dans les prochaines semaines avec un biopic autour d’un champion de ping-pong (Marty Supreme). Benny a déjà dégainé son premier long perso (après une aventure dans la mini-série avec The Curse, sur Paramount +) en présentant The Smashing Machine à Venise. Un biopic autour d’un champion d’arts martiaux mixtes et de lutte.

Auréolé d’un prix de la mise en scène à la Mostra de Venise, The Smashing Machine nous rend assez perplexe sur le choix du jury. Durant cette fin des années 1990, on suit Mark Kerr dans un récit typiquement américain : ascension et gloire, addiction et déchéance, rédemption.

Tout est balisé. Et pour ceux qui ignorent le parcours de cet Américain numéro 1 mondial de sa catégorie, rien de grave : tout est expliqué de façon pesante. On peut aussi ne pas s’intéresser à ce destin somme toute banal.

The Rock…

En reprenant les codes cinématographiques des réalisations communes avec son frère, Safdie ne fait pas réellement preuve d’inventivité. Le scénario est plat. Les personnages secondaires font ce qu’ils peuvent pour exister, à commencer par Emily Blunt qui parvient à habiter chacune de ses scènes, même les plus vaines (et il y en a beaucoup) grâce à son seul talent.

La Smashing Machine, ce Mark Kerr, aurait pu nous intriguer. D’autant que pour l’incarner, Safdie a fait un choix « audacieux ». Dwayne Johnson / The Rock, ancien champion de catch, était jusqu’à présent un héritier de Schwarzenegger à Hollywood : des films familiaux bien consensuels et des grosses productions à l’action surprotéinée. Pour la première fois, il s’aventure dans le drame, avec un auteur derrière la caméra. Sans doute veut-il un Oscar (il y a encore du chemin) ou opte-t-il pour une carrière à la Stallone.

« Un jour sans douleur est un jour sans soleil »

Rien à dire : il était parfait pour le rôle, avec un peu de silicone pour la ressemblance. Le personnage n’est pas très sympathique (surtout avec sa femme), mais tout le récit est là pour éprouver une forme d’empathie qui nous guide jusqu’au pardon. Un peu court quand on voit qu’il est capable de féminicide avec un seul coup de poing.

Safdie ne prend aucune distance, ne cherche même pas à nuancer son propos. Il est là pour s’ébahir devant son Musclor, héros puissant gavé de testostérone, comme un gamin qui s’avoue secrètement attiré par les films de gladiateurs. Et l’ennui nous gagne vite. L’impression de déjà vu, une réalisation sans relief, une musique jazz trop présente (et un brin vaniteuse), des matchs et des matchs qui comblent le vide narratif, tout cela contribue à nous lasser très vite. Pire, à nous exaspérer à certains moments.

… mais pas Rocky

Reste quelques fulgurances : la peur dans le regard, la sueur des combats, le corps martyrisé, les coulisses d’un sport dangereux. Mais rien qui n’évite les manquements d’un script trop centré sur un personnage fade, fragile et naïf. L’épouse, le meilleur ami et rival, le coach auraient mérité d’être développés davantage. Même sa part sacrificielle est trop superficielle pour provoquer l’intensité recherchée. Sa défaite ne nous émeut jamais. Ce n’est pas Rocky.

Enfin l’addiction aux opioïdes est traitée comme n’importe quelle dépendance. Là encore Safdie évite le discours critique et par la même occasion ne cherche jamais à susciter l’intérêt de son histoire. Un homme trop gentil fait-il un bon héros de cinéma, quand bien-même il s’autodétruit? Ce n’est pas The Smashing Machine qui répondra à cette question. Tout est appuyé, convenu, facile. On est assommé plus que sonné. Rien n’est chaos mais tout nous a foutu K.O.

The Smashing Machine
Lion d'argent de la mise en scène à Venise 2025
2h04
En salles le 29 octobre 2025
Réalisation et scénario : Benny Safdie
Musique : Nala Sinephro
Image : Maceo Bishop
Distribution : Zinc films
Avec Dwayne Johnson, Emily Blunt, Lyndsey Gavin, Oleksandr Usyk, Ryan Bader...