Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les filles du botaniste


Chine / 2005

26.04.06
 



UNE FEMME AVEC UNE FEMME





"Tout devient merveilleux avec toi."

Quel meilleur décor pour une passion interdite qu'une île transformée en jardin aux faux airs de paradis terrestre ? La végétation luxuriante, l'atmosphère de huis-clos et la moiteur de cette serre géante conviennent si bien aux troubles naissants et aux sentiments violents que Daï Sijie en tire un parti pris esthétique particulièrement réussi. La moindre cueillette de racine devient éminemment sensuelle tandis que quelques pas maladroits dans la vase semblent une danse nuptiale. On atteint le summum lors des scènes de bains épurées et suggestives qui dégagent un érotisme bouleversant. Se sentant traquées dans cet univers clos qui les emprisonne, les deux héroïnes se réfugient toujours plus fréquemment dans cette salle d'eau qui devient comme un cocon protecteur. Autant les plantes finissent par étouffer toute pensée, tout désir, autant la vapeur d'eau, mêlée aux effluves de substances psychotropes, est un révélateur de désir et de vie. Daï Sijie y filme avec tendresse la beauté des corps nus et la fraîcheur des élans. Devant sa caméra, Mylène Jampanoï et Li Xiaoran rayonnent.

Mais le réalisateur ne se contente pas d'observer cette passion au quotidien. Il ajoute au film une étude de caractères passionnante qui oppose, plus que les femmes aux hommes, deux types de mentalités inconciliables. Les deux amantes cherchent leur propre voie, en dehors des sentiers balisés par les convenances ou les traditions, tandis que le père et le fils perpétuent un mode de vie ancestral sans jamais se remettre en cause. Comment ne pas voir dans ces opinions qui s'affrontent un symbole d'une Chine à deux visages, l'un tourné vers l'avenir et l'autre résolument attaché au passé ? Le père, patriarche engoncé dans sa propre importance, n'a pas vu le vent tourner. Il entend encore tout régenter, de l'existence de sa fille à l'intimité de son fils, sans souffrir la plus petite contrariété, comme au temps de ses ancêtres. Cet homme colérique et hargneux a élevé son fils à son image. Le jeune homme, assez fruste, n'y connaît tout simplement rien aux femmes, qu'il considère comme des objets. D'où ce contraste entre la douceur des gestes féminins et la brutalité masculine, qui semble parfois caricaturale, mais exprime avec justesse leur antagonisme culturel.

On peut incontestablement reprocher à Daï Sijie cette typologie un peu forcée, ainsi que sa manière d'appuyer les scènes sensibles avec une musique larmoyante et mièvre. Dans la dernière partie surtout, il dessert son propos par volonté de trop bien faire. Il manque notamment un peu de sécheresse, susceptible de tirer le film vers la tragédie plutôt que vers le mélodrame. La force du sujet, pourtant, excuse ces maladresses. Impossible de ne pas se laisser émouvoir par le sort cruel des deux jeunes femmes, coupables seulement d'avoir voulu être heureuses. L'ambiance chaude et lascive qui baigne le film, en plus d'envoûter le spectateur, souligne l'inhumanité d'une société qui juge et condamne sans chercher à comprendre, penchant résolument du côté de la Chine passéiste plutôt que vers celle de l'avenir… La manière dont Daï Sijie s'attache au destin de ses héroïnes sans trop insister sur le contexte politique ou social, n'empêche pas le film d'être une dénonciation efficace (parce que subtile) de la répression morale qui sévit encore aujourd'hui dans le pays.
 
MpM

 
 
 
 

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