Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Le domaine perdu


France / 2005

01.06.05
 



LE TEMPS PERDU





"- J’ai voulu mourir et puisque je n’ai pas réussi, je ne vivrai que pour l’amusement"

Il est des oeuvres littéraires si marquantes que ceux qui les ont lues enfant ou adolescent redoutent de s’y replonger, de peur de ne pas en retrouver la magie originelle. Il leur faut, pour se décider, avoir bien du courage, prendre le risque de la déception. Le Grand Meaulnes fait partie de ces œuvres. Du courage, Raoul Ruiz doit donc en avoir, puisqu’il s’attaque, avec Le domaine perdu, au roman d’Alain Fournier, comme il s’était mesuré à l’œuvre de Proust avec Le Temps Retrouvé. Mais point d’adaptation ici, plutôt une variation autour du thème principal du récit, le rêve perdu de l’enfance, à laquelle viennent s’ajouter quelques accords tirés de Vol de Nuit et du Petit Prince de Saint Exupéry. Une grande œuvre cinématographique peut-elle naître de trois chefs-d’œuvre littéraires ?

Max, le petit prince de Raoul Ruiz, inspiré du narrateur du Grand Meaulnes, se laisse apprivoiser puis fasciner par un aviateur chercheur de trésor, Antoine. Cet aventurier volant est le reflet du Grand Meaulnes, mais un grand Meaulnes vidé de tout charisme par le regard de l’enfant émerveillé devenu adulte désabusé. Une histoire universelle, celle de l’inversion des rôles, du père vieillissant qui s’appuie sur son propre fils, du fils grandissant qui doit se faire violence pour soutenir ce père qu’il voudrait continuer à regarder les yeux plein d’admiration. Le ressort parfait pour toucher l’enfant qui reste là, à l’intérieur de chacun d’entre nous, celui-là même qu’utilise Jacques Audiard dans le réussi De battre mon cœur s’est arrêté. Mais le mécanisme est ici mal réglé, la machine refuse de se mettre en branle. Pas d’émotion, le cœur et les yeux restent secs comme la terre ocre et aride du Chili.

François Cluzet sonne juste dans le rôle d’Antoine, sur qui se cristallise toute la magie de l’enfance et toutes les désillusions de l’âge adulte, et joue aussi bien le héros de guerre admiré de tous que le pilote dépassé, incapable de manier correctement les machines modernes. C’est lui le guide qui nous mène vers les deux seules scènes mémorables (car empreintes de surréalisme) du film : la partie de football sans fin où le ballon artisanal finit pas monter jusqu’à la lune, et la fête imaginaire. La caméra de Ruiz suit plutôt bien le rythme d’un sommeil paradoxal où conversent des êtres étranges affublés de masques de morts. Triste fête où une vieille excentrique célèbre le mariage manqué de sa fille, cérémonie étrange où les invités se rassemblent à la fenêtre pour dire adieu à "la-ville-qui-va-faire-son-apparition". Seul Max ne les rejoint pas, trop jeune encore pour avoir à dire adieu à la magie de l’enfance.

Mais cette séquence, malgré sa beauté, ne parvient pas à nous faire plonger dans l’atmosphère si particulière du roman de Fournier. C’est Max à 20 ans – Grégoire Colin – qui, bizarrement, nous en rapproche le plus. Voix monocorde (alors qu’il est le narrateur), regard vide, charisme réduit à néant, poussant à l’extrême la passivité du narrateur du Grand Meaulnes, son interprétation est insupportable de bout en bout. Ce n’est qu’une fois la salle vide que l’on commence à être possédé par l’étrangeté de ce personnage falot. Vient alors le malaise. Le même que celui qui étreint le lecteur, lorsqu’il referme Le Grand Meaulnes.
 
asha

 
 
 
 

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