Le ‘cinéma de genre’ compte de nombreux films post-apocalyptiques où nos vies sont bouleversées après une explosion nucléaire, une catastrophe naturelle, une épidémie… Ce n’est d’ailleurs pas réduit au ‘cinéma de genre’ puisque les cinéastes les plus connus se sont intéressé à un futur sombre : 28 jours plus tard de Danny Boyle, Les Fils de l’Homme de Alfonso Cuarón, Snowpiercer de Bong Joon-ho, Le jour d’après de Rolan Emmerich, La Route de John Hillcoat, After Earth de M. Night Shyamalan, The Postman de Kevin Costner, It’s all about Love de Thomas Vinterberg… Même en France, le sujet fascine, avec, par exemple, Le dernier combat de Luc Besson, Delicatessen de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, Le Temps du loup de Michael Haneke, The Divide de Xavier Gens, La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher.
L’influence de La Jetée de Chris Marker en 1962, ce court-métrage français composé de photographies où on essaye de retourner dans le passé pour peut-être changer la catastrophe du futur, est primordiale. Pas étonnant qu’on puisse le voir en intégralité dans l’exposition Apocalypse, actuellement à la Bibliothèque nationale de France, formidable parcours sur le thème, de ses origines à aujourd’hui, au fil des interprétations et des peurs des sociétés. L’expo s’ouvre sur la scène finale de fin du monde de Melancholia de Lars von Trier.
Et ne parlons pas des séries qui puisent allègrement dans la thématique : The last of us, dont la saison 2 vient d’être lancée, The Leftovers, Black Mirror (la nouvelle saison est toute aussi glaçante que les précédentes), Silo, et toujours Snowpiercer…
Le BIFFF 2025 n’a pas échappé au phénomène. 2073 et After us the flood sont deux récits qui s’interrogent sur la destruction de notre environnement. Une catégorie de personnes peut et devrait, agir plus que les autres : les gouvernants et les multinationales capitalistes. Hélas ça n’arrivera pas, la science-fiction arrive alors pour régler d’une manière radicale le problème : le ‘tax the rich’ n’est toujours pas mis en place, alors pourquoi pas un ‘kill the rich’ dans Rich Flu?
Un futur sombre n’est désormais plus seulement de la SF, mais une sorte de réalité augmentée. Plusieurs films de ce BIFFF partagent une thématique ‘Future Frights‘ : « Au jour d’aujourd’hui, les crises économiques, climatiques, idéologiques et existentielles ont toutes leur curseur dans le rouge… Forcément, cette débâcle mondiale est une source d’inspiration inépuisable pour le cinéma de genre. » rappelle le festival

2073 de Asif Kapadia (avec Samantha Morton, Naomi Ackie)
Après avoir réalisé plusieurs longs-métrages de fiction et des épisodes de série télé, Asif Kapadia est surtout connu pour ses multiples documentaires people dont Senna en 2010, Amy en 2015 (qui lui vaut un Oscar du meilleur documentaire) ou Diego Maradona en 2019. Son expérience de choisir et rassembler certaines archives pour en faire un nouveau récit l’amène à ce nouveau film 2073; où le contexte d’une fiction futuriste est le prétexte à un documentaire sur l’état du Monde aujourd’hui. Le constat est simple : le monde va mal et ça va être pire, la civilisation actuelle va s’effondrer à cause du chaos entretenu par les plus puissants et les plus riches.
Le début du film se déroule donc en l’année 2073 et mis à part les plus riches qui vivent bunkerisés dans des très hautes tours, pour les reste des hommes il n’y a plus aucune insfrastucture.
Samantha Morton survit au jour le jour dans un coin de souterrain à essayer comme d’autres d’aller glaner des trucs comestibles ici ou là, mais elle se souvient que tout n’a pas été toujours été ainsi : plusieurs flashbacks montrent l’état du monde en 2024 avec ses abus de pouvoir et sa pollution. Le documentaire est évidemment alarmiste pour ce qui est de l’écologie. Mais il est surtout dénonciateur des puissants. 2073 pointe les mauvaises actions des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de l’Inde, des Philippines.
Outre la politique le film dénonce également les géants des communications dont les Gafam, et leur alliance pour propoger les divers discours d’extrème-droite, tout en se révélant inactifs pour la planète. 2073 avait été présenté hors-compétition au dernier festival de Venise. Asif Kapadia s’est dit clairement inspiré du film La Jetée de Chris Marker pour de même se placer dans un futur en ruine et à partir de là évoquer certaines causes du désastre.

After us the flood, de Arto Halonen (Finlande)
Trois jeunes étudiants cherchent et trouvent une formule quantique pour produire une nouvelle énergie verte renouvelable ; leur formule est vendue à une entreprise spécialisée pour la produire… Bien plus tard – on est alors en 2064 -, le monde est ravagé à cause du climat qui a bien changé. Deux de ces anciens étudiants se retrouvent : on leur propose une mission, celle d’un voyage dans le temps.
Il s’agit de retourner dans le passé avec leurs connaissances actuelles, mais avec l’objectif de proposer leur formule gratuite et offerte à tous. Retour dans le passé au moment de leur enfance. Ils grandissent et commencent alors leurs études en physique…
Mais il y a eu un gros problème avec ce voyage dans le temps expérimental : ils ne sont pas revenus dans leurs corps d’avant mais dans le corps d’autres personnes ! Les relations humaines sont aussi compliquées que les paradoxes temporels… Il va falloir trouver comment faire émerger leur fameuse formule, mais avant ça, comment parvenir à influencer les bonnes personnes pour qu’elles collaborent.
Récompensé au festival de Trieste, deux fois nommé aux « César » filnandais (les Jussi), cet Après nous, le déluge démontre bien la nécessité d’être responsable de ses choix comme de ses décisions.

Rich Flu de Galder Gaztelu-Urrutia (avec Mary Elizabeth Winstead, Rafe Spall, Timothy Spall)
Présentée à Toronto puis Sitgès, cette production espagnole est la nouvelle fiction de Galder Gaztelu-Urrutia connu principalement pour l’énorme succès de La Plateforme et La Plateforme 2 sur Netflix. Deux films qui posaient déjà une réflexion sur les inégalités entre riches et pauvres, avec, en guise de métaphore, le partage de la nourriture. Il poursuit ce registre de la science-fiction, avec une épidémie mondiale se déclenchant partout dans le monde. Petite particularité, la pandémie fait mourir en premier lieules personnes les plus riches !
Puisque les plus riches sont plutôt un problème (voir autres films plus haut), cette grippe mortelle est-elle la solution ?
Le postulat et amusant, et ici dans Rich Flu tout commence autour du personnage de Mary Elizabeth Winstead qui est une influente productrice de cinéma dont la vie luxueuse la fait aller d’une avant-première à une vente aux enchère en jet privé. Les infos à la télévision annonce la mort du Pape et de certaines grosses fortunes très connues : milliardiaires, millionaires, membres de diverses royautés, banquiers et traders, ldirigeants de sociétés de la tech et du pétrole… Tous y passent.
C’est évidement la panique chez eux, d’autant plus que la revente de leurs actions en Bourse va être interdite. White Lotus en version inferno. Il leur faut brûler villa et yatch et trouver un moyen de se défaire de leur énorme fortune. On décide de les isoler. Pour certains, la survie passe par la fuite…
Le scénario de Rich Flu s’amuse ainsi d’une inversion des valeurs où ce sont les riches qui vont devenir des migrants clandestins, traversant la mer Méditerranée en direction de l’Afrique, où personne ne veut côtoyer une personne riche par peur d’être contaminé…