Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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L'enfer


France / 2005

30.11.05
 



TROIS SOEURS





"On ne demande jamais trop en amour. Jamais."

No Man's Land, fable pleine de dérision sur les affres de la guerre, comme Festen auparavant, nous avait fait croire à un espoir : celui d'un auteur prometteur permettant de déboulonner la figure sacrée de leur pays (Von Trier au Danemark, Kusturica dans l'ex-Yougolsovie). Mais comme Vinterberg, Tanovic a pêché par orgueil et prétentions. Leur second film, trop sérieux, renie leur style abruptement. Comme s'il fallait du drame pour mûrir. La légèreté, tant méprisée il est vrai, est effacée au détriment d'une pesanteur morale et d'un psychodrame trop réfléchi.
Tragédie existentielle, L'enfer flirte avec un film comme The Hours, triptyque féminin composé comme le puzzle d'un miroir brisé. Mais le rassemblement des pièces prend trop de temps. Le montage elliptique ne résout pas un découpage peu fluide, rarement séducteur. Même le flash back, pourtant saisissant, s'avère trop tardif. La faute à un scénario trop démonstratif, un suspens mal ficelé, une intrigue pas assez définie, un intérêt jamais prouvé.
Pourtant, cette partie de la trilogie imaginée par Kieslowski aurait pu nous plaire. "L'art de plaire étant celui de tromper" (selon Vauvenargues). Jamais nous ne sommes trompés. Tanovic est trop appliqué à filmer le sol, vu d'en haut, notre enfer d'un oeil qui juge. Oeil de Caïn pour la culpabilité, oeil voyeur pour les tourments. De tours en spirales, il fabrique à coup de clins d'oeil trop appuyés sur les vertiges censés déboussolés nos raisons. Car l'enfer est dans nos têtes. Trois filles victimes d'une Médée ayant mis en morceaux leur innocence. Aucune n'arrive à gérer les hommes. L'explication tient dans le rapport au père, sujet central qui ne prend corps que vers la fin... C'est aussi l'ultime scène qui s'avère la plus passionnante, par sa dose d'amoralité et son cynisme.
Mais deux heures de purgatoire c'est parfois trop dur à supporter. D'autant que les trois soeurs sont "inégales" dans leur traitement. Trois femmes incapables d'échanger "simplement" leurs sentiments (entre elles, avec les hommes). Besoin de psychanalyse sans pouvoir se confier à "l'autre". Préjudices persos qui nécessitent un dénouement mélo. Lâcheté, rédemption, mauvaise conscience, sexualité frustrée : le tableau n'est pas forcément joyeux pour elles comme pour les mecs (des fuyards au mieux). Mais face à une émotion trop glacée, nous ne ressentions rien, à l'exception de ces furtifs instants où l'interdit est enfin transgressé. Le film n'est pas dénué de sens mais il trop significatif, montrant sans subtilité tout ce qu'il veut dire. Certes la répétition des schémas, et des erreurs, auraient pur conduire à une belle démonstration. Ce n'est pas ce que l'on retient de ce kaléidoscope qui se télescope.
De cette famille scindée en trois, où le père (Tito?) a disparu tragiquement et la mère (l'utopie communiste) est muette et malade, une seule des filles (la Bosnie?) a un destin dramatique, inspiré, cinématographique. Clairement Tanovic a succombé à Marie Gillain, un peu mieux mise en lumière que les autres, avec un personnage beaucoup plus sensible.
La pléiade de stars françaises, le scénario d'un cinéaste défunt polonais, la mise en scène d'un réalisateur bosniaque donnent un cinéma européen un peu indigeste, trop technique.
Le contraire d'une marelle, jeu de filles conduisant de l'enfer au paradis, simplement dessiné à la craie. Si la (bonne) musique sauve un rythme bancal, on est surtout de déçu par une promesse non tenue. "C'est juste que j'ai cru que t'étais amoureux de moi. Je vais trop au cinéma", révèle Viard. Nous aussi, nous allons trop au cinéma et nous aimons croire que nous pouvons tomber amoureux de films aguicheurs par leurs noms propres. L'alchimie ne se décrète pas, elle se formule. En oubliant la magie de la symbiose et du naturel, Tanovic s'est égaré dans une expérience stérile.
 
vincy

 
 
 
 

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