Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Saga  



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Garçon stupide


Suisse / 2004


 



ABOUT A BOY





"- Etre amoureux, c'est comme monter sur une chaise."

Déjà le village a un nom surréaliste : Bulle. La bulle dans laquelle on préfère rester pour ne pas se confronter au monde? Où la bulle vierge qu'il faut remplir pour faire avancer l'histoire d'une BD? Il y vit ce garçon, stupide. Ce n'est pas une réputation, c'est une vérité. Ne le jugeons pas, la caméra de Lionel Baier ne le fait pas. Mais c'est une gageure de vouloir centrer un film sur un personnage aussi vide de sens. Et pourtant... Ce garçon est de son temps. Il a un téléphone qui fait des photos et va dans les cybercafés. Il a un petit boulot et il mange du Macdo. Nature, paumé, cet animal sexué a un problème affectif très clair. Sa dévalorisation du corps, sa curiosité instinctive n'empêchent pas de le rendre aussi romantique, en plus d'être insouciant. Inculte, il devient un spécialiste du néologisme, sûr de lui et si peu confiant ("rabat-joisse"). Il n'est doué en rien. Instable, il lui est difficile d'appréhender ses sentiments. Cette handicap à communiquer - sauf pour le strict minimum - en fait un prototype fascinant pour le cinéma.
Car de Tarnation à Ma Vraie vie à Rouen, un genre naît sous nos yeux, qui reflète, comme dans un miroir, la jeunesse contemporaine, ses failles et ses angoisses. La grande force de Garçon Stupide est d'être formellement en phase avec son sujet. Ce style numérique et narcissique correspond en tout point à l'égocentrisme du personnage et son absence de lien avec le monde, l'histoire, l'avenir - et c'est du même coup toute la limite émotionnelle de ce type d'exercice. Il a beau avoir les outils en main (mobile, web, ...), il a beau photographier n'importe quoi et dialoguer avec n'importe qui, il n'est pas connecté! Le cinéma utilise alors une caméra subjective, tombant en extase devant son acteur. Le garçon défendu (quelques années après la femme défendue) a une tête pleine d'angles, un corps d'éphèbe (aspirine + maalex, ça entretient la ligne), une bêtise comique, et une bite suffisamment imposante pour se faire plaisir. Le tout assumé avec une fraîcheur déconcertante par le comédien. C'est la pétasse par excellence, voire pire. Il avoue : "les caresses, bof, c'est pas trop mon truc." On résume : "une vraie salope quoi." Il ne dément pas.
Car le film extirpe sa pertinence de son flirt avec le porno. Aucun tabou, aucune hypocrisie. Les plans culs sont aussi réalistes que pathétiques, à l'image de ces relations sans lendemains. Pas le temps d'installer le moindre espoir, le moindre amour. Au contraire, les images sont crues, la sexualité est "live", et on assiste un post coïtum qui rend l'animal vraiment triste. Ce cinéma exhib ne s'entoure d'aucun glamour. Voyeuriste, la caméra constate le sordide, enregistre les mots impudiques, et ne s'embarrasse d'aucune gloire. On s'essuie bien le cul et le pénis est filmé, zoomé. Dans les motels, on croise un mec en costard. Sous l'Hugo Boss, des tatouages et du piercing. Méfions nous des apparences. Car sa vie se résume à deux usines à chocolats : celle des machines pour futures tablettes et celle de la baise qui entretient les tablettes.
Le réalisateur aborde le propos sans détour. Il utilise les nouvelles manières de draguer (chat, cellulaire). Il utilise alors le split screen, nous fait visiter un forum de drague gay comme si nous y étions. Mais il tisse aussi des hyper liens d'un écran (celui de l'ordinateur) à l'autre (ce à quoi pense le surfeur). Il superpose le présent à la journée passée, le mec à chasser au dinosaure exposé. Le film s'inscrit ainsi dans son époque et se détache d'une vision aseptisée, adulte, irréelle et même fictionnelle. Garçon stupide, pendant ses deux tiers de temps, est un documentaire aussi faux que saisissant par son aspect véridique.
Puis il bascule dans l'allégorie. Le garçon stupide a commis l'erreur de trop. Le personnage prend alors de l'épaisseur au fur et à mesure que le film se dramatise. Le film devient touchant. Pour effacer une souffrance, il passe par tous les stades de la destruction, jusqu'à la négation de lui-même. Comme il y a les born again christians, il devient un bron again straight. Il n'est plus homo, radicalement, comme après un choc, un excès de culpabilité. Cette fragilité psychologique, plus courante qu'on ne le croit, pourrait étouffer sous l'oppression d'un deuil. Il va renaître dans l'allégorie, l'admiration pour une étoile inaccessible qui l'aveuglera un temps. Car on n'approche pas des sommets sans y risquer ses ailes. Il comprend alors le chemin qu'il a à faire. Dans un long monologue à la Trainspotting, il ne devient pas plus intelligent, mais il apprend à résister, à exister. Comme le chantait...
 
vincy

 
 
 
 

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